Libération des otages : « Le Hamas a gagné ce qu’il avait à gagner », affirme le général Trinquand
Par Hugo Ruaud
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Après la libération de plusieurs dizaines d’otages israéliens par le Hamas, dont trois jeunes franco-israéliens, les négociations entre l’Etat hébreu et l’organisation terroriste se poursuivent. Des négociations au cours desquelles « la France a joué son rôle », selon le général Trinquand, avec « un ministre de poids, Monsieur Lecornu, qui est allé négocier là-bas ». Mais désormais, si Israël souhaite voir revenir tous ses compatriotes retenus par le Hamas, il n’a pas d’autre choix que de prolonger la trêve qui s’étend pour l’instant jusqu’à jeudi matin : au rythme actuel, les 170 otages restants ne pourront avoir été rapatriés d’ici demain. Raison pour laquelle, selon le général Trinquand, « le Hamas est maître des horloges ». Pour le militaire, l’organisation jihadiste sort d’ailleurs grande gagnante de ces négociations, « d’abord en retardant la reprise de la guerre, ensuite sur le plan de la communication ».
Les négociations vont se durcir
Plus la trêve sera longue, plus le Hamas aura du temps « pour se réorganiser », explique Dominique Trinquand. Mais quoi qu’il arrive, selon cet expert, « Le Hamas a gagné ce qu’il avait à gagner. Le 7 octobre a été suffisant, et ce qu’il gagne en image aujourd’hui est suffisant ». Comme toute organisation terroriste menant un conflit asymétrique face à une armée régulière, le Hamas a tout intérêt à faire des « coups », frapper, puis disparaître. D’autant plus que la libération des otages, au-delà d’être un levier pour gagner du temps face à l’armée israélienne, permet au Hamas d’obtenir la libération de prisonniers palestiniens en Cisjordanie, ce qui accroît considérablement « sa popularité auprès des Cisjordaniens », selon Dominique Trinquand. Mais justement, ces négociations risquent de se durcir. D’une part parce que le Hamas a tout intérêt à gagner du temps. D’autre part parce que le profil des otages et des prisonniers échangés va évoluer. Jusqu’à présent, les otages libérés sont essentiellement des mineurs ou des personnes âgées, dans un rapport d’un à trois vis-à-vis des prisonniers palestiniens. Mais très vite, va se poser la question des hommes, voire des soldats otages, que la Hamas ne daignera libérer qu’au prix d’un nombre important de prisonniers palestiniens.
Israël dans l’impasse
Comme le rappelle Dominique Trinquand, en 2006, le soldat franco-israélien Gilad Shalit avait été libéré en l’échange de plus d’un millier de Palestiniens. « Aujourd’hui, il y a 5 000 à 6 000 Palestiniens dans les prisons israéliennes », explique Dominique Trinquand, qui rappelle que jusqu’à présent, les Palestiniens libérés par Israël ont peu « de sang sur les mains ». Mais rapidement, on pourrait « arriver à des gens qui ont assassiné la population israélienne. Or la population est traumatisée par ce qu’il s’est passé ». Tant Israël que le Hamas pourrait finir par refuser de poursuivre les négociations. L’Etat hébreu pour ne pas libérer des prisonniers trop sensibles, l’organisation jihadiste pour ne pas échanger de soldats contre trop peu de prisonniers. « A ce moment-là ce sera la reprise de la guerre, et là je sais plus très bien où ils veulent aller », s’inquiète Dominique Trinquand. « Une fois le Nord aplati complètement, on va où, au Sud ? Il y a deux millions de réfugiés… Honnêtement, je trouve qu’il y a une impasse dans cette information », explique le militaire, pour qui « l’éradication du Hamas était une mission impossible. Les militaires font ce qu’ils savent faire : détruire des tunnels, taper les têtes. Le Hamas c’est une idéologie, la destruction d’Israël, le détruire, c’est impossible ». Au contraire, l’Etat hébreu, conduit par Netanyahu est tombé dans le « piège » du Hamas. « L’Etat d’Israël doit comprendre qu’il ne peut pas exister contre tout le monde. Il faut qu’il existe avec les autres », conclut le général.
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