House of Representatives Vote on a New House Speaker
House Speaker Mike Johnson (R-LA) speaking just after a vote of the House of Representatives on a new House Speaker, in the House Chamber at the U.S. Capitol. (Photo by Michael Brochstein/Sipa USA)/49204106//2310260702

La Bible comme vision du monde : qui est Mike Johnson, le nouveau speaker de la Chambre des représentants aux Etats-Unis ?

C’est un inconnu du grand public qui accède à la troisième plus haute fonction politique américaine. Mercredi 25 octobre, le Républicain Mike Johnson est devenu speaker de la Chambre des représentants. L’élection du trumpiste, qui nie toujours le résultat de la présidentielle de 2020, met fin à un embarrassant blocage du Congrès.
Rose-Amélie Bécel

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Trois semaines se sont écoulées entre l’éviction du Républicain Kevin McCarthy, écarté du poste de speaker par une motion de censure venue de son propre parti, et l’élection de son successeur, Mike Johnson. Anti-avortement, opposé au mariage pour tous, climatosceptique… Le nouveau speaker de la Chambre des représentants américaine incarne la ligne ultra-conservatrice du parti Républicain.

L’élu de Louisiane, avocat de profession et âgé de 51 ans, siège au Congrès américain depuis 2017, après une rapide carrière en politique locale où il s’était notamment engagé en faveur du maintien de la prière obligatoire dans les écoles publiques de son État.

La Bible comme vision du monde

Proche des organisations religieuses et lui-même chrétien évangélique assumé, ses prises de position à la Chambre ressemblent à une caricature du conservatisme religieux américain. « Il mentionne la Bible dans chacune de ses prises de parole, y compris dans son discours d’investiture. Il dit avoir obtenu son nouveau mandat grâce à une action divine, grâce aux prières de sa femme », raconte Alexis Pichard, docteur en civilisation américaine, spécialiste de la politique et des médias américains.

En juin 2022, il célébrait sur Fox News l’annulation par la Cour suprême de l’arrêt Roe v. Wade, enterrant le droit d’accès à l’avortement pour toutes les Américaines. Une « grande et joyeuse occasion », s’était-il réjoui. L’an dernier, il avait défendu au Congrès une loi visant à interdire toute discussion sur l’orientation sexuelle et les identités de genre dans les institutions subventionnées par l’État fédéral.

« En tant qu’ancien avocat dans un lobby religieux, on sent qu’il a à cœur de porter cette vision dans les textes de loi », indique Alexis Pichard, rappelant le passé de porte-parole de l’Alliance Defending Freedom du nouveau speaker. En 2003, comme avocat pour ce groupe de défense juridique chrétien, Mike Johnson s’était par exemple fermement opposé à l’annulation des lois de criminalisation de l’homosexualité au Texas, décidée par la Cour suprême.

Fervent soutien de Donald Trump

Lors d’une conférence de presse à la suite de son élection, le nouveau speaker a déjà marqué les esprits. À la question d’une journaliste d’ABC News « Avez-vous participé à l’effort visant à renverser le résultat des élections de 2020 ? », Mike Johnson refuse de répondre, se contentant d’un « question suivante ». En réalité, l’élu de Louisiane fait partie des fervents soutiens de l’ancien président américain, aux avant-postes dans la contestation de la victoire de Joe Biden à la présidentielle de 2020.

Le 6 janvier 2021, comme 146 homologues Républicains, Johnson avait voté contre la certification de l’élection de Joe Biden. Le spécialiste de droit constitutionnel était également aux commandes d’une plainte de l’État du Texas auprès de la Cour suprême, visant à annuler les résultats de l’élection en Géorgie, Michigan, Pennsylvanie et Wisconsin, quatre swing-states remportés par Biden. Une demande d’invalidation rejetée par la Cour. Il faisait également partie de l’équipe de défense de Donald Trump lors du lancement d’une seconde procédure de destitution à son encontre, en janvier 2021.

