Guerre Israël/Hamas : Les États-Unis n’ont « pas la crédibilité pour être respectés en Israël et craints dans les pays arabes »

Invité de « Bonjour chez vous » sur Public Sénat, ce mercredi 8 novembre 2023, Antoine Basbous, le politologue et directeur de l’Observatoire des Pays Arabes, décrypte le rôle des Etats-Unis et de l’Iran dans le conflit entre Israël et le Hamas.
Stephane Duguet

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Alors que la guerre entre Israël et le Hamas dure depuis un mois, après les attaques de l’organisation islamiste qui ont fait 1400 victimes, les appels au cessez-le-feu de la communauté internationale restent pour le moment sans effet. Des milliers de Palestiniens sont morts dans les bombardements israéliens, les troupes terrestres de Tsahal sont entrées dans Gaza-ville et Benyamin Netanyahou, le chef du gouvernement israélien, exclut tout cessez-le-feu sans la libération des 241 otages israéliens et internationaux du Hamas.

Selon le chercheur Antoine Basbous, les initiatives de paix sont dans une impasse, d’abord à cause de l’agenda du Premier ministre israélien. Israël cherche à « retrouver sa stature de puissance régionale incontestée et incontestable et il y a un agenda intérieur puisque Benyamin Netanyahou est fragilisé et qu’il doit rendre des comptes. Il y a aussi peut-être un objectif stratégique messianique qui est de pousser les Palestiniens vers le Sinaï pour s’en débarrasser en quelque sorte », avance le directeur de l’Observatoire des Pays Arabes sur Public Sénat.

« Pour Vladimir Poutine, c’est tout bénéfice »

Le rôle des Etats-Unis, premier soutien d’Israël tout en demandant l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza, est perçu comme peu « crédible » par le politologue. D’un côté vis-à-vis des Israéliens parce que « les Etats-Unis passent tous les caprices d’Israël » et de l’autre vis-à-vis des pays arabes car « ils ont compris que les Américains sont sur le retrait dans cette région du monde ». « Ils n’ont pas la crédibilité pour être respectés en Israël et craints dans les pays arabes », résume Antoine Basbous. Face à cette situation, la Russie, alliée de l’Iran dans le cadre de la guerre en Ukraine et en Syrie, tire son épingle du jeu. Le conflit au Proche-Orient « déplace le front international au Levant et pour Vladimir Poutine, c’est tout bénéfice », observe le chercheur.

L’Iran lutte pour l’hégémonie régionale, notamment à travers le Hezbollah libanais, posté au sud du Liban à la frontière avec Israël et avec qui l’armée de l’Etat Hébreu échange des tirs depuis le 7 octobre. Vendredi dernier, dans son premier discours depuis le déclenchement du conflit, Hassan Nasrallah, chef de l’organisation chiite libanaise, n’a pas déclaré la guerre au voisin israélien, malgré son engagement aux côtés du Hamas. « Hassan Nasrallah est un pion dans la stratégie iranienne, il agit selon les instructions de Téhéran. Le jour où l’Iran dit : il faut y aller, il ne pourra pas reculer », explique Antoine Basbous qui pointe la déception des dirigeants palestiniens suite à ce discours.

Fracture entre les pays occidentaux et le Sud global

Si l’Iran exclut, pour le moment, d’intervenir dans le conflit, le fondateur de l’Observatoire des Pays Arabes détaille son implication à travers des « proxys » comme le Hezbollah au Liban, les rebelles Houthis au Yémen ou encore en Irak. « Ils veulent montrer leurs capacités et dire : venez négocier avec nous. Vos amis les Arabes, on les a écartés parce qu’ils sont honteux d’avoir signé la paix et normalisés avec Israël, la nouvelle puissance régionale, c’est Téhéran », décrypte Antoine Basbous. Sur la fracture entre les pays occidentaux et les pays du Sud global, d’autant plus visible depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, le chercheur voit dans le conflit au Proche-Orient, la confirmation que « cette dynamique s’installe dans la durée ».

Dans la même thématique

Turkey Iran Protest
6min

International

Iran : « Au sein de la jeunesse, il y a un rejet très fort de l’islam politique, voire de l’islam tout court »

Que se passe-t-il aujourd’hui en Iran ? La semaine dernière, le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a dénoncé un durcissement récent du contrôle des femmes sans voile. Dans le même temps, Paris juge « inacceptable » la condamnation à mort du rappeur Toomaj Salehi, emprisonné pour son soutien au mouvement Femme, Vie, Liberté. Pour Public Sénat, Farid Vahid, spécialiste de l’Iran et co-directeur de l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à la Fondation Jean-Jaurès, analyse le durcissement de la République islamique.

Le

Russian missile hit the outskirts of the city of Kharkiv
6min

International

Guerre en Ukraine : « Les Russes peuvent tirer dix fois plus d’obus que les Ukrainiens  »

Depuis l'été dernier et l’échec de sa grande contre-offensive, l’armée ukrainienne est sur la défensive. Malgré le déblocage d’une aide américaine de 61 milliards de dollars, le commandant en chef des armées reconnaît une dégradation de la situation sur le front. Pour Public Sénat, le Général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale, analyse une situation qui ne connaîtra d’issue qu’avec la « disparition de Vladimir Poutine ».

Le

Guerre Israël/Hamas : Les États-Unis n’ont « pas la crédibilité pour être respectés en Israël et craints dans les pays arabes »
4min

International

En Espagne, la Catalogne s’invite dans la campagne des européennes

A quelques semaines des élections européennes, l’émission Ici l’Europe, sur France 24 et Public Sénat, s’intéresse aux enjeux du scrutin en Espagne, où l’alliance du gouvernement socialiste avec les indépendantistes catalans crée des remous dans la société espagnole et résonne au niveau européen.

Le

Trait-d-union-V2
1min

International

[Podcast] Trait d’Union - Qu'est-ce qu'il se passe si la France rejette le CETA ?

Le 20 mars dernier, le Sénat français a rejeté l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne : le fameux CETA. La droite sénatoriale s’est alliée pour l’occasion aux communistes et aux écologistes pour marquer un coup politique contre la majorité présidentielle. Mais ce théâtre politique est loin d’être fini! Le texte doit maintenant être transmis par le gouvernement à l’Assemblée nationale. Dans cet épisode, je voudrais qu’on se projette. Et si l’Assemblée venait à rejeter le CETA à son tour ? Qu’est-ce qui se passerait ? Est-ce que tout s’arrêterait ? Et puis autre question, pourquoi est-ce que le CETA est déjà mis en oeuvre, alors que tous les pays ne l’ont pas encore ratifié ? C’est ce qu’on va voir dans cet épisode.  Invité : Alan Hervé, professeur de droit européen à Sciences Po Rennes Vous souhaitez soutenir Trait d’Union ou en savoir plus ? Rendez-vous sur www.traitdunionpodcast.com

Le