D’impressionnantes flammes tout autour de Los Angeles. La grande ville de la côte ouest des États-Unis subit de gigantesques incendies depuis mardi. De nombreux lieux emblématiques de la ville sont menacés par ces mégafeux. Ces derniers se sont dangereusement rapprochés du quartier d’Hollywood ce jeudi, conduisant les autorités à faire évacuer ses habitants. Au total, au moins cinq personnes sont décédées et plus de 2000 bâtiments ont déjà été détruits autour de la mégapole.
De nombreux départs de feu se sont déclarés au nord de la ville, y compris dans des quartiers huppés. Sur place, les secours sont dépassés par la gravité de la crise. « Nous n’avons pas assez de pompiers dans le comté de Los Angeles pour faire face à cette situation », a déploré mercredi Anthony Marrone, le chef des pompiers du comté de Los Angeles, selon des propos rapportés par l’AFP. Certains habitants, elles, ont tout perdu. « Les flammes ont consumé tous nos rêves, après des années passées ici », a déclaré à l’agence de presse française l’un d’entre eux, William Gonzales, devant sa maison entièrement brûlée.
Parc d’attractions fermé, tournages de films et de séries reportés, saison des cérémonies de récompenses cinématographiques perturbée… De nombreux événements ont aussi été annulés à cause de la catastrophe. Selon les médias américains, plusieurs célébrités font partie de la population évacuée des zones mises en péril par les incendies.
L’ampleur de ces incendies, survenus en plein hiver, surprend. Ce genre de catastrophe est habituellement très rare à cette saison. Jusqu’à aujourd’hui, l’épisode le plus grave en la matière dans la région date de novembre 2018, lorsque 20.000 habitations avaient été détruites par les flammes, notamment dans la ville de Sacramento. Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, a d’emblée pointé du doigt le rôle du dérèglement climatique dans ce nouveau désastre. « Novembre, décembre, janvier… Il n’y a plus de saison des incendies. Elle a lieu toute l’année », a-t-il regretté.
Phénomène « El Niño » et vents chauds venus du désert
Le réchauffement de la planète peut-il expliquer l’ampleur de ces incendies ? Pour le comprendre, il faut revenir un peu en arrière et analyser les données météorologiques des derniers mois dans la région. La Californie a d’abord connu des pluies abondantes de janvier à juillet 2024, puis une longue sécheresse des mois suivants jusqu’à aujourd’hui. En cause ? Le phénomène atmosphérique El Niño, qui se produit de manière cyclique dans l’est du Pacifique. Celui-ci a pour effet un réchauffement général des températures sur Terre.
Inondations, fortes précipitations, épisodes de sécheresse… El Niño, dont la formation est elle-même renforcée par le réchauffement climatique, peut conduire à toutes sortes de conséquences naturelles pour les populations. Avec l’influence de ce mécanisme l’année passée, la Californie est devenue un terrain propice à la survenue de ces mégafeux. Les fortes pluies du début 2024 ont favorisé le développement d’une végétation abondante. Lorsque le manque d’eau s’est ensuite fait sentir les mois suivants, ces plantes se sont asséchées, devenant plus facilement inflammables.
Plus que pour l’incendie en lui-même, le dérèglement climatique paraît donc avoir joué un rôle dans la création de conditions privilégiant sa propagation sur le terrain. « La Californie s’est réchauffée d’au moins 2 degrés dans la région depuis 1900 » rappelle par ailleurs Benjamin Sultan, climatologue à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et joint par Public Sénat. « Et puis 2024, c’est quand même l’année la plus chaude qu’on ait jamais enregistrée à l’échelle du globe. Donc c’est probable qu’on en paie un peu les conséquences. »
Le vent a aussi joué un facteur déterminant dans l’avancée des flammes. L’incendie a ainsi été favorisé par un autre phénomène, appelé les vents de Santa Ana. Ces rafales, sèches et chaudes, proviennent des terres désertiques. D’une puissance enregistrée jusqu’à 160 km/h selon les services météorologiques américains, celles-ci ont atteint un niveau de puissance très fort ces derniers jours en Californie. La moindre étincelle pouvait alors être transportée par ces courants d’air et conduire à un départ de feu. Ces vents avaient « la force d’un ouragan », a décrit la maire démocrate de Los Angeles, Karen Bass.
