Un homme tente de déstabiliser l’Europe en ce début d’année 2025 : il s’agit du milliardaire Elon Musk, propriétaire du réseau social X (ex Twitter), et nouvel homme fort de l’administration de Donald Trump qui va rentrer en fonction. Elon Musk a décidé, ces dernières semaines, de s’impliquer activement dans la campagne du parti d’extrême droite AFD, en vue des élections fédérales allemandes qui auront lieu le 23 février prochain. Un soutien actif qui a commencé par le post suivant : « Seul l’AFD peut sauver l’Allemagne », et qui s’est poursuivi notamment par une interview de plus d’une heure sur son réseau social de la dirigeante de l’AFD Alice Weidel.
Une immixtion dans l’élection d’un pays européen qui a fait réagir de nombreux dirigeants d’Etats-membres de l’UE et notamment Emmanuel Macron, le 6 janvier dernier : « Voilà dix ans, si on nous avait dit que le propriétaire d’un des plus grands réseaux sociaux du monde soutiendrait une nouvelle internationale réactionnaire et interviendrait directement dans les élections, y compris en Allemagne, qui l’aurait imaginé ? »
« Elon Musk utilise la puissance de son réseau social pour faire gagner l’extrême droite »
Alors que le réseau social X rassemble 100 millions d’utilisateurs au sein de l’Union européenne, la stratégie d’Elon Musk inquiète de nombreux parlementaires européens, comme l’eurodéputé socialiste Pierre Jouvet, interrogé dans l’émission Ici l’Europe sur France, Public Sénat et LCP : « Ce qui me choque, en vérité ce n’est pas les positions de Monsieur Musk. C’est un citoyen. Qu’il prenne les positions qui sont les siennes, il a le droit. Ce qui me choque, c’est qu’il se serve de son réseau social pour influer sur le cours de nos démocraties. Il est clair que Monsieur Musk met à disposition sa puissance financière, la puissance de son réseau social pour déstabiliser nos démocraties et faire gagner l’extrême droite en Europe et partout dans le monde. »
Du côté de l’AFD, on se frotte les mains et on minimise l’impact que peut avoir Elon Musk sur les élections allemandes : « Bien sûr c’est bon pour nous d’avoir un peu plus de visibilité, comme on n’apparaît pas trop souvent dans les médias allemands », reconnaît Markus Buchheit, eurodéputé allemand de l’AFD. « Mais je ne pense pas qu’Elon Musk soit un élément essentiel pour nous. Ce qui nous porte ce sont les problèmes que connaît le pays, comme l’immigration. » Selon les derniers sondages en Allemagne, l’AFD arriverait en deuxième position, le 23 février prochain, avec 20% des voix, derrière le parti de centre-droit CDU CSU à 30% et devant le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz, crédité de 15% des voix.
Le cas roumain va-t-il se reproduire en Allemagne ?
Alors que la dernière élection présidentielle en Roumanie, en novembre dernier, a été annulée par la Cour constitutionnelle roumaine, pour cause de manipulation du scrutin sur le réseau social TikTok, au profit d’un candidat prorusse, certains observateurs craignent que ce scénario ne se reproduise en Allemagne. Pour Pierre Jouvet, « en Roumanie, des puissances étrangères, la Russie et la Chine, par le biais de plateformes de réseaux sociaux, comme Tiktok, ont faussé le résultat de l’élection pour déstabiliser l’Europe. Vous avez un candidat qui n’était pas présent en septembre dernier sur le réseau social Tiktok et qui en quelques mois devient la personnalité politique la plus suivie, grâce aux algorithmes. »
« Que l’Europe se réveille » face aux géants américains du numérique
Alors qu’Elon Musk pourrait perturber une élection dans la première puissance de l’Union européenne, la réaction de la Commission européenne d’Ursula von der Leyen s’est révélée très timide. D’ailleurs, en pleine campagne électorale américaine et avant l’arrivée de la nouvelle administration de Donald Trump, Bruxelles a mis en pause ses enquêtes contre les géants américains du numérique dont X, pour abus de position dominante.
« J’attends d’une manière générale que l’Europe se réveille, que madame von der Leyen se réveille, qu’enfin nous arrêtions d’être les grands naïfs du monde », explique l’eurodéputé français. « Nous sommes des députés, nous votons des lois, nous avons adopté des textes pour réguler le numérique avec la possibilité de sanctionner ces grands groupes jusqu’à 6% de leur chiffre d’affaires. Que ces règles soient mises en œuvre. »
L’eurodéputé de l’AFD Markus Buchheit rappelle que 150 fonctionnaires enquêtent sur le réseau social d’Elon Musk. « Nous verrons le résultat de cette enquête. J’attends des preuves concrètes que ce réseau social ne respecte pas les règles européennes. »
Selon Pierre Jouvet, c’est la fermeté qui doit régner face à ces géants du numérique : « Soit ils acceptent les règles qui sont votées par les parlementaires européens. Mais si les règles ne sont pas respectées, alors nous devons de manière temporaire couper ces réseaux sociaux. »