Hungary Gay Pride
L'édition 2021 de la Gay Pride de Budapest, juste après l'adoption d'une loi anti-LGBTQ+.

Marche des fiertés : plusieurs élus français participeront à la Pride de Budapest, malgré l’interdiction des autorités hongroises

Environs 70 eurodéputés, mais aussi des élus nationaux dont deux sénateurs français, marcheront lors de la Pride de Budapest, samedi 28 juin. Ils entendent apporter leur soutien à la communauté LGBTQ+ hongroise, alors que les autorités veulent interdire l’événement en vertu d’une loi promulguée par le gouvernement de Viktor Orbán.
Romain David

Temps de lecture :

7 min

Publié le

Mis à jour le

Le ton monte – une fois de plus – entre la Commission européenne et Viktor Orbán, le Premier ministre hongrois. Dans une vidéo postée sur le réseau social X mercredi, Ursula von der Leyen, la présidente de l’exécutif européen, appelle les autorités hongroises à ne pas sanctionner les participants à la Marche des fiertés hongroise, prévue samedi 28 juin à Budapest. Cet événement a été interdit par la police mais son organisation est maintenue par la municipalité.

La réponse de Viktor Orbán ne s’est pas fait attendre. Quelques heures plus tard, le dirigent nationaliste a « exhorté la Commission européenne à s’abstenir d’interférer dans les affaires policières des États membres, où elle n’a aucun rôle à jouer. »

Un peu plus tôt dans la semaine, le ministère hongrois de la justice s’est fendu d’une lettre aux ambassades de plusieurs pays de l’Union européenne, leur rappelant que le rassemblement était « interdit par la loi ». Les participants s’exposent à une amende de 500 euros, et les appels à manifester peuvent être sanctionnés d’un an de prison. Un courrier en forme d’avertissement alors que plusieurs dizaines d’eurodéputés, mais aussi des élus de différents pays européens, ont prévu de se rendre à Budapest ce samedi.

Dans un communiqué commun publié ce jeudi, Aurore Bergé, ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, et Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe, indiquent que Jean-Marc Berthon, ambassadeur pour les droits des personnes LGBT +, « représentera officiellement le gouvernement français lors de cette Marche en signe de soutien et d’engagement de la France. »

Une marche à haut risque

« Le but c’est d’afficher notre soutien à la communauté LGBTQ +, bien sûr. Mais on se dit aussi que plus il y aura d’élus dans le cortège, moins les forces de l’ordre oseront intervenir contre les participants », nous explique Mélanie Vogel, sénatrice écologiste des Français établis hors de France, qui fera partie de la délégation envoyée par sa famille politique. « Je ne pense pas que Viktor Orbán ait très intérêt à ce qu’une centaine d’élus de tous pays se fassent matraquer par sa police », pointe-t-elle.

Pour autant, l’élue ne cache pas une inquiétude : « Je ne suis pas du genre stressée, mais les conditions de cette Pride ont de quoi faire peur. J’ai appris que quatre manifestations néo-nazies avaient été autorisées sur le parcours. Nous sommes en contact avec l’ambassade de France et on sent bien qu’ils ne sont pas très sereins », glisse-t-elle. « L’objectif de ce genre de manœuvre est clair : en venir aux mains avec les manifestants », accuse l’eurodéputée LFI Manon Aubry, qui se rendra également sur place avec une dizaine d’élus de son groupe au Parlement européen.

Les dérives du régime hongrois

En mars dernier, le gouvernement hongrois a fait adopter une loi qui interdit les manifestations qui contreviendraient à une législation de 2021 – condamnée par l’UE -, et prohibant « la promotion de l’homosexualité et du changement de sexe auprès des mineurs ». C’est sur la base de ce texte que la police a fait interdire la Pride de Budapest.

Mais le maire écologiste de la ville, Gergely Karácsony, a choisi de soulager les organisateurs des risques légaux auxquels ils s’exposaient en reprenant à sa charge l’organisation de la marche. Alors que le dernier samedi de juin en Hongrie est traditionnellement consacré à la « fête de la liberté », qui célèbre le départ des Soviétiques, l’édile espère contourner la législation en liant les deux évènements : c’est ainsi que cette Marche des fiertés a officiellement été renommée « Budapest Pride ».

Marion Aubry reproche à Ursula von der Leyen « de se réveiller au dernier moment ». « On sait depuis des mois que cette Pride est interdite. Ce qu’elle fait, c’est une espèce de pink washing, alors même qu’elle a demandé à ses commissaires européens de ne pas y aller », s’agace-t-elle. La Hongrie, comme la Pologne, est sous le coup d’une procédure dite « de l’article 7 » du traité de l’Union européenne, qui permet de sanctionner un Etat en violation des principes fondateurs énoncés dans ce même traité. Mais il s’agit d’une procédure complexe, que certains estiment peu efficace. Pour Manon Aubry, la Commission avait entre les mains d’autres outils contre les dérives du régime de Viktor Orbán, « notamment en conditionnant les sommes prévues par le plan de relance ».

