« L’accord a changé de manière significative au cours du processus de préparation. Il s’agit désormais d’un accord véritablement équitable qui crée des opportunités d’investissements significatives en Ukraine », a déclaré hier, Volodymyr Zelensky, lors de son adresse quotidienne.
Après de terribles remous entre les Etats-Unis et l’Ukraine, les deux pays viennent de signer un accord afin de créer un fonds d’investissement devant permettre la reconstruction de l’Ukraine. Ce fonds commun doit être alimenté, en grande partie, par l’exploitation des minerais ukrainiens, mais également par l’exploitation de son gaz et de son pétrole.
Un accord plus équitable
Si Volodymyr Zelensky semble satisfait de l’accord, c’est que son issue apparaît plus équitable que le projet initial. Dès le mois d’octobre, le président ukrainien ouvrait la voie à un « accord spécial » avec des nations partenaires permettant une « exploitation commune des ressources stratégiques ». L’élection de Donald Trump, à la présidence américaine, a ensuite accéléré le processus de négociation. Non content des contreparties apportées par l’Ukraine au soutien américain, Donald Trump a réclamé des « garanties » pour accéder aux minerais ukrainiens de l’ordre de 500 milliards de dollars (442 milliards d’euros), censés rembourser le montant de l’aide fournie par les Etats-Unis depuis le début de la guerre en 2022.
Le dispositif initial prévoyait la création d’un fonds abondé par des recettes américaines, copiloté par l’Ukraine, mais tout de même placé sous le contrôle majoritaire des Américains. Interrogé par Public Sénat, le 31 mars dernier, le professeur en relations internationales à Sciences Po Bordeaux, Dario Batistella, définissait le dispositif initial comme « une véritable mise sous coupe de l’économie ukrainienne par les Américains ».
L’Ukraine conserve un contrôle total sur ses ressources
Désormais, l’accord prévoit que le fonds soit créé à parts égales et géré de manière équitable entre les deux pays. Aucun des deux acteurs ne dispose d’un vote majoritaire. L’Ukraine conserve un contrôle total et une stricte propriété sur l’ensemble de ses ressources terrestres et maritimes et l’accord stipule que le pays se réserve le droit de déterminer ce qu’il faut extraire. 50 % des recettes provenant des nouvelles extractions intégreront le budget du fonds d’investissement. L’accord indique aussi que l’ensemble des investissements doit être réalisé exclusivement en Ukraine. Enfin, il n’est plus fait mention des 500 milliards de dollars, réclamés initialement par Donald Trump.
Pour Scott Bessent, secrétaire américain au Trésor, ce partenariat va « permettre aux Etats-Unis d’investir aux côtés de l’Ukraine » afin « d’accélérer la reprise économique de l’Ukraine ». La ministre de l’Economie ukrainienne, Ioulia Svyrydenko, s’est réjouie de ce nouveau fonds qui « attirera des investissements mondiaux dans notre pays ».
5 % des ressources minières mondiales
Car si les Etats-Unis lorgnent sur les ressources naturelles de l’Ukraine, c’est que ce dernier dispose d’une des plus grandes réserves mondiales de minerais. Selon les estimations, le sous-sol ukrainien représenterait 5 % des réserves mondiales des « matières premières critiques », c’est-à-dire les matières premières les plus importantes sur le plan économique et qui présentent un risque élevé de pénurie d’approvisionnement.
Parmi elles : le manganèse et le titane (7 % des réserves mondiales) ou encore le graphite (20 % des réserves mondiales) qui est absolument indispensable à la fabrication des batteries électriques.
Concurrencer la Chine
La mainmise américaine sur les minerais ukrainiens va lui permettre de sécuriser son approvisionnement en terres rares tout en lui offrant la possibilité de réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine. En 2023, l’Empire du milieu se trouvait en situation de quasi-monopole avec 69 % de la production mondiale de terres rares. L’Ukraine est pleinement consciente de l’importance des terres rares dans les nouveaux rapports de force géopolitiques. C’est sans doute grâce à cela qu’elle a pu inverser le cours des négociations en sa faveur.
Des garanties de sécurité par un destin lié
Mais si l’accord semble satisfaire les autorités ukrainiennes, une clause, pourtant réclamée par Kiev, à de multiples reprises, vient à manquer : des garanties de sécurité américaines après un éventuel cessez-le-feu. Le président ukrainien s’était montré insistant pour obtenir ces garanties afin de dissuader la Russie de toute nouvelle invasion.
De leur côté, les Américains indiquent qu’un investissement de leur part représente une garantie de sécurité évidente. L’extraction des terres rares nécessite des sommes considérables et requiert beaucoup de temps. Le destin de l’Ukraine et des Etats-Unis est désormais lié pour les prochaines décennies.