« Mon père m’a dit : “Je regarde la mort en face.” » Réunis jeudi, les proches et les avocats des deux Français ont lancé un appel urgent à leur libération, estimant que leur survie est désormais en jeu après plus de trois ans et demi de détention. Le couple, parti pour un séjour touristique de dix jours, avait été arrêté en 2022, puis accusé par Téhéran d’espionnage au profit d’Israël. La France considère depuis qu’ils sont « retenus comme otages d’État ». Le mardi 14 octobre, la justice iranienne a annoncé le verdict de leur accusation sans préciser leur identité : vingt ans de prison pour l’un et dix-sept ans pour l’autre. Le Quai d’Orsay a dénoncé une condamnation « arbitraire » et sans fondement, tandis que les familles ont confirmé les peines, malgré l’absence de toute notification officielle et d’accès au dossier pénal. « En l’absence d’avocat indépendant, de dossier accessible et de communication officielle, nul ne peut confirmer les conditions dans lesquelles ces peines ont été prononcées », a déclaré Me Chirinne Ardakani, avocate de la famille Kohler.
Cette situation pourrait toutefois ouvrir la voie à un échange de prisonniers entre Paris et Téhéran. En France, Mahdieh Esfandiari, une ressortissante iranienne détenue pour apologie du terrorisme, pourrait être au centre de ces négociations. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, avait déjà confirmé le 11 septembre qu’un « accord d’échange » était en discussion entre les deux pays. Début septembre, dans une interview accordée à la télévision d’État iranienne, le diplomate avait même évoqué la libération imminente des prisonniers français en Iran, en contrepartie de celle de Mahdieh Esfandiari. Une hypothèse écartée par la défense des familles.
“C’est une question de jours, plus de semaines”
« Ils doivent être libérés immédiatement pour des raisons humanitaires », a plaidé Anne-Laure Paris, fille de Jacques Paris. Mardi, elle et Noémie Kohler, la sœur de Cécile, ont pu échanger avec leurs proches par visioconférence, durant huit minutes sous haute surveillance. « Nous sommes épuisés, nous ne pouvons plus tenir trois mois de plus », a confié Cécile Kohler, avant de conclure l’appel par un dernier message : « J’espère à très bientôt. » Pour la première fois, les deux détenus ont exprimé de manière explicite qu’ils étaient au bout de leurs forces. « C’est une question de jours, plus de semaines », alerte Noémie Kohler. « Face à cet ultime appel de détresse et à l’absence de garanties de l’État français, nous n’avons plus confiance », ajoute-t-elle avec émotion.
“Chaque jour de plus engage la responsabilité de l’État français”
Les familles dénoncent par ailleurs la décision soudaine du gouvernement français de retirer sa plainte déposée contre l’Iran devant la Cour internationale de justice, concernant les conditions de détention du couple. « Ce retrait est incompréhensible, alors même que leurs conditions ne se sont en rien améliorées », s’indigne Noémie Kohler, la sœur de Cécile. « Chaque jour de plus engage la responsabilité de l’État français. Il est inconcevable que tous les moyens ne soient pas mobilisés pour obtenir leur libération. » L’Iran est régulièrement accusé de recourir à la détention d’Occidentaux comme moyen de pression diplomatique, une pratique qualifiée par plusieurs observateurs de « diplomatie des otages », exercée par le régime des mollahs depuis plusieurs années. Tout en reconnaissant la complexité diplomatique du dossier, les proches estiment que l’appel reçu mardi « marque un tournant ». Selon Me Chirinne Ardakani, avocate de la famille Kohler, la détention de Cécile Kohler et Jacques Paris figure parmi les plus longues jamais infligées à des ressortissants français à l’étranger, après celle d’Ingrid Betancourt en Colombie, entre 2002 et 2008.
Depuis le bombardement de la prison d’Evine en juin dernier, lors du conflit de sept jours avec Israël, Cécile Kohler et Jacques Paris ont été transférés dans “un lieu de détention secret”, selon Anne-Laure Paris. Leur localisation exacte demeure toujours inconnue.