Holy Mass on Easter Sunday and “Urbi et Orbi” Vatican City , Italy  20.05.2025

Mort du pape François : la disparition d’un souverain pontife qui revendiquait la simplicité

Le pape François est décédé ce lundi 21 avril 2025 à l’âge de 88 ans. Le souverain pontife laissera derrière lui l’image d’un religieux à l’aura importante et aux prises de positions tranchées. À défaut d’avoir réellement réformé l’Église, le natif de Buenos Aires a tenté d’impulser la mise en débat de transformations à mettre en place. Plutôt populaire, François s’est érigé comme le représentant d’une classe sociale relativement modeste, étant lui-même issu d’une famille d’immigrés italiens en Argentine.
Théodore Azouze

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Lorsqu’il apparaît, le 13 mars 2013, sur le balcon de la basilique Saint-Pierre, c’est encore un inconnu qui se présente à la foule. Un homme aux grandes lunettes, vêtu d’une simple tenue blanche et de sa croix en métal d’archevêque, avance aux côtés d’une nuée de cardinaux. En quelques secondes, Jorge Mario Bergoglio, l’anonyme du monde entier, n’est plus : voilà le pape François, qui vient d’être élu un peu plus tôt dans la journée. Avec cet accoutrement loin du faste souvent adopté par ses prédécesseurs, le religieux cherche déjà à se démarquer. Avec une simplicité inédite, il demande même aux fidèles venus l’acclamer de prier pour lui, comme dans une forme de démonstration de respect vis-à-vis de sa religion. La démarche, inimaginable jusqu’alors, donne le ton.

Cette scène historique témoigne de l’humilité qu’aura tenté de faire transparaître le pape François jusqu’à sa mort, le 21 avril 2025, à l’âge de 88 ans. Le souverain pontife s’est éteint à 7h35 au Vatican. Le pontife argentin était sorti de l’hôpital le 23 mars dernier après une hospitalisation de 38 jours pour une pneumonie bilatérale. Il connaissait ces dernières années une santé déclinante. Plusieurs opérations importantes avaient dû être réalisées, notamment au côlon et à l’abdomen. Sa disparition marque celle d’un homme qui n’était pas destiné à atteindre la plus haute fonction de l’Église catholique, tant son parcours tranche avec le profil traditionnel des autres figures pontificales.

Une famille d’immigrés italiens en Argentine

Né en 1936 à Buenos Aires, le pape François a vécu toute sa jeunesse dans la capitale argentine. Issu d’une famille d’immigrés italiens, il raconte avoir été marqué par ses racines piémontaises, dont l’histoire lui a particulièrement été insufflée par sa grand-mère. Dans le quartier de Flores, à l’ouest de la ville, il connaît une enfance modeste, dans un voisinage principalement composé d’immigrés. Très croyante, sa famille lui fait suivre des cours de catéchisme. C’est à l’âge de 17 ans, en pénétrant dans un confessionnal d’une cathédrale de la ville, que l’idée de devenir prêtre lui vient en tête. De plus en plus motivé par ce projet, il abandonne ses études de chimie. Il poursuivra dans cette voie, jusqu’à être ordonné à l’âge de 33 ans.

Jorge Mario Bergoglio devient peu à peu une figure religieuse dans la capitale argentine et accède à la fonction d’archevêque de Buenos Aires en 1998. Fait cardinal par le pape Jean-Paul II quelques années plus tard, il conserve ses habitudes. Malgré son statut, il continue par exemple à circuler en transports en commun dans la ville et vit à l’intérieur d’un logement assez simple. Une fois élu 266ᵉ pape de l’histoire, François surprendra d’ailleurs ses camarades cardinaux à ce niveau. Beaucoup se souviennent ainsi de son refus de monter en limousine après son intronisation, préférant opter pour un trajet en autobus avec l’ensemble des religieux.

Un pape au style unique

Pape d’un style unique en son genre, le jésuite a accédé au Saint-Siège dans des conditions très atypiques. Il prend alors la relève de Benoît XVI, un pape qui vient de démissionner. Voilà 700 ans que cela n’était plus arrivé. La peur de devoir s’effacer derrière cette figure toujours en vie au moment de sa prise de fonction ? François ne le montre pas. Parmi ses premières paroles lors de son discours d’ouverture, il adresse même une pensée à son prédécesseur, qui décédera en 2022.

De ses origines et de son mode de vie, le pape François n’oubliera rien. Premier pape sud-américain, il multiplie les voyages à l’autre bout de la planète, y compris dans des territoires où les communautés de croyants sont réduites. Capable à la fois d’animer une messe XXL devant plus de 55.000 personnes au stade Vélodrome de Marseille, mais aussi d’aller à la rencontre des 1500 fidèles catholiques de Mongolie, il prend soin de ne laisser aucune zone de la planète de côté. Une stratégie davantage semblable à celle de Jean-Paul II qu’à celle de Benoît XVI, qui avait largement concentré ses déplacements dans des territoires moins variés.

