Armenia: Humanitarian aid collected for Nagorno-Karabakh

Haut-Karabakh : Bruno Retailleau met en garde contre un nouveau génocide en Arménie

De retour du corridor de Latchine, seul lien entre l’Arménie et le Haut-Karabagh, quinze élus français dont le président des sénateurs Les Républicains appellent Emmanuel Macron et la communauté internationale à agir pour que l’Azerbaïdjan arrête son « opération d’épuration ethnique ».
Stephane Duguet

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Depuis le 12 décembre 2022, le Haut-Karabakh, région montagneuse peuplée par 120 000 personnes, dont 30 000 enfants, en majorité arméniennes, n’est plus relié à l’Arménie. Le corridor de Latchine est bloqué par l’Azerbaïdjan qui refuse de laisser passer qui que ce soit et interdit donc tout acheminement d’aide humanitaire.

Quinze élus français dont la maire socialiste de Paris Anne Hidalgo, le sénateur PS Rémi Féraud, le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand ou le patron des sénateurs Les Républicains (LR) Bruno Retailleau se sont rendus sur place entre ce mardi et ce jeudi. Ils ont escorté un convoi humanitaire subventionné par plusieurs collectivités françaises, sans succès. Le sénateur LR Bruno Retailleau revient sur ce déplacement et dénonce un possible génocide sur les Arméniens du Haut-Karabakh.

Vous étiez en Arménie pour accompagner un convoi humanitaire de dix camions. Qu’est-ce que vous avez pu observer sur place. Quelle est la situation dans le Haut-Karabakh ?

Dans ces dix camions, il y avait des biens de première nécessité notamment du lait infantile, des panneaux solaires et des groupes électrogènes parce que dans le Haut-Karabakh, l’électricité est coupée plusieurs heures par jour. Nous avons eu des contacts qui montrent que les habitants manquent de tout. Il y a eu un premier mort de la famine, c’est un homme de 40 ans. A cause des pénuries, le nombre de fausses couches a triplé. A l’hôpital, les médecins manquent de morphine et n’ont plus de fils pour faire des points de sutures. Ils ne peuvent plus opérer les gens.

La situation n’est pas près de s’améliorer puisque comme d’autres convois avant celui que vous avez accompagné, les camions sont restés bloqués au niveau du corridor de Latchine occupé par les Azerbaïdjanais…

Avec ce nouveau blocage de l’Azerbaïdjan, nous avons apporté la preuve par neuf que le blocus qu’ils ont installé dans le corridor de Latchine répond à un objectif d’épuration ethnique et met en place une politique de génocide comme l’a montré le rapport du 7 août de Luis Moreno Ocampo, l’ancien procureur général de la Cour Pénale Internationale. C’est inexcusable et je ne comprends pas le deux poids deux mesures de l’Union européenne. D’un côté, on a sanctionné légitimement M. Poutine pour l’agression russe en Ukraine et de l’autre, on ne fait pas de même avec M. Aliyev, président de l’Azerbaïdjan. Avec Mme von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, c’est même pire puisqu’elle a conclu un accord avec l’Azerbaïdjan pour importer du gaz qui provient en partie de Russie et qui contourne donc les sanctions prises contre la guerre en Ukraine.

 

Qu’est-ce que vous attendez d’Emmanuel Macron qui a annoncé une « initiative diplomatique » sur le Haut-Karabakh et appelé mardi Nikol Pachinian, le Premier ministre arménien et Ilham Aliyev, le président azerbaidjanais ?

On attend de voir ce que ça va donner. Nikol Pachinian nous a confirmé que le président français l’a appelé. Emmanuel Macron a sans doute été l’un des seuls dirigeants du camp occidental à réagir sur la situation dans le Haut-Karabakh. La France peut avoir des leviers d’action parce que nous avons une amitié multiséculaire avec l’Arménie. Le dernier roi d’Arménie Léon VI repose à la basilique de Saint-Denis, nous avons organisé un sommet de la francophonie à Erevan en 2018 et Missak Manouchian sera panthéonisé en février. Ces liens entre nos deux pays sont tellement puissants qu’ils sont capables de réunir des sensibilités politiques très différentes puisque nous étions présents avec Xavier Bertrand aux côtés d’Anne Hidalgo (la maire socialiste de Paris, ndlr) ou de Michèle Rubirola (première adjointe au maire divers gauche de Marseille, ndlr).