« C’était là-bas qu’il fallait être »

« Les valeurs de l’Europe, ce sont aussi des valeurs de solidarité entre les peuples, nous ne pouvions pas laisser la communauté LGBTQ + seule face au régime répressif d’Orban », explique le sénateur socialiste de Paris Rémi Féraud, qui fera le déplacement accompagné de Jean-Luc Romero-Michel, adjoint d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris, en charge des droits humains, de l’intégration et de la lutte contre les discriminations.

Candidat à la mairie de Paris, Rémi Féraud arrive dans la dernière ligne droite de sa campagne pour l’investiture socialiste, puisque les militants parisiens seront invités le 30 juin à trancher entre Emmanuel Grégoire, Marion Waller et lui. « Ce déplacement s’inscrit pleinement dans ma campagne. J’ai d’abord hésité parce que la Pride de Paris a lieu le même jour, mais je me suis dit que c’était là-bas qu’il fallait être car c’est aussi une manière de porter les valeurs d’humanisme de Paris », explique-t-il.

À l’autre bord de l’échiquier politique, les élus ne sont pas en reste non plus. L’eurodéputée Renaissance Valérie Hayer, tête de file du camp présidentiel aux dernières européennes, sera sur place. « Participer à cette Pride comme je vais le faire avec des dizaines d’autres parlementaires européens, c’est un acte de résistance, résistance contre la haine, résistance contre tous ceux qui, comme Viktor Orbán en Hongrie, soutenu par Jordan Bardella et Marine Le Pen, empêchent chacun d’aimer qui il veut. Sans notre mobilisation, cette Pride n’aurait pas eu lieu », explique-t-elle dans une courte vidéo postée sur ses réseaux sociaux.

L’ancienne sénatrice Fabienne Keller, qui siège au Parlement européen depuis 2019 sous les couleurs présidentielles, sera à ses côtés. Les deux députées européennes s’étaient déjà rendues à la Pride de Budapest en 2021, pour protester contre la loi anti-LGBTQ + alors tout juste adoptée.

Une Marche des fiertés historique

Au total, ce sont quelque 70 eurodéputés qui sont attendus dans la capitale hongroise ce week-end, auxquels devraient s’ajouter plusieurs dizaines d’élus nationaux. « C’est assez inédit, il n’y a jamais eu autant d’eurodéputés mobilisés sur un évènement de ce type », s’enthousiasme Manon Aubry, qui espère que « l’initiative fera tache d’huile pour d’autres combats, comme la levée du blocus humanitaire à Gaza ». Les élus seront reçus vendredi soir par le maire de Budapest. Outre la pride, certains veulent profiter de ce déplacement pour aller à la rencontre des associations de défense des droits fondamentaux.

Les organisateurs tablent sur au moins 35 000 participants pour cette « Budapest Pride », soit une fréquentation record pour une Marche des fiertés en Hongrie.

Partager cet article

Dans la même thématique

Election 2024 Trump
8min

International

Augmentation des dépenses de défense des pays membres de l’OTAN : « Ce sont des promesses faites sous la pression de Donald Trump »

À l’issue du sommet de l’OTAN, les pays membres ont affiché leur volonté d’augmenter à 5% de leur PIB leurs dépenses de défense d’ici à 2035. Un objectif réclamé par le président américain Donald Trump, qui a qualifié de « succès monumental » le rendez-vous international. Ce chiffre pourrait toutefois être difficilement atteignable pour certains États de l’Alliance atlantique.

Le

donald trump otan
4min

International

« Ils sont au tapis, ils n’en peuvent plus » : Donald Trump s’autocongratule sur le résultat des frappes américaines en Iran

Depuis le sommet de l’Otan à La Haye (Pays-Bas), Donald Trump s’est félicité des frappes américaines menées en Iran samedi. « Nous avons fait ce qui devait être fait, la dévastation est immense et absolue », a lancé le président américain. Il estime que le cessez-le feu entre l’Iran et Israël, en vigueur depuis mardi, se passe « très bien ».

Le

Marche des fiertés : plusieurs élus français participeront à la Pride de Budapest, malgré l’interdiction des autorités hongroises
3min

International

Moyen-Orient : « Le programme nucléaire iranien est endommagé, retardé, mais certainement pas éliminé », explique Bruno Tertrais

Mardi soir, le président iranien Massoud Pezeshkian a annoncé « la fin de la guerre de 12 jours » entre les deux pays, quelques heures après le cessez-le-feu annoncé par Donald Trump. Si l’Iran ressort « très affaibli » du conflit, son programme nucléaire n’est « certainement pas éliminé », note Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, sur Public Sénat ce mercredi matin.

Le

APTOPIX Election 2024 Trump
6min

International

Vers une trêve au Moyen-Orient ? En tant que président américain, « Donald Trump pense qu’on peut régler tous les problèmes du monde en claquant des doigts »

Après une riposte de Téhéran la veille sur une base américaine au Qatar, Donald Trump a annoncé lundi un « cessez-le-feu complet et total » entre l’Iran et Israël. Mais le président américain s’est montré irrité après que « les deux camps » ont selon lui « violé le cessez-le-feu ». La paix est-elle vraiment une perspective proche au Moyen-Orient ? Réponse avec Adel Bakawan, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (IFRI).

Le