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Immigration : le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau « favorable à la dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968 »
Par Romain David
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« Un droit exorbitant et que plus rien ne justifie. » C’est en ces termes que Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, a dénoncé devant le Sénat l’accord franco-algérien de 1968, cible récurrente de la droite et de l’extrême droite sur les avantages accordés aux ressortissants algériens qui arrivent sur le sol français par rapport à d’autres étrangers. « À titre personnel, je serai favorable à la dénonciation de cet accord », a expliqué le locataire de la place Beauvau, auditionné ce mercredi 27 novembre par la Chambre haute qui a lancé une mission d’information sur les accords internationaux conclus par la France en matière migratoire.
« Cela n’engage que moi, il n’y a pas d’arbitrage du Premier ministre sur ce sujet », a-t-il précisé, estimant néanmoins que « l’on approch[ait] de ce moment-là », du fait de la dégradation des relations franco-algériennes au cours des derniers mois.
« Le service que l’on peut mutuellement se rendre, c’est de s’oublier un peu l’un l’autre »
La reconnaissance en juillet de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental par la France – encore réaffirmée à l’occasion de la visite d’Emmanuel Macron à Rabat fin octobre -, a ouvert une crise diplomatique entre Paris et Alger.
« La dernière affaire, c’est celle de Boualem Sansal », écrivain franco-algérien arrêté mi-novembre à son arrivée en Algérie, et placé sous mandat de dépôt, a rappelé Bruno Retailleau. « Les relations sont extrêmement tendues même si la France a fait beaucoup d’efforts pour se rapprocher de l’Algérie, On ne peut pas reprocher au président Macron de ne pas en avoir fait assez, il a fait beaucoup », a souligné le LR.
« En tant que ministre de l’Intérieur j’ai à connaître un certain nombre d’évènements qui me laissent à penser qu’une puissance étrangère ne peut pas tout s’autoriser en matière de violation de notre souveraineté », a-t-il également indiqué, sans en dire davantage. « L’Algérie vole de ses propres ailes depuis des années et peut-être que le service que l’on peut mutuellement se rendre, c’est de s’oublier un peu l’un l’autre, notamment en matière d’accords migratoires. »
Un accord révisé trois fois en un demi-siècle
L’accord franco-algérien signé le 27 décembre 1968, faisant suite aux accords d’Evian sur la fin de la guerre d’Algérie, et parfois désigné sous l’acronyme « AFA », instaure un cadre spécifique à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens qui arrivent en France. Il comporte de nombreuses dérogations au Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, applicable à la plupart des autres nationalités présentes sur le sol français.
« C’est un accord qui a été modifié à trois reprises, en 1985, en 1994 et en 2001 », a rappelé Bruno Retailleau. « En l’absence de nouvel avenant, toutes les évolutions du droit du séjour et de la circulation des étrangers intervenus en France depuis plus de 20 ans, y compris la loi de janvier 2024, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens », a-t-il pointé. « Ils bénéficient de conditions très avantageuses en matière d’immigration familiale avec des dérogations aux dispositions du droit commun. En matière d’immigration professionnelle, je pourrais vous en donner quelques-unes qui sont édifiantes. »
« Il y a plus de 200 000 visas accordés tous les ans à des Algériens »
Selon le ministre, ces avantages ont conduit « à deux difficultés ». Ils ont facilité les entrées sur le territoire national et « ils ont profondément structuré l’immigration algérienne en une immigration d’installation, alors que l’immigration issue du Maroc et de la Tunisie est aujourd’hui davantage économique et estudiantine. »
« Il y a plus de 200 000 visas accordés tous les ans à des Algériens. […] L’an dernier, les laissez-passer consulaires [qui permettent les reconduites aux frontières pour les étrangers en situation irrégulière frappés d’une obligation de quitter le territoire, ndlr], c’était autour de 2 000. Vous voyez la différence de flux ? », a-t-il cité. « Dans les Centres de rétention administrative (CRA), 40 % des personnes sont de cette nationalité. »
« La France a deux caractéristiques migratoires par rapport aux autres pays européens. Elle a l’immigration la plus africaine – certes, notre histoire a compté -, c’est trois fois plus par rapport à la moyenne, et l’immigration la moins tendue vers le marché du travail, avec un taux de chômage très important des étrangers », a encore voulu préciser le Vendéen.
« Vous parliez d’une immigration d’installation pour les Algériens. Est-ce dû à l’accord de 1968 ou à notre histoire avec l’Algérie, très différente de celle avec le Maroc et la Tunisie ? », lui a opposé la rapporteure socialiste Corinne Narassiguin. « Ça n’est pas qu’une question d’accord si des Algériens veulent continuer de s’installer en France », a-t-elle martelé.
Bras de fer
Le ministre a également tenu à balayer les difficultés juridiques souvent invoquées pour justifier le maintien de l’AFA. « La dénonciation de l’accord franco-algérien ne pose pas de problème majeur et il est faux de prétendre, comme le fait le gouvernement algérien, qu’en cas de dénonciation nous retomberions sur les dispositions de l’accord d’Evian. Non, nous retomberions sur les dispositions de notre droit commun », a soutenu Bruno Retailleau.
La sénatrice RDSE Sophie Briante Guillemont, qui représente les Français établis hors de France, a tenu à l’alerter sur les conséquences que pourrait avoir une dénonciation unilatérale de cet accord sur les 30 000 Français qui vivent en Algérie. « Ce sont souvent les premiers affectés par la dégradation de nos relations bilatérales », a-t-elle pointé. De son côté, la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio a tenu à saluer la position affichée par le ministre. « Je pense qu’avec l’Algérie, aujourd’hui, il faut être plus fort. […] Franchement, je pense que l’on est aujourd’hui à un point dans nos relations qui oblige la France à avoir une position très claire. »
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