Cela ressemble à une tournée de la dernière chance pour le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, en déplacement à Paris ce lundi avant de se rendre en Irlande mardi. En pleine négociation pour le règlement du conflit entre l’Ukraine et la Russie, les représentants ukrainiens multiplient les contacts avec leurs homologues européens et américains depuis le 21 novembre afin d’amender le plan de paix dévoilé le même jour.
Ce plan reprend l’essentiel des demandes russes, notamment la garantie que l’Ukraine n’intègre pas l’Otan, la limitation des capacités militaires de l’Ukraine à 600 000 hommes ou encore l’annexion par la Russie de l’ensemble des Oblasts de Donetsk et de Louhansk ainsi que l’intégralité des territoires occupés. Dès le 22 novembre, Emmanuel Macron avait indiqué, sur X, ses réserves concernant la proposition des Etats-Unis : « Le projet en 28 points doit être renforcé : aucune frontière ne doit être modifiée par la force et l’Ukraine ne doit jamais être vulnérable. »
Totalement écartés dans la préparation de ce plan, les Européens ont, dans le cadre des négociations menées à Genève la semaine dernière, formulé des contre-propositions à l’administration américaine. Des négociations bilatérales se poursuivent depuis en Floride entre Ukrainiens et Américains. Des discussions jugées « productives », hier, par le secrétaire d’Etat Américain, Marco Rubio. Dans ce contexte, et alors que l’envoyé spécial de Donald Trump, Steve Witkoff se rend à Moscou mardi 2 décembre pour proposer un accord de paix, il apparaît crucial pour les Ukrainiens de s’assurer du soutien des Etats européens. Par ailleurs, ce soutien semble indispensable compte tenu du scandale de corruption qui a poussé le bras droit du président ukrainien à la démission et de l’avancée rapide des forces russes sur le front.
« Les Européens se sont ralliés bon an mal an à la dynamique préparée par les Américains »
Alors que les soutiens européens de l’Ukraine refusaient, jusqu’au retour de Trump à la Maison blanche, catégoriquement la cession de territoires par l’Ukraine à la Russie, les alliés semblent désormais davantage chercher à « limiter les dégâts », juge le général Dominique Trinquand, spécialiste des relations internationales. « Les Européens se sont ralliés bon an mal an à la dynamique préparée par les Américains. On va arriver dans le dur, les Européens vont devoir déterminer leurs lignes rouges », constate Igor Delanoë, chercheur associé à l’Iris et spécialiste de la géopolitique russe.
Dans la contre-proposition européenne au plan de paix de Donald Trump, « négociations sur les échanges territoriaux » à partir « de la ligne de contact » sont envisagées. Une position qui reviendrait à accepter que l’Ukraine ne récupère pas l’intégralité de son territoire d’avant-guerre. Sur ce point, à l’occasion de la conférence de presse conjointe d’Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky, le président français a clairement indiqué que seule l’Ukraine pouvait discuter avec la Russie de la cession de territoires souverains.
Des garanties de sécurité incertaines
En marge de sa rencontre avec Emmanuel Macron, Volodymyr Zelensky a rappelé sur X sa volonté de mettre fin à la guerre et de poser les bases d’une « paix véritablement durable ». Une paix durable que le président ukrainien conditionne à l’octroi de garanties de sécurité pour son pays. Alors qu’une force d’interposition en Ukraine menée par des pays européens, notamment la France et le Royaume-Uni, était évoquée au printemps dernier, les propositions les plus récentes envisagent la présence de troupes de l’Otan en Pologne ainsi qu’un engagement des Etats-Unis à défendre l’Ukraine dans les conditions de l’article 5 de l’Otan. Concrètement, cela signifie qu’en cas d’attaque russe sur l’Ukraine, les Etats-Unis devraient intervenir en faveur de l’Ukraine.
Si cette mouture n’a que très peu de chances de voir le jour, Emmanuel Macron a répété à l’issue de sa rencontre avec Volodymyr Zelensky que les « garanties de sécurité ne peuvent être discutées sans que les Ukrainiens et l’ensemble de la coalition des volontaires ne soient autour de la table ». Pour le chef d’Etat ukrainien, l’enjeu est de « préserver l’indépendance de l’Ukraine ». « Il ne s’agit pas de savoir quand cette guerre terminera, mais de combien de temps en paix nous aurons », ajoute Volodymyr Zelensky.
« L’agresseur doit payer »
Parmi les autres points à régler dans le cas d’un éventuel accord de paix, la question de l’utilisation des avoirs russes gelés revient avec insistance. Alors que plus de 200 milliards d’euros d’avoirs russes sont détenus au sein de l’Union européenne, l’utilisation de ces avoirs pour financer le soutien européen à l’Ukraine avait profondément divisé les 27 en octobre dernier. « Si les fonds gelés sont utilisés pour reconstruire l’Ukraine, il peut y avoir un consensus acceptable pour tous les acteurs », note Igor Delanoë qui estime qu’un accord de paix pourrait difficilement se passer de l’aval des Européens compte tenu de la présence des avoirs russes dans les Etats membres.
Pour les alliés européens de l’Ukraine, l’objectif est que les avoirs russes soient utilisés pour compenser les dommages liés à la guerre et financer la reconstruction de l’Ukraine. Une position évidemment soutenue par Volodymyr Zelensky martelant que « la guerre ne doit pas être profitable » et que « l’agresseur doit payer ».
« Je ne vois pas un plan de paix se concrétiser rapidement »
Alors que l’on ne sait pas encore quelles propositions seront soumises par Steve Witkoff à Vladimir Poutine, Emmanuel Macron a tenu à rappeler qu’il n’y avait pas encore de plan de paix et que « nous sommes encore dans une phase préalable ». Après avoir salué les efforts de médiation de l’administration américaine, le chef de l’Etat français constate néanmoins que la Russie a refusé toutes les tentatives de conciliation précédentes. « Je ne vois pas un plan de paix se concrétiser rapidement. La position de Poutine est absolument rigide et il compte sur l’usure des Américains et des Européens », estime Dominique Trinquand.