Après la chute de Bachar al-Assad et l’arrivée au pouvoir de rebelles en Syrie, plusieurs pays européens dont l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, ont annoncé un gel des procédures de demandes d’asile. Plusieurs partis politiques ont également ouvert la voie au retour des réfugiés syriens dans le pays. Un débat qui soulève des questions politiques et juridiques.
L’année 2023 de Poutine : « Une militarisation de la société russe »
Par Steve Jourdin
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Pour Vladimir Poutine l’année 2023 avait commencé de manière délicate avec les annonces successives de livraison de matériel occidental à l’Ukraine. Elle s’est poursuivie par le coup de force de Evgueni Prigojine, et se termine par la « résistance » russe à la contre-offensive ukrainienne. Comment qualifier l’année 2023 de Vladimir Poutine ?
C’est une année de militarisation du pays, sur le plan économique et industriel, mais on observe aussi une militarisation des esprits, dans la perspective d’une guerre longue sur le front ukrainien. On a assisté au passage d’une mobilisation patriotique, en vigueur avant février 2022, à un militarisme sans retenue. C’est un tournant dans l’histoire politique de la Russie contemporaine. Il y a un changement de nature et de mode du gouvernement du projet politique, qui est en train de se forger dans la guerre.
Vladimir Poutine a annoncé être candidat pour un cinquième mandat à la présidentielle du 17 mars. Que sait-on du soutien dont il bénéficie auprès de la population russe ?
On manque de sources, et il est très difficile de saisir ce qu’il se passe réellement, car l’ensemble de l’espace public est sous contrôle. Ce que l’on sait c’est que les cercles les plus critiques ont été contraints de s’exiler et de quitter le pays. Il n’y a aujourd’hui plus de porte-parole de l’opposition en Russie. Il y a de toute évidence une partie de la population qui n‘adhère pas à la guerre en Ukraine, mais il est délicat d’évaluer son importance. Nous n’avons que des formes très euphémisées du dissensus. Il y a également une partie de la population qui soutient l’opération militaire, pour la simple raison qu’il n’y a pas de scenario alternatif proposé. C’est une adhésion par défaut.
Sur la scène politique, il y a aussi des ultranationalistes qui proposent une guerre à outrance et ambitionnent de s’emparer, au minimum, de Kiev et de Kharkiv. Quel est leur poids dans la société russe ?
Aujourd’hui, la seule opposition structurée est cette ultra-droite radicale. Elle était représentée par d’Evgueni Prigojine et le groupe Wagner, mais est désormais privée de la figure du chef. Il est là encore difficile de mesurer leur poids politique réel dans le pays. Mais il s’agit d’un discours qui existe en Russie depuis longtemps et qui est maintenant récupéré par certains cercles du pouvoir. Dmitri Medvedev affiche par exemple des positions très radicales au sein de l’élite russe.
Comment les développements en Ukraine sont-ils perçus par la population, est-ce que Vladimir Poutine parvient à « vendre » l’idée d’une « victoire » ?
Il vante ces derniers temps la russification des territoires occupés au dépend de l’Ukraine. Il souhaite montrer que ces régions sont en train de rejoindre la construction politique et sociale russe. L’annonce de sa candidature à l’élection présidentielle est très éloquente : il l’a faite face à un officier venant des territoires occupés, qui l’implorait de se représenter pour le bien de la nation.
Sur le terrain, on observe une dynamique extrêmement forte de ces territoires occupés. L’intégration se joue dans toutes les dimensions, politique, économique et juridique. La législation russe s’étend aux territoires occupés. Il y aussi énormément de soutien financier apporté aux sociétés et aux entreprises de ces régions, et les écoles sont prises en main par Moscou. La mise en scène de l’intégration de ces territoires est aujourd’hui un enjeu important pour Vladimir Poutine.
Sur la scène diplomatique, le chef du Kremlin a relancé des visites à l’étranger en fin d’année. Est-il en train de sortir de son isolement ?
Il y a certes depuis février 2022 un consensus américano-européen sur la nécessité de soutenir l’Ukraine. Mais on a aussi vu naitre des formes de soutien à la Russie en provenance d’autres parties de la planète. En Amérique latine, en Afrique ou en Asie, il y a une telle critique de l’impérialisme américain que cela conduit à soutenir la Russie. Ce n’est pas nouveau, mais cela s’est renforcé avec la guerre en Ukraine. Ces soutiens diplomatiques que Poutine trouve en dehors du continent européen sont le fruit d’un travail qui remonte à une dizaine d’années.
Des sanctions occidentales ont été adoptées contre Moscou depuis le début de la guerre, mais elles ne semblent pas infléchir la position de Vladimir Poutine. L’Occident a-t-il perdu la « guerre économique » ?
D’un point de vue macroéconomique, les sanctions fonctionnent mal car on assiste plutôt à un rebond de l’économie russe. Cela se lit dans les grands indicateurs, notamment la hausse du PIB. Mais ces indicateurs augmentent principalement du fait de l’intensification des efforts militaires et des investissements massifs effectués dans le complexe militaro-industriel. A long terme, on peut légitimement s’interroger sur les conséquences économiques et sociales de cette dynamique, car cela se fait au dépend de la société civile.
Quelles perspectives peut-on tracer pour la société russe de 2024 ?
Ce que craignent aujourd’hui certains citoyens critiques, c’est que la situation devienne encore plus dure après la réélection de Vladimir Poutine en mars 2024. On peut estimer qu’il y a en ce moment, alors qu’il est en pleine campagne, une certaine retenue sur certaines questions comme les mobilisations militaires. Il y a un risque de durcissement de la société russe dans les mois qui viennent.
Il y a aussi une question de temporalité : Vladimir Poutine se situe dans une perspective longue en Ukraine. Le réarmement de la Russie s’inscrit dans le long terme. On ne voit donc pas comment une « détente » pourrait intervenir, dans la guerre en Ukraine comme sur le front intérieur. Poutine est allé si loin dans cette guerre, il y a une telle course en avant, qu’il est difficile aujourd’hui de revenir en arrière sans mettre en péril son propre pouvoir. Sa légitimation passe désormais par la guerre et pour la guerre.
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