Métaux rares : « La dépendance à la Chine est beaucoup plus grave que notre dépendance au pétrole russe »
Réunis dans le cadre de la conférence interparlementaire sur l’autonomie stratégique européenne, les représentants des parlements nationaux de l’Union européenne débattaient au Sénat ce 14 mars d’autonomie stratégique et économique de l’Union européenne. Le journaliste Guillaume Pitron a décrit l’enjeu des métaux rares dans la transition écologique à venir.

Métaux rares : « La dépendance à la Chine est beaucoup plus grave que notre dépendance au pétrole russe »

Réunis dans le cadre de la conférence interparlementaire sur l’autonomie stratégique européenne, les représentants des parlements nationaux de l’Union européenne débattaient au Sénat ce 14 mars d’autonomie stratégique et économique de l’Union européenne. Le journaliste Guillaume Pitron a décrit l’enjeu des métaux rares dans la transition écologique à venir.
Public Sénat

Par Louis Dubar

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Pour le journaliste Guillaume Pitron, le sujet des métaux rares est « un enjeu écologique, économique et géopolitique » essentiel pour les « trente prochaines années. » L’UE a relevé l’ambition d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Cette transition écologique suppose selon le journaliste Guillaume Pitron, l’extraction et l’utilisation de milliers de tonnes de métaux. L’OCDE dans un rapport publié en 2018 prévoyait une augmentation exponentielle de l’utilisation des matières premières notamment des métaux passant de neuf gigatonnes en 2017 à 19 gigatonnes en 2060.

« Un monde bas carbone est un monde de métaux », souligne Guillaume Pitron. Dans un communiqué de presse publié à l’occasion d’une étude prospective en 2020, Maroš Šefčovič, vice-président de la commission européenne chargé des relations institutionnelles, soulignait l’importance d’assurer un approvisionnement sûr pour les Etats-membres, « rien que pour les batteries des voitures électriques et le stockage énergétique, l’Europe aura besoin par exemple, de 18 fois plus de lithium d’ici 2030 et jusqu’à 60 fois plus d’ici 2050. » Pour parvenir à la neutralité carbone, les Etats membres de l’Union européenne auront besoin d’importantes quantités de métaux rares, « on les trouve partout sur terre mais ils sont plus difficiles à extraire que les métaux abondants » et les zones de production sont concentrés dans quelques régions du monde.

La géopolitique des minéraux

Consciente de cette dépendance, l’Europe cherche à agir en menant des actions et des politiques favorisant sa résilience face à d’éventuels chocs futurs pour mener sa transformation écologique et numérique. Pour surveiller cette dépendance vis-à-vis de plusieurs pays tiers, la Commission européenne a établi une liste contenant les métaux critiques pour certains secteurs stratégiques de l’économie européenne. Cette liste est mise à jour tous les trois ans. La première liste a été publiée en 2011 et contenait onze matières. En 2020, l’UE comptabilisait trente minerais incluant le cobalt et le lithium. Pour le journaliste Guillaume Pitron, ces métaux sont dits critiques car « il y a un risque de pénurie d’approvisionnement du fait de la concentration de la production dans certaines régions du monde. C’est dire l’inflation de ces métaux. »

La Chine est « l’Arabie saoudite de la production des métaux rares. » Cette domination mondiale a un coût pour le géant asiatique, l’extraction des terres rares est un processus long et extrêmement polluant impactant la santé des populations près des sites miniers. "La Chine compte de nombreux 'villages du cancer. Les rebuts des mines sont rejetés directement dans la nature. Une spécialiste Chinoise un jour m’a dit, la Chine a sacrifié son environnement pour fournir des terres rares au reste du monde », explique Guillaume Pitron. En 2018, l’agence américaine US Geological Surevey estimait que la Chine assurait 71 % de la production mondiale. « Il y a un enjeu géopolitique, quelle diplomatie minérale demain pour aller chercher ces matières premières ? » En 2019 en pleine guerre commerciale avec les Etats-Unis, Pékin avait menacé Washington de couper le robinet.

