Plus de deux ans après les événements du 7 octobre 2023, l’ONG Amnesty International diffuse une enquête de grande ampleur qui met en cause le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens. Alors qu’elle dénonçait encore début décembre ce qu’elle qualifiait de « génocide » commis par Israël dans la bande de Gaza, l’ONG détaille désormais les exactions imputées par le Hamas. Elle estime que ces actes relèvent du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et doivent donc faire l’objet de poursuites : « Les nombreuses violations du droit international humanitaire et des droits humains commises par ces groupes armés constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Les responsables doivent être jugés », écrit-elle.
Selon l’enquête, les attaques du 7 octobre ont causé la mort d’environ 1 200 personnes, dont plus de 800 civils, parmi lesquels au moins 36 enfants. Près de 4 000 personnes ont été blessées et 251 ont été prises en otage. Pour Aymeric Elluin, chargé de plaidoyer Armes et Conflits à Amnesty, ce rapport constitue « un tournant » : si des violences avaient déjà été documentées, c’est la première fois que l’ONG qualifie ces actes de crimes contre l’humanité, en raison de leur caractère « généralisé et systématique » contre les civils. L’organisation souligne également que le Hamas et d’autres groupes armés ont poursuivi leurs violations après le 7 octobre, notamment en détenant et maltraitant des otages ou en conservant des corps. Le rapport indique enfin que la prise d’otages faisait partie d’un plan clairement élaboré par les dirigeants de ces groupes.
« Le Hamas a délibérément pris pour cible la population civile »
L’enquête se fonde sur soixante-dix témoignages directs, dont dix-sept survivants ainsi que sur l’analyse de centaines de vidéos, photographies et données numériques Les récits recueillis décrivent des scènes d’une violence extrême, avec « des routes couvertes de corps, certains décapités ou mutilés », rapporte Aymeric Elluin.
Selon lui, les groupes armés palestiniens ont « délibérément pris pour cible la population civile », contredisant les déclarations du Hamas selon lesquelles ils visaient uniquement des objectifs militaires. L’attaque du festival Nova n’aurait pas été planifiée comme cible initiale, mais les assaillants auraient agi « de manière opportuniste » en visant massivement les participants. On parle d’une véritable chasse à l’homme », décrit Aymeric Elluin, évoquant des assaillants coordonnés par des cartes et des communications par radio.
Une enquête menée malgré de nombreux obstacles
Amnesty International souligne les difficultés d’accès aux témoins, aux lieux et aux données, tant en Israël qu’à distance. L’organisation indique avoir sollicité des réponses du Hamas comme des autorités israéliennes, en vain.
Les violences sexuelles, notamment, ont été difficiles à documenter. « Certaines victimes n’ont pas souhaité témoigner. Nous savons qu’il y en a eues, et nous les intégrons parmi les crimes contre l’humanité. Mais beaucoup refusent de revivre ces événements », explique le membre de l’organisation. Il estime que ces limites rendent le rapport d’autant plus important : « Nous recueillons ces informations pour obtenir justice, et ce que nous n’avons pas pu établir, nous l’expliquons dans le rapport. » Pour les violences sexuelles commises le 7 octobre, l’ONG a précisé qu’elle n’avait pu interroger qu’une seule personne parmi les survivants, et n’était par conséquent pas en mesure de déterminer leur ampleur ou étendue.
« Il n’y aura pas de paix sans justice »
Amnesty International appelle la Cour pénale internationale (CPI) à intensifier ses investigations : « La justice doit être la même pour toutes les victimes », plaide l’ONG, qui rappelle que la CPI a déjà émis plusieurs mandats d’arrêt dans le cadre du conflit, certains concernant Ismaïl Haniyeh, alors chef du Hamas, Mohammed Deif, alors chef des Brigades Al-Qassam, et Yahya Sinouar, alors chef du Hamas à Gaza et largement considéré comme le cerveau des massacres du 7 octobre., tués depuis dans des opérations israéliennes.
Pour l’organisation, la nécessité d’une justice impartiale s’impose des deux côtés. « Il faut désigner les responsables pour empêcher que ces crimes se reproduisent », insiste Aymeric Elluin.
La publication intervient alors que le droit international humanitaire connaît, selon l’ONG, un recul préoccupant à l’échelle mondiale. Elle a aussi valeur de clarification, Amnesty International, qui avait qualifié de « génocide » la campagne militaire israélienne à Gaza, réaffirme par ce rapport qu’elle s’attache d’abord à documenter les violations du droit, quelle qu’en soit l’origine.