L’aménagement urbain en question
Au-delà de ces aspects purement climatiques, les importants dégâts causés par ces mégafeux sont aussi liés à la nature des zones touchées. En ce qui concerne les deux principaux foyers d’incendie, Eaton et Pacific Palisades, il s’agit de quartiers résidentiels situés en lisière de forêt. « Les dommages subis par les populations sont souvent liés à des facteurs humains dans les pays, à l’aménagement, aux capacités des pouvoirs publics à être résilients face à ces impacts », explique ainsi Benjamin Sultan.
Plusieurs experts indépendants et militants écologistes ont plus précisément mis en cause l’étalement urbain de Los Angeles. « Lorsque les habitations sont densément disposées [au sein d’un quartier] et alignées dans la direction du vent présent lors de la saison des incendies, il est presque impossible de couper suffisamment de broussailles autour d’elles pour rendre les maisons défendables. Le feu brûle de maison en maison, il ne s’agit alors plus d’un ‘feu de broussailles’ », a décrypté sur le réseau social X Zeke Lunder, spécialiste américain de la prévention des feux de forêt.
Pour Benjamin Sultan, une nouvelle vision est aussi nécessaire afin de prévenir ce genre de catastrophe. « Il y a toujours des conditions qui sont toujours plus propices aux incendies », analyse l’expert. « Donc il faut que les pouvoirs publics s’adaptent, en créant des zones tampons, en utilisant des matériaux de construction qui sont résistants au feu. Il faut aussi un meilleur aménagement, avec des habitations moins proches des forêts. »
Dans l’immédiat, les secours tentent avant tout de canaliser la puissance de ces incendies. Le président américain Joe Biden a annulé un déplacement en Italie et s’est rendu en Californie. Il a annoncé le déblocage d’aides fédérales pour venir en aide à la région et faire face à ces feux de forêt jugés « sans précédent » par les autorités locales.
Donald Trump s’offusque
Dans le même temps, son successeur à la Maison-Blanche, Donald Trump, a pour sa part, réagi au drame en avançant une rhétorique complotiste sur son réseau Truth Social. Selon, le gouverneur démocrate de l’État californien, Gavin Newsom, aurait « refusé de signer la déclaration de restauration de l’eau qui lui avait été présentée » lors du premier mandant du milliardaire à la Maison-Blanche. Selon lui, celui-ci « aurait permis à des millions de gallons d’eau, provenant de l’excès de pluie et de la fonte des neiges dans le Nord, de s’écouler quotidiennement dans de nombreuses régions de Californie, y compris dans les zones qui brûlent actuellement ».
Le gouverneur aurait par son refus voulu protéger l’éperlan, « un poisson inutile », a poursuivi le président américain élu. Une argumentation niée en bloc par le responsable démocrate, une des figures en vogue dans son camp. « La déclaration sur la restauration de l’eau n’existe pas, c’est de la pure fiction. Le gouverneur se concentre sur la protection de la population, pas sur la politique », a clarifié le service de communication de Gavin Newsom.
Donald Trump, climatosceptique revendiqué, n’a pas évoqué le réchauffement de la planète dans son message. Pourtant, plus le climat terrestre se dérègle, plus ce genre d’incendie pourrait se produire à toute époque de l’année aux États-Unis. Ces mégafeux aggravent d’ailleurs eux-mêmes le réchauffement climatique, comme l’explique Benjamin Sultan. « Ces incendies […] détruisent les forêts et limitent leur capacité à absorber le CO2 atmosphérique. On a une sorte de cercle vicieux avec des incendies qui sont produits par le réchauffement climatique et qui ensuite, eux-mêmes, vont amplifier le réchauffement… et récréer des incendies. »