L’accord franco-algérien de 1968 est-il sur la sellette ? Le Sénat débat ce mardi 4 mars en fin de journée de l’avenir de ce texte, à la demande du groupe Les Républicains. Une initiative de plus de la part de la droite, qui multiplie depuis plusieurs années les coups de butoir contre cet accord bilatéral, qu’elle estime dépassé dans un contexte de vives tensions diplomatiques entre Paris et Alger. Sans enjeu législatif, ce débat est une manière pour la majorité sénatoriale de droite et du centre de réaffirmer sa position : les élus estiment que le manque de volonté manifeste des autorités algériennes de délivrer des laissez-passer consulaires, destinés à permettre le retour en Algérie des ressortissants algériens expulsés du territoire national, bouscule la politique migratoire française et porte atteinte à l’ordre public.
Cet accord bilatéral a été signé six ans après l’indépendance de l’Algérie. À l’époque, la France manque de main d’œuvre, et ce texte accorde aux ressortissants algériens un statut particulier avec toute une série de dérogations par rapport au droit des étrangers. Par exemple : les Algériens qui viennent en France pour un séjour de plus de trois mois sont exemptés de visa, ils doivent seulement fournir un justificatif de domicile. Ils ont la possibilité d’exercer une activité de commerçant ou une profession libérale. Ils peuvent également accéder plus facilement que les autres nationalités à une carte de résident de 10 ans.
D’autres dispositions concernent le regroupement familial. Ainsi, les membres de la famille se voient attribuer automatiquement un titre de séjour d’une durée égale à celle du parent qu’ils viennent rejoindre en France.
L’ultimatum de François Bayrou
Notons que cet accord a déjà été révisé trois fois, en 1985, en 1994 et en 2001, tendant à rapprocher ses dispositions du droit commun. Pour autant, la droite réclame l’abrogation des dernières mesures d’exception. Le 7 décembre 2023, une proposition de résolution portée par les deux groupes Les Républicains dans les deux chambres du Parlement, et appelant à la dénonciation de l’accord de 1968, a été rejetée par 151 voix contre 114 à l’Assemblée nationale.
Le 22 février, l’attentat au couteau de Mulhouse, qui a coûté la vie à Lino Sousa Loureiro, un Portugais de 69 ans, a remis ce sujet sur la table. L’assaillant présumé, de nationalité algérienne, était frappé d’une obligation de quitter le territoire (OQTF). Or, l’Algérie aurait refusé 14 fois de le reprendre, selon les autorités françaises. Le 26 février, à l’issue d’un comité interministériel de contrôle de l’immigration, le Premier ministre François Bayrou a fini par lancer un ultimatum à Alger. Le Palois a évoqué « une liste d’urgence de personnes qui doivent retourner dans leur pays », assurant qu’un refus de l’Algérie aboutirait à « une remise en cause » des termes de l’accord.
Rappel à l’ordre présidentiel
De son côté, le président de la République a fait savoir qu’une rupture unilatérale à l’initiative de la France n’aurait « pas de sens ». Avant de recadrer son premier ministre : « L’accord de 1968, c’est le président de la République », a-t-il déclaré auprès du Figaro, en marge d’un déplacement au Portugal. Une manière de rappeler que l’international fait traditionnellement partie du domaine réservé – « partagé », diront certains -, du chef de l’Etat. « Ce qu’on a acté avec le président Tebboune en 2022, c’est sa modernisation. Je suis totalement favorable, non pas à le dénoncer, mais à le renégocier », précise Emmanuel Macron.
La présence de nombreux ministres issus des rangs LR au sein du gouvernement accroît la pression sur le Premier ministre François Bayrou. À la tête d’un exécutif composite et privé de majorité au Parlement, le chef du gouvernement se voit écartelé entre les partisans du bras de fer avec l’Algérie d’un côté et ceux qui veulent continuer de privilégier la voie diplomatique de l’autre. Parmi les chefs de file de la méthode forte : le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
Déjà fin novembre, à l’époque de Michel Barnier, le locataire de la place Beauvau avait dénoncé « un droit exorbitant et que plus rien ne justifie », à l’occasion d’une audition au Sénat. « L’Algérie vole de ses propres ailes depuis des années et peut-être que le service que l’on peut mutuellement se rendre, c’est de s’oublier un peu l’un l’autre, notamment en matière d’accords migratoires », avait-il expliqué.
Malgré le rappel à l’ordre présidentiel, le ministre de l’Intérieur, en pleine campagne pour la présidence des LR, en a remis une couche cette semaine. Dimanche, dans un entretien au Figaro, puis à nouveau sur BFMTV lundi, il a défendu la mise en place d’une « riposte graduée » contre l’Algérie, annonçant que certains ressortissants s’étaient vus refuser d’entrer sur le territoire national à leur arrivée à l’aéroport de Roissy.