Sur la base militaire de Villacoublay, au sud-ouest de Paris, Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky échangent leurs parafeurs. Derrière eux, les drapeaux français et ukrainien et un avion Rafale équipé de missiles air-sol. Les deux hommes actent un renforcement de leur coopération bilatérale immédiat et sur les dix prochaines années.
Le président ukrainien s’engage aussi à acheter des drones intercepteurs à la France, de nouveaux systèmes de défense anti-aérienne, comme le SAMP-T, mais surtout, et c’est une première, il signe une lettre d’intention pour acquérir jusqu’à 100 avions Rafale, des chasseurs de nouvelle génération français avec leur armement. Un engagement qualifié d’« historique » par le président ukrainien et Emmanuel Macron de préciser : « Avec les 100 Rafale nous déploierons les programmes de formation qui doivent les accompagner et les programmes de production. »
« C’est une formidable nouvelle pour la France et pour la maison Dassault qui fabrique les Rafale. Après la Grèce et la Serbie, c’est la troisième fois qu’elle en vendrait sur le sol européen, » se réjouit le général Christophe Gomart, député européen (LR), « pour Emmanuel Macron c’est aussi une victoire, car les Ukrainiens s’engagent à acheter Européen et non pas Américain, ce qu’il appelle de ses vœux depuis longtemps. » « Il faut aussi voir un engagement de la France sur le long terme », précise le Général Dominique Trinquand, spécialiste des relations internationales, « cela montre que nous soutenons l’Ukraine dans la durée pour son indépendance et pour qu’elle se dote des capacités pour résister à une agression de la Russie si celle-ci continuait ou si celle-ci reprenait après un cessez-le-feu. »
Pas de livraison avant 3 ans, au minimum
Un engagement sur le long terme, car dans les faits les carnets de commandes du groupe Dassault sont déjà pleins. 250 Rafale ont déjà été précommandés par l’Inde, les Emirats arabes unis ou encore l’Indonésie. « La première livraison de Rafale à l’Ukraine, n’interviendra pas, au mieux avant 3 ans minimum, et encore », souligne le général Gomart, « où en sera-t-on de la guerre, est-ce qu’on va retarder la livraison des autres pays pour fournir l’Ukraine ou pire ponctionner l’armée française comme on a pu le faire avec les Mirage 2000, je suis très interrogatif. »
Il y a aussi la question du financement, pour 100 Rafales et leur équipement il faut compter entre 10 et 15 milliards d’euros. Or, l’Ukraine est un pays en guerre, et Volodymyr Zelensky s’est aussi engagé, dans une autre lettre d’intention, à acheter 150 avions de combat Gripen à la Suède. « On est en mesure de se demander comment est-ce qu’il va honorer son engagement et avec quel argent », nuance le général Gomart, « n’oublions pas qu’il n’a signé qu’une lettre d’intention. »
« Est-ce que le financement viendra du côté de l’Union européenne, s’interroge lui aussi le général Trinquand, « de l’Otan, de l’Ukraine. On n’en sait rien pour l’instant. Mais si ça vient de l’Union européenne, il est légitime que d’autres pays veuillent avancer leurs pions pour vendre leurs propres systèmes de défense. »
Un changement de position
Cette volonté de Kiev, d’acquérir des avions de combat montre un changement de position. Depuis le début de l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie en 2022, la coutume était plutôt à la cession d’armes de la part des pays occidentaux. Mais Volodymyr Zelensky veut maintenant renforcer la défense aérienne de son pays, avec des avions « plus performants que ceux des Russes. » Il faut dire que sa neuvième visite en France depuis l’agression de Moscou, intervient alors que la situation sur le front est compliquée pour l’Ukraine. Au cours de la nuit de dimanche à lundi, des attaques menées par la Russie ont causé la mort d’au moins cinq personnes dans la région de Kharkiv, à l’est du pays.
Moscou a aussi intensifié ses frappes sur le réseau électrique ukrainien et sur les infrastructures ferroviaires. Pour renouveler la flotte, les chemins de fer ukrainiens viennent d’acquérir 55 locomotives auprès du Français Alstom, un contrat de quelque 470 millions d’euros. Les locomotives seront fabriquées dans le Territoire de Belfort.
Pour Emmanuel Macron, il s’agit aussi d’un « soutien à la résistance ukrainienne qui reste […] la première ligne de défense de l’Europe ».