À son arrivée au pouvoir, les connaisseurs ne savaient pas forcément à quoi s’attendre avec François sur un plan plus politique. Ce cardinal méconnu en dehors des instances religieuses pouvait-il constituer le grand réformateur de l’Église ? François a en tout cas mené une grande refonte de la Curie romaine, ce qui n’avait plus été le cas depuis 1988. Promulguée en 2022, elle prévoit notamment de réorganiser l’administration du Saint-Siège, mais dresse aussi quelques principes pour l’avenir. Parmi ceux-ci ? La possibilité pour les femmes d’accéder à des statuts de direction au sein des dicastères.

Le pape François a ouvert la voie à plusieurs reprises à une plus grande participation de celles-ci au sein de l’Église. Encore récemment, François avait fait part de sa volonté d’ouvrir le débat sur l’éventualité d’un accès aux femmes à la fonction de diacre, le stade inférieur à celui de prêtre. « Il n’y a aucune raison ni aucun obstacle qui puisse empêcher les femmes d’exercer des rôles de direction dans l’Église », affirmait-il à ce sujet à l’automne dernier. Dans ses récentes mémoires, le pape appuyait cette vision. « L’un des plus grands péchés que nous ayons commis a été de « masculiniser » l’Église. »

Farouche opposant à l’IVG

Le souverain pontife ne s’est pas montré aussi progressiste sur d’autres genres de sujets de société. Sur l’avortement, François a réitéré des propos très durs, jusqu’à créer la polémique en marge d’un déplacement en Belgique en septembre 2024. Fidèle à la ligne traditionnelle du Vatican, il compare l’IVG à un meurtre. « Un avortement est un homicide, les médecins qui font cela sont, si vous me permettez l’expression, des tueurs à gages », avait-il déclaré dans l’avion retour du voyage. À Bruxelles, il s’était recueilli sur la tombe du roi Baudouin, monarque belge qui avait refusé d’approuver un texte de loi dépénalisant l’IVG en 1990.

Sur d’autres dossiers, comme le rapport de l’Église à la communauté homosexuelle, François avait démontré une certaine ambiguïté, soufflant le chaud et le froid. « Dans le catéchisme de l’Église catholique, il est dit que les personnes ayant des tendances homosexuelles doivent être accueillies, et non marginalisées, accompagnées si on leur donne une place », a-t-il déclaré en janvier 2023, lors d’une interview accordée à l’agence de presse AP. Tout en soulignant qu’« être homosexuel n’est pas un crime », mais « c’est un péché ».

Avant de préciser, quelques jours plus tard : « Quand je dis que c’est un péché, je me réfère simplement à l’enseignement moral catholique, qui dit que tout acte sexuel en dehors du mariage est un péché. » L’an dernier, il a par ailleurs accordé la possibilité de bénir les couples homosexuels. Une mesure qui reste bien loin d’une quelconque perspective du sacrement du mariage entre personnes du même sexe.

Une réaction aux violences sexuelles dans l’Église

Surtout, François aura eu à gérer l’une des crises les plus majeures de l’histoire récente de l’Église, avec la libération de la parole des victimes de violences sexuelles. Le nombre de révélations sur des scandales de ce type parmi les communautés catholiques a explosé durant son pontificat, marqué par l’émergence du mouvement #MeToo dans toutes les couches de la société. Quelques mois après son arrivée, le pape avait déjà pris la parole sur le sujet. « Nous tous devons nous engager avec clarté et courage pour que toutes les personnes, et plus particulièrement les enfants qui sont parmi les catégories les plus vulnérables, soient toujours protégées et défendues », avait-il donc appelé en mai 2013.

Canada, Équateur, Mexique, États-Unis, France… Face aux nombreux scandales, l’Église a dû réagir. En 2019, François a aussi annoncé la levée du secret pontifical sur les affaires de violences sexuelles. Autre mesure : une surveillance renforcée lors de la nomination de nouveaux évêques. L’été dernier, les révélations autour des accusations d’agressions sexuelles et de viols contre l’abbé Pierre ont de nouveau fait réagir le pape. « L’abus sexuel des enfants et des mineurs est un crime ! C’est une honte ! », tout en reconnaissant que le Vatican était « au courant » des allégations contre le religieux français.

S’estimant comme le porte-voix des plus démunis, le pape François rattachait souvent ses déclarations à son histoire personnelle. Se référant à ses racines d’immigrés, il n’a eu cesse d’appeler à l’hospitalité en Europe pour les étrangers quittant leur pays. « J’étais issu d’une famille de migrants : comme tant d’autres Italiens, mon père, mon grand-père et ma grand-mère étaient partis pour l’Argentine et avaient connu le sort de celles et ceux qui se retrouvent sans rien. Moi aussi, j’aurais pu me retrouver parmi les exclus d’aujourd’hui », écrit-il dans sa dernière autobiographie.

Tout comme ses multiples alertes sur la situation climatique ou sur les différents conflits dans le monde, François n’hésitait pas à prendre position sur les grands thèmes d’actualité. La publication de deux encycliques sur la crise environnementale, Laudato si’en 2015 et Laudato Deum en 2023, témoignent de cette volonté. Après 12 années à la tête des catholiques, le pape François laisse la trace d’un homme engagé, faisant l’éloge de la simplicité et de l’humilité, mais pas dénué d’ambivalences.

 

 

 

 

 

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