Current affairs question session with the government – Politics

IA : une proposition de résolution du Sénat veut « renforcer la protection accordée aux personnes »

Alors que les institutions européennes s’apprêtent à conclure un accord sur une réglementation sur l’intelligence artificielle, le Sénat présente un rapport d’information sur le sujet et plaide pour un encadrement de l’intelligence artificielle, tout en souhaitant que l’Europe devienne un espace économique attractif pour le développement des intelligences artificielles.
Henri Clavier

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

La Commission européenne n’a pas attendu l’appel d’Elon Musk à « mettre en pause » le développement des intelligences artificielles (IA) ou l’émergence de ChatGPT pour proposer un règlement sur le sujet. Une initiative présentée en 2021 mais qui doit toujours faire l’objet de négociations fin avril avant une potentielle adoption au cours du printemps. Dans ce contexte, la commission des affaires européennes du Sénat a présenté un rapport et une proposition de résolution sur le texte européen sur l’intelligence artificielle. Une démarche visant à « renforcer la protection accordée aux personnes », selon Catherine Morin-Desailly, sénatrice Union Centriste de Seine-Maritime et co-rapporteure. Les résolutions permettent au Sénat d’exprimer sa position sur un sujet précis. Cette procédure est régulièrement utilisée sur les sujets européens pour tenter d’influencer la position du gouvernement, ou rappeler la répartition des compétences entre les Etats membres et l’Union européennes.

Dans la continuité des textes sur le numérique (Digital Markets act et Digital Services act), l’Union européenne cherche à devenir la première organisation à mettre en œuvre une réglementation générale sur l’intelligence artificielle pour en limiter les effets négatifs. A travers ces travaux, le Sénat entend donner des arguments au gouvernement dans le cadre des négociations à venir sur le texte. « À partir du moment où cette proposition de résolution est adoptée elle deviendra aussi un outil utile pour le gouvernement à brandir dans les négociations », estime Catherine Morin-Desailly.

« On a souligné que l’approche par le risque était pertinente »

Dans sa proposition, la Commission européenne entend interdire le recours aux intelligences artificielles portant atteinte aux valeurs européennes et plus spécifiquement au droit des personnes. « On a souligné que l’approche par le risque était pertinente, on a souhaité renforcer et préciser quels pouvaient être les risques inclus dans la proposition », souligne Catherine Morin-Desailly. Une approche fondée sur le risque qui établit une classification en fonction du risque représenté par l’IA. Les systèmes à « haut risque », identifiés en fonction de leur finalité et de leurs modalités d’utilisation, seraient donc soumis à des obligations importantes en amont et après la commercialisation. Ces systèmes peuvent exister dans les transports, la justice, les ressources humaines ou la santé.

Le choix des systèmes considérés comme étant à haut risque est donc déterminant, même si « la Commission pourra toujours compléter la liste par des actes délégués », rassure Catherine Morin-Desailly. La classification de la reconnaissance faciale constitue un point de clivage important dans les négociations européennes, mais aussi pour le Sénat qui préconise d’interdire plusieurs procédés de reconnaissance faciale. « On a voulu dire que tout système IA visant la reconnaissance faciale et ayant pour but d’identifier, de catégoriser des individus dans l’espace public est contraire à nos priorités », rapporte Catherine Morin-Desailly. Le texte souhaite néanmoins laisser la place à des exceptions lorsqu’il s’agit de « d’identification biométrique à distance dans l’espace public ». Une exception qui pourrait se matérialiser avec l’organisation des Jeux olympiques.

« L’Union européenne doit pouvoir développer un avantage concurrentiel en la matière »

A travers sa proposition de résolution, la commission des affaires européennes souhaite également mettre une approche pragmatique de la régulation de l’intelligence au service des négociations sur le texte au niveau européen. « L’IA doit être fiable et éthique et respecter les valeurs européennes, ces IA peuvent être une source de grands progrès mais peuvent aussi être dangereuses », considère Catherine Morin-Desailly. Pour la sénatrice, l’objectif d’un tel texte est double, d’une part protéger et d’autre part créer les conditions propices au rattrapage des entreprises européennes sur le sujet de l’IA. « Nous considérons que nous devons aussi encourager les autorités européennes à une vraie politique de la recherche », explique Catherine Morin-Desailly.

