Israël/Hamas : « Benjamin Netanyahou est surtout dans une situation où il n’a pas remporté de victoire » analyse Gilles Kepel

Six mois après l’attaque du 7 octobre en Israël, le politologue Gilles Kepel est l’invité du plateau de Bonjour Chez Vous pour évoquer, entre autres, l’état du conflit et les orientations stratégiques menées par Benyamin Netanyahou.
Camille Romano

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Mis à jour le

Six mois après l’attaque du 7 octobre, « Israël est à un pas de la victoire », selon Benjamin Netanyahou. Pas si sûr pour Gilles Kepel, politologue spécialiste des mondes arabes et invité de la matinale de Public Sénat. « Il est surtout, après 6 mois, dans une situation où il n’a pas remporté de victoire », analyse l’universitaire. « C’est la première fois pour l’État hébreu, où après 6 mois de mobilisation, plusieurs dizaines de milliers de morts, civils et militaires, il n’a pas été capable d’imposer une victoire décisive éclair sur le terrain de Gaza. Et cela, c’est un énorme problème. »

Que penser donc des déclarations du Premier ministre israélien ? « Ce qu’il veut dire par là, c’est qu’il va changer de stratégie. » En effet, les troupes israéliennes se retirent de la région de Khan Younès, grande ville de la bande de Gaza, d’où est originaire Yahya Sinouar, chef du Hamas et principale cible de l’armée israélienne.

« Cautériser la douleur terrible des Israéliens »

Benjamin Netanyahou semble vouloir concentrer ses opérations sur la zone de Rafah selon Gilles Kepel.  « L’objectif de Netanyahou, c’est, une fois que la population civile aura bougé, de lancer son assaut final, pensant que Yahya Sinouar s’y dissimule, probablement entouré des otages survivants. » D’après l’islamologue, atteindre le chef du Hamas est d’une importance stratégique mais aussi presque symbolique : « Pour lui, montrer qu’il a capturé ou tué Sinouar est une manière de cautériser la douleur terrible que ressentent les Israéliens depuis le 7 octobre. »

L’armée israélienne sera-t-elle en mesure de mener cette nouvelle opération à bien ? « Cela dépend de l’opération. Une opération sur le terrain avec l’infanterie peut-être, mais je crois qu’il va surtout s’agir de bombardements avec une visée de pénétrer profondément dans les tunnels… » avance Gilles Kepel. Quelques jours après une frappe israélienne ayant coûté la vie à sept humanitaires de l’organisation World Central Kitchen, Gilles Kepel souligne que le risque de « massacres de populations civiles ou humanitaires » constituait un « problème majeur d’opinion publique ».

Pas de cessez-le-feu sans victoire militaire

Alors que des négociations pour espérer aboutir à un cessez-le-feu se tenaient encore au Caire dimanche, le Premier ministre israélien a aussi balayé cette possibilité : « Netanyahou ne peut pas accepter un cessez-le-feu, tant qu’il n’a pas remporté une victoire militaire, parce que dans ce cas-là, il se discrédite totalement aux yeux de l’électorat israélien. » a affirmé Gilles Kepel. Le politologue a estimé que, si le Premier Ministre n’était pas « très populaire » auprès des Israéliens, la coalition qu’il contrôle au Parlement est encore « très solide ».

Gilles Kepel a également évoqué avec Oriane Mancini l’exportation à l’international du conflit : « Une autre option qui s’ajoute et se conjugue dans la stratégie militaire de M.Netanyahou, c’est d’attaquer le Hezbollah au Liban. Il y a quelque chose qui se transforme dans la configuration militaire régionale. » Au Liban, mais également en Iran, a-t-il poursuivi : « Tout indique, ce sont les déclarations des Israéliens, qu’ils vont » taper « sur le Hezbollah. Mais est-ce que les Iraniens seront capables d’y répondre ? » Une question que Gilles Kepel se garde de trancher définitivement.

Dans la même thématique

Urbi et Orbi with Francis
5min

International

Mort du pape François : « Il a créé beaucoup de cardinaux, ce qui aura son importance au conclave »

Après la mort du pape François ce lundi 21 avril, la question de l’héritage de son pontificat se pose. Pendant 12 ans, il a accordé beaucoup d’importance aux pays du Sud et a consacré ses encycliques à des thématiques comme la fraternité et l’écologie. Entretien avec Sophie Gherardi, directrice du centre d’étude du fait religieux contemporain.

Le

Holy Mass on Easter Sunday and “Urbi et Orbi” Vatican City , Italy  20.05.2025
9min

International

Mort du pape François : la disparition d’un souverain pontife qui revendiquait la simplicité

Le pape François est décédé ce lundi 21 avril 2025 à l’âge de 88 ans. Le souverain pontife laissera derrière lui l’image d’un religieux à l’aura importante et aux prises de positions tranchées. À défaut d’avoir réellement réformé l’Église, le natif de Buenos Aires a tenté d’impulser la mise en débat de transformations à mettre en place. Plutôt populaire, François s’est érigé comme le représentant d’une classe sociale relativement modeste, étant lui-même issu d’une famille d’immigrés italiens en Argentine.

Le

La sélection de la rédaction

MIDEAST-GAZA-KHAN YOUNIS-ISRAEL-STRIKES-AFTERMATH
6min

International

Guerre Israël-Hamas : « Le prix des otages a augmenté »

Tandis que le bilan humain à Gaza ne cesse de s'alourdir et qu’une distribution alimentaire a été meurtrière ce jeudi, les efforts diplomatiques se poursuivent en vue d’une nouvelle trêve entre Israël et le Hamas. Mais les contours d’un accord sont complexes, comme l’explique David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’Institut de recherches internationales et stratégiques (IRIS) et rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques (L’Harmattan).

Le