Peu avant 14 heures, les marches du perron du Sénat se sont progressivement remplies. Parents, sénateurs, représentants d’organisations de défense de la liberté de la presse et simples soutiens ont répondu à l’appel pour exiger la libération de Christophe Gleizes, journaliste français de 36 ans, condamné en Algérie à sept ans de prison ferme. Collaborateur des magazines So Foot et Society, Christophe Gleizes avait été interpellé le 28 mai 2024 alors qu’il se trouvait en Algérie pour réaliser un reportage sur la Jeunesse sportive de Kabylie (JSK), club de football emblématique de Tizi-Ouzou. Les autorités algériennes lui reprochent des contacts anciens avec des responsables du club, soupçonnés de liens avec le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), classé organisation terroriste par Alger en 2021.
Or, les échanges invoqués par l’accusation remontent à 2015 et 2018, soit plusieurs années avant ce classement. Malgré ces éléments, la justice algérienne a confirmé, le 3 décembre, la condamnation du journaliste en appel comme décision aussitôt dénoncée comme « excessive » et « injuste » par le président français Emmanuel Macron. Le chef de l’État a affirmé vouloir « trouver une issue favorable » et s’est engagé à agir « pour obtenir sa libération et son retour en France dans les plus brefs délais ».
« La grâce est aujourd’hui la seule issue possible »
Présent au Sénat, Thibaut Bruttin, directeur général de Reporters sans frontières (RSF), a dénoncé une condamnation sans précédent. « C’est la peine la plus lourde jamais prononcée contre un journaliste français depuis dix ans », a-t-il rappelé. « Par la décision du 3 décembre dernier, l’Algérie s’est mise dans une impasse. La grâce est aujourd’hui la seule issue possible. »
Le 10 décembre, Sylvie Godard, la mère du journaliste, a adressé une lettre de demande de grâce au président algérien Abdelmadjid Tebboune, invoquant un « geste d’humanité ». « J’en appelle à sa bienveillance et à sa clémence. Le dossier est vide. Christophe n’est ni un conspirateur ni un terroriste », confie-t-elle.
Par ailleurs son fils a déposé un pourvoi en cassation contre sa condamnation, afin d’obtenir un nouveau procès. « Nous n’avons pas grand-chose à attendre de la justice algérienne. Le pourvoi est surtout un moyen de préserver un contact humain et juridique avec Christophe », explique Thibaut Bruttin.
« Le cas de Christophe est désormais une affaire majeure pour la France »
Aux côtés de Sylvie Godard, le père du journaliste, Francis Godard, tient à dissiper toute ambiguïté. « Nous n’avons strictement aucune hostilité vis-à-vis de l’Algérie. Christophe aime ce pays, comme nous. L’idée qu’il puisse être animé d’intentions hostiles est aberrante. » En revanche, la famille ne cache plus ses doutes quant au déroulement du procès. « Neuf heures d’audience, et aucune accusation n’a pu être démontrée. Nos avocats ont montré que tout ça ne reposait sur rien. Quand, après cela, une peine de sept ans est prononcée, ça nous met quand même un petit doute quant au fonctionnement de la justice algérienne », confie Francis Godard.
Reçus successivement par Emmanuel Macron, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, puis par le président du Sénat Gérard Larcher, les parents voient dans cette mobilisation institutionnelle un signal fort. « Cela montre que le cas de Christophe est désormais une affaire majeure pour la France », souligne Sylvie Godard.
« Un prisonnier d’État »
Président de la commission des affaires étrangères du Sénat, le sénateur Cédric Perrin (Les Républicains) dénonce une situation « révoltante ». « Christophe Gleizes est aujourd’hui un prisonnier d’État. (…) Il était nécessaire que la représentation nationale se mobilise pour accompagner sa famille et dénoncer cette injustice. »
L’élu souligne également l’importance de la mobilisation internationale, notamment dans le monde du sport.
« Ce métier est sa raison de vivre »
Malgré l’épreuve, Christophe Gleizes « tient ». Ses proches rapportent un moral solide, nourri par la mobilisation. « Il sait que nous nous battons pour lui », confie sa mère. Ses parents dérivent « un moral d’acier », lors de leur dernier échange et rappellent que « ce métier est sa raison de vivre ». « Ce n’est pas un séjour en prison qui l’empêchera d’être journaliste. » assurent-ils.
Pour la famille de Christophe Gleizes, l’attente se concentre désormais sur un seul geste, celui du président algérien. Un geste de grâce, espèrent-ils, pour que le journaliste retrouve les siens « le plus rapidement possible ».