Pour le journaliste Guillaume Pitron, il est urgent que l’Europe retrouve une forme de souveraineté dans ce domaine. « Nous avions ces mines, les usines de raffinage, mais comme les coûts environnementaux étaient trop élevés, nous avons préféré délocaliser la production de ces métaux et délocalisé le fardeau de cette transition verte », explique-t-il. « Cette dépendance à la Chine est beaucoup plus grave que notre dépendance au gaz russe », détaille le journaliste Guillaume Pitron. Pour limiter cette dépendance européenne vis-à-vis de la Chine, le journaliste préconise de rouvrir des mines en Europe, « pas uniquement pour des raisons de souveraineté mais également pour des raisons écologiques, ce serait plus propre d’avoir des mines en Europe que de laisser les Chinois extraire les terres rares à notre place. »

Lire aussi » Guerre en Ukraine : « Nous allons réduire de deux tiers notre dépendance au gaz russe », indique Thierry Breton

Partager cet article

Dans la même thématique

Métaux rares : « La dépendance à la Chine est beaucoup plus grave que notre dépendance au pétrole russe »
3min

International

Utilisation des avoirs russes gelés en Belgique : “les autres Etats-membres européens doivent partager le risque”, estime l’ancien Premier ministre belge Elio di Rupo

Comment financer le soutien à l’Ukraine ? La question se pose de manière urgente car l’État ukrainien pourrait se retrouver à court de liquidités, à cause de l’effort de guerre, dès le début de l’année 2026… Alors que les États-Unis de Donald Trump se désengagent de cette guerre, l’Union européenne s’est engagée à répondre au besoin de financement militaire et civil de l’Ukraine dans les deux prochaines années, estimé à 135 milliards d’euros. Plusieurs options sont sur la table mais la moins coûteuse pour les finances publiques européennes est l’utilisation des avoirs russes gelés, qui s’élèvent à hauteur de 210 milliards d’euros et dont la majeure partie, appartenant à la Banque centrale de Russie, est hébergée en Belgique par la société Euroclear. Un prêt de 140 milliards d’euros à l’Ukraine La Commission européenne travaille sur le projet d’un prêt à l’Ukraine utilisant 140 milliards d’euros de ces avoirs russes. Ce montant serait remboursé par l’Ukraine uniquement si la Russie lui verse des réparations. Cette solution se heurte toutefois à l’opposition de la Belgique, pays hôte de ces avoirs, qui craint des représailles juridiques russes dans les années à venir, si jamais ces avoirs financiers étaient utilisés. “Pour un pays comme la Belgique, devoir rembourser une telle somme ce serait une catastrophe !” Une crainte expliquée par Elio Di Rupo, l’ancien Premier ministre belge socialiste, désormais eurodéputé, interrogé dans l’émission Ici l’Europe, sur France 24, Public Sénat et LCP. “Nous ne savons pas comment la guerre en Ukraine va se terminer. Nous ne savons pas où en sera la Russie dans trois ans, cinq ans, dix ans et si elle se retournera contre un Etat-membre européen en disant, devant la justice, “Vous avez volé notre argent”. Pour un pays comme le mien, devoir rembourser une telle somme, ce serait une catastrophe.” Un accord intergouvernemental pour partager le risque Mais Elio Di Rupo estime qu’il y a une solution pour utiliser ces avoirs russes gelés et financer le soutien à l’Ukraine. “Les 27 États-membres de l’Union européenne doivent signer à l’unanimité un accord pour partager le risque de l’utilisation de ces fonds. Je pense qu’on n’y arrivera pas quand on voit que le Premier ministre hongrois Viktor Orban est un grand ami de Poutine. Il faudra alors conclure un accord intergouvernemental entre 25 pays européens qui prendront l’engagement de partager le risque. A ce moment-là, le gouvernement belge pourra légitimement valider cette contribution de l’Union européenne à l’Ukraine”, via l’utilisation de ces avoirs russes.

Le

Chile Election
3min

International

Présidentielle au Chili : 35 ans après la fin de la dictature de Pinochet, l’extrême droite pourrait revenir au pouvoir

Les candidats de droite et d'extrême droite réunissent 70 % des voix lors de ce premier tour de l’élection présidentielle chilienne malgré l’arrivée en tête, avec 26,85 %, de la candidate communiste de la coalition de la gauche, Jeannette Jara. Mais elle dispose de peu de réserves de voix comparée au candidat d’extrême droite José Antonio Kast qui récolte 23,92 % des suffrages.

Le