En devenant le « premier continent à proposer un règlement homogène sur l’intelligence artificielle, l’Union européenne doit pouvoir développer un avantage concurrentiel en la matière », juge Catherine Morin-Desailly. En se dotant d’un cadre normatif exigeant, l’Union européenne entend créer les conditions d’un développement de l’intelligence artificielle, débarrassé des éléments les plus dangereux pour les droits fondamentaux. « Il y a des quantités d’applications insoupçonnées qui peuvent être très efficaces pour l’environnement, la vie économique et d’autres domaines », considère Catherine Morin-Desailly. L’introduction d’obligations contraignantes pourrait néanmoins avoir l’effet inverse et ne pas faciliter l’objectif affiché de réindustrialisation.

« Il faut beaucoup plus d’exigence dans nos règlements européens sur la transparence des algorithmes »

Pour la mise en application du règlement, la proposition de résolution préconise un contrôle par la CNIL, « qui a d’ailleurs déjà entamé une réflexion importante sur l’IA », note Catherine Morin-Desailly, le tout chapeauté par un « Comité européen de l’intelligence artificielle ». A travers leur proposition de résolution, les membres de la commission des affaires européennes du Sénat souhaitent aussi encourager le législateur européen à compléter un règlement qui manque d’exhaustivité, en particulier sur les sujets connexes du droit d’auteur des données ou de la transparence des codes informatiques. « Il faut beaucoup plus d’exigence dans nos règlements européens sur la transparence des algorithmes, je plaide pour un safety by design, c’est-à-dire qu’on ne met pas sur le marché quelque chose de nouveau tant que l’on n’a pas évalué ses potentiels effets négatifs », insiste Catherine Morin-Desailly.

 

Dans la même thématique

Un réfugié syrien en France célèbre la chute du régime de Bachar al-Assad en Syrie.
6min

International

Syrie : Plusieurs pays européens suspendent les demandes d’asile des réfugiés, la France « suit attentivement la situation »

Après la chute de Bachar al-Assad et l’arrivée au pouvoir de rebelles en Syrie, plusieurs pays européens dont l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, ont annoncé un gel des procédures de demandes d’asile. Plusieurs partis politiques ont également ouvert la voie au retour des réfugiés syriens dans le pays. Un débat qui soulève des questions politiques et juridiques.

Le

Des Syriens célèbrent la chute du régime de Bachar Al-Assad, après la prise de Damas par les rebelles du groupe HTS.
7min

International

Djihadistes : « Beaucoup d’entre eux préféreront rester en Syrie que rentrer en France »

Le régime de Bachar al-Assad est tombé en Syrie après l’offensive victorieuse, ce week-end, des rebelles islamistes d’Hayat Tahrir al-Sham (HTS). Le groupe compte dans ses rangs de nombreux djihadistes, dont quelques Français. Faut-il craindre un retour de certains d’entre eux ? Pour le spécialiste Thomas Pierret, cela n’est pas évident. En revanche, selon lui, une résurgence de Daech dans le pays est à craindre.

Le

Des Syriens célèbrent la chute du régime de Bachar Al-Assad, après la prise de Damas par les rebelles du groupe HTS.
7min

International

Syrie : de la Turquie à l’Iran, les équilibres bouleversés au Moyen-Orient après la chute du régime Assad

Après 24 ans de pouvoir, Bachar al-Assad a fui la Syrie, chassé par une offensive éclair du groupe islamiste Hayat Tahir Al-Sham. Une large partie du pays est désormais aux mains d’une coalition de rebelles, aux soutiens et intérêts divergents. De la Turquie à l’Iran, en passant par Israël, tour d’horizon des enjeux de la chute du régime Assad, qui bouleverse les équilibres régionaux.

Le

Syrie : Pour le Kremlin, la chute du régime de Bachar al-Assad est un revers géopolitique majeur
6min

International

Syrie : « Pour le Kremlin, la chute du régime de Bachar al-Assad est un revers géopolitique majeur »

La fuite du président syrien Bachar al-Assad, chassé par les rebelles islamistes en dépit du soutien de la Russie, rebat les cartes au Moyen-Orient. Pour le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU, cette situation illustre l’affaiblissement d’une Russie incapable de maintenir ses ambitions internationales, car vampirisée par la guerre qu’elle a déclenchée en Ukraine.

Le

La sélection de la rédaction

Paris 2024 Girl practicing sports in front of the Paris Town Hall
5min

Politique

Jeux Olympiques 2024 : le Parlement adopte définitivement le projet de loi

Ce mercredi, le Parlement a définitivement adopté le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Un texte qui prévoit l’expérimentation de la vidéosurveillance automatisée par intelligence artificielle, les tests génétiques pour les contrôles antidopage ou encore contre les militants écologistes qui interrompent les évènements sportifs.

Le