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Christophe Gleizes

Le journaliste Christophe Gleizes condamné à 7 ans de prison en Algérie : les sénateurs dénoncent une affaire « démesurée »

Détenu depuis mai 2024, le journaliste français Christophe Gleizes a été condamné ce dimanche 30 juin à sept ans de prison par le tribunal de Tizi Ouzou. Il est accusé d’avoir échangé avec un membre du MAK, organisation classée terroriste en Algérie — des accusations jugées infondées par RSF.
Rédaction Public Sénat

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Une onde de choc. La condamnation du journaliste français Christophe Gleizes à sept ans de prison en Algérie a été rendue publique ce dimanche par Reporters sans frontières (RSF) et le groupe So Press. Arrêté le 28 mai 2024 à Tizi Ouzou alors qu’il enquêtait sur le club de football de la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK), le journaliste indépendant était depuis plus d’un an sous contrôle judiciaire, avec interdiction de quitter le territoire algérien. Christophe Gleizes est poursuivi pour « apologie du terrorisme » et « propagande nuisant à l’intérêt national », en lien avec des échanges qu’il aurait eus avec un responsable du MAK, organisation classée terroriste par Alger depuis 2021. L’affaire, tenue confidentielle à la demande de sa famille, vient de sortir de l’ombre. Des accusations jugées « sans fondement » par RSF, qui annonce avoir interjeté appel dès ce lundi 30 juin. Du côté du Quai d’Orsay, on se dit « vivement préoccupé » par une condamnation qualifiée de « lourde », tout en rappelant que l’ambassade et les services consulaires suivent le dossier « depuis le premier jour ».

 

« Une affaire lamentable »

 

Le sénateur LR, Christian Cambon, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ne mâche pas ses mots, « C’est une affaire lamentable. Christophe Gleizes est la victime des tensions entre la France et l’Algérie. Il est journaliste sportif, pas diplomate. Il n’est pas allé là-bas pour des raisons politiques. Le cas Gleizes fait également écho à celui de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, lui aussi détenu en Algérie. Auteur reconnu et critique à l’égard du régime, Sansal a été condamné à cinq ans de prison pour « atteinte à l’unité nationale », une peine dénoncée par plusieurs ONG, intellectuels français et politiques. Son verdict en appel est attendu ce mardi 1er juillet. Deux affaires qui, selon Christian Cambon, enveniment un peu plus une relation franco-algérienne déjà minée.

 

Il pointe la sévérité de la peine qui est disproportionnée, « Sept ans de prison avec mandat de dépôt ? En France, on inflige ce genre de peine pour des crimes de sang. Là, on parle d’un journaliste, en reportage, qui a rencontré un interlocuteur lié au club de football sur lequel il enquêtait. C’est totalement déconnecté. » Christian Cambon dénonce également un climat politique délétère entre Paris et Alger, « Ce sont des provocations. […] Des régimes autoritaires, on voit ça en Iran, en Russie… et désormais en Algérie. »

 

« Une erreur qui coûte cher dans un contexte tendu »

 

Plus mesuré mais tout aussi préoccupé, Akli Mellouli, sénateur écologiste et vice-président de la commission des affaires étrangères, appelle à « ne pas instrumentaliser l’affaire », tout en reconnaissant que la situation est préoccupante. « Christophe Gleizes est entré en Algérie avec un visa touristique alors qu’il menait une enquête journalistique. Ce n’est pas conforme, et dans ce contexte très tendu, cela a été perçu comme une provocation. » Tout en reconnaissant une peine « démesurée », Mellouli s’interroge « Je ne comprends pas comment un journaliste a pu faire une erreur pareille. J’espère qu’il ne l’a pas fait en conscience. »

 

S’il confirme que le journaliste a été suivi par les services consulaires français, le sénateur du Val-de-Marne, Christian Cambon appelle à une approche prudente, « Ce n’est pas en criant au scandale qu’on l’aidera. Notre diplomatie est mobilisée, mais dans ce genre d’affaire, il faut éviter les jugements de valeur. Notre rôle, c’est d’essayer de le sortir de là, pas d’attiser les tensions. » Il souhaite que « la peine soit réévaluée en appel, et qu’il bénéficie d’une décision plus juste et plus humaine. »

 

« La relation franco-algérienne est désespérante »

 

L’affaire Gleizes s’inscrit dans un contexte de vives tensions diplomatiques entre Paris et Alger. Depuis l’été 2024, les relations bilatérales se sont considérablement dégradées, notamment après la reconnaissance par Emmanuel Macron du plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental — une ligne rouge pour Alger. S’en sont suivis le gel de plusieurs coopérations, des expulsions croisées de diplomates, et un durcissement sur les plans judiciaire et migratoire. « La relation franco-algérienne est désespérante. On le voit déjà avec le cas de Boualem Sansal, malade, détenu depuis novembre dernier dans des conditions indignes. Et maintenant Christophe Gleizes » s’insurge Christian Cambon.

 

« La France regrette vivement la lourde condamnation »

Dans un communiqué publié ce lundi, le ministère français des Affaires étrangères a exprimé sa vive préoccupation, « La France regrette vivement la lourde condamnation à une peine de sept ans de prison ferme du journaliste français Christophe Gleizes. » Sans exiger explicitement sa libération, le ministère affirme avoir assuré « aide et protection consulaire tout au long de son contrôle judiciaire » et rester « pleinement mobilisé », en lien avec sa famille, ses avocats et ses employeurs. Pour l’heure, Christophe Gleizes a été incarcéré à la prison de Tizi Ouzou. Un appel a été déposé, mais le nouveau procès ne devrait pas avoir lieu avant octobre, selon les autorités algériennes.

Emma Bador-Frichte

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