Pour Alexis Pichard, le choix de Mike Johnson comme nouveau speaker envoie à cet égard un mauvais signal à l’opinion publique américaine : « Avec cette élection, les Républicains envoient un message problématique de non-respect des institutions politiques. Ce n’est d’ailleurs peut-être pas un bon choix d’un point de vue électoral, lors des élections de mi-mandat une majorité de candidats niant l’élection de Biden n’ont pas été élus, en raison de cette position. »

Élu grâce à son inexpérience ?

L’élection de Mike Johnson met fin à trois semaines de grave crise interne au sein du parti des Républicains. Mardi 3 octobre, le précédent speaker Kevin McCarthy était écarté de son poste : « c’est la première fois qu’un speaker tombe en raison d’un vote de son propre parti », précise Alexis Pichard. C’est en effet une motion de censure déposée par un élu de l’aile très dure des Républicains, Matt Gaetz, qui est à l’origine de l’éviction de McCarthy, accusé d’avoir conclu un accord avec les Démocrates pour ajouter au vote du budget une nouvelle aide pour l’Ukraine.

« Le parti Républicain est aujourd’hui divisé entre les traditionnels plutôt modérés et les membres du Freedom Caucus, ultra-conservateurs proches de l’extrême droite et qui font pour la plupart partie du mouvement trumpiste MAGA [pour Make America great again] », détaille Alexis Pichard. « Ces derniers considèrent que la Chambre des représentants n’est pas un lieu de consensus politique et qu’il faut continuellement faire de l’obstruction contre les propositions démocrates. Faire un compromis avec les Démocrates, c’est d’ailleurs ce qui a conduit McCarthy à sa perte », ajoute le chercheur.

Au cours de ces trois semaines sans speaker, trois candidats républicains se sont présentés au poste sans succès avant l’élection de Mike Johnson. En réunissant la majorité des suffrages, ce dernier est-il parvenu à faire la synthèse entre les deux courants des Républicains ? Pas sûr. Selon Alexis Pichard, le nouveau speaker a surtout bénéficié de son statut d’inconnu du grand public : « Johnson fait partie de la frange trumpiste des Républicains, mais les modérés lui trouvent aussi une qualité, celle d’être relativement inexpérimenté et donc de ne pas s’être fait d’ennemis. C’est quelqu’un de policé, qui ne fait pas de vagues, certains représentants avouent même avoir dû googler son nom au moment de son élection. »

La fin des fractures chez les Républicains ?

Pour autant, l’arrivée de Mike Johnson ne met pas un terme à toutes les tensions. D’importantes échéances politiques attendent le nouveau speaker, à commencer par le vote du budget fédéral. Avant le 17 novembre, Johnson doit réussir à mettre une majorité de représentants d’accord au sujet des dépenses publiques américaines pour 2024. Si ce budget n’est pas voté, les Etats-Unis risquent le shutdown : la fermeture de toutes les administrations du pays, faute de financements.

Signe d’un premier compromis, le speaker a exposé sa stratégie à ce sujet dans un courrier envoyé à ses collègues républicains le 23 octobre. Il envisage le vote d’une extension du budget 2023 jusqu’en janvier voire avril prochain, pour donner aux représentants le temps de débattre. « Sur le budget, Johnson s’est montré inflexible, il a parlé de grosses coupes dans les dépenses publiques, sans encore préciser dans quels secteurs », ajoute Alexis Pichard.

Point central de ce budget 2024 : le vote d’une nouvelle aide à l’Ukraine, qui avait causé la chute du précédent speaker. Sur ce point aussi, un compromis semble être en bonne voie : « Dans le contexte du conflit entre Israël et le Hamas, Joe Biden a réussi à élaborer un plan d’aide qui réunit soutien à Israël, à l’Ukraine et renforcement de la sécurité à la frontière avec le Mexique », énumère le chercheur. Mais de son côté, Mike Johnson a déjà annoncé lors de sa première allocution de speaker son souhait de faire voter un texte de soutien à Israël, sans un mot pour l’Ukraine. À la Chambre des représentants, le sujet n’a donc pas fini de diviser.

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