La France doit donc agir puisque la Russie joue le jeu de l’Azerbaïdjan et punit M. Pachinian d’avoir remporté la révolution de Velours en 2018 qui l’a un peu détaché de Moscou. Les Américains sont eux plus focalisés sur l’Ukraine et voient l’Arménie de très loin. Je suis aussi très déçu par l’Union européenne dont il ne faut rien attendre. L’UE n’est pas une puissance !

Quelles actions pouvez-vous encore mettre en place après le refus par l’Azerbaïdjan de laisser passer le convoi humanitaire ?

Nous sommes favorables à ce que la France dépose une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU même si elle a peu de chance d’aboutir. Il faut se saisir de tous les moyens dont nous disposons pour alerter sur ce qu’il se passe. Nous devons mobiliser l’opinion publique et nos gouvernants pour rétablir la libre circulation du corridor de Latchine. Avec le blocus instauré le 12 décembre 2022, Ilham Aliyev contrevient à ses propres engagements puisqu’il a signé le cessez-le-feu de novembre 2020 qui prévoit cette libre circulation. C’est impératif qu’Emmanuel Macron abandonne l’idée d’une symétrie entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan qui mène une opération d’épuration éthnique qui pourrait déboucher sur un génocide. L’Arménie a déjà vécu un génocide en 1915, on ne peut pas accepter que l’histoire se répète en 2023.

Vous dites aussi qu’au-delà du Haut-Karabakh, c’est l’Arménie tout entière qui est menacée ?

Oui ! Le problème aujourd’hui, c’est que l’Arménie est tellement affaiblie qu’elle n’ose pas prendre des initiatives sur le Haut-Karabakh par peur des représailles de l’Azerbaïdjan. La mission d’observation de l’Union européenne a produit des cartes et révèle que 140 km2 du territoire arménien sont occupés par l’Azerbaïdjan. Le problème n’est donc pas seulement le Haut-Karabakh. Si ce territoire tombe, l’Azerbaïdjan demandera plus avec la création d’un couloir au sud de l’Arménie pour rejoindre la province azerbaïdjanaise du Nakhitchevan, frontalière de la Turquie. Si cela arrivait, ce serait une réalisation du rêve de M. Erdogan d’avoir un lien direct avec les nations turques

Dans la même thématique

Haut-Karabakh : Bruno Retailleau met en garde contre un nouveau génocide en Arménie
4min

International

En Espagne, la Catalogne s’invite dans la campagne des européennes

A quelques semaines des élections européennes, l’émission Ici l’Europe, sur France 24 et Public Sénat, s’intéresse aux enjeux du scrutin en Espagne, où l’alliance du gouvernement socialiste avec les indépendantistes catalans crée des remous dans la société espagnole et résonne au niveau européen.

Le

Trait-d-union-V2
1min

International

[Podcast] Trait d’Union - Qu'est-ce qu'il se passe si la France rejette le CETA ?

Le 20 mars dernier, le Sénat français a rejeté l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne : le fameux CETA. La droite sénatoriale s’est alliée pour l’occasion aux communistes et aux écologistes pour marquer un coup politique contre la majorité présidentielle. Mais ce théâtre politique est loin d’être fini! Le texte doit maintenant être transmis par le gouvernement à l’Assemblée nationale. Dans cet épisode, je voudrais qu’on se projette. Et si l’Assemblée venait à rejeter le CETA à son tour ? Qu’est-ce qui se passerait ? Est-ce que tout s’arrêterait ? Et puis autre question, pourquoi est-ce que le CETA est déjà mis en oeuvre, alors que tous les pays ne l’ont pas encore ratifié ? C’est ce qu’on va voir dans cet épisode.  Invité : Alan Hervé, professeur de droit européen à Sciences Po Rennes Vous souhaitez soutenir Trait d’Union ou en savoir plus ? Rendez-vous sur www.traitdunionpodcast.com

Le

Paris : Speech of Emmanuel Macron at La Sorbonne
4min

International

Europe : le discours d’Emmanuel Macron peine à convaincre la presse étrangère

Ce jeudi 25 avril, le président de la République a prononcé un discours long d’1h45 sur l’Europe, dans lequel il a fait le bilan des sept dernières années, et dressé les défis à venir. « Notre Europe est mortelle » a notamment averti le chef de l’Etat, une expression qui fait beaucoup réagir nos homologues européens et internationaux, qui ont semblé assez interloqués par le vocable du locataire de l’Elysée.

Le