Opération « Wuambushu » à Mayotte : « On nous aurait reproché de ne pas le faire », défend Jean-François Carenco

Invité ce mercredi 10 mai de la matinale de Public Sénat, Jean-François Carenco, le ministre délégué chargé des Outre-mer assure que les relations entre les Comores et la France sont en voie d’apaisement. Toutefois, il estime que Paris pourrait suspendre le soutien financier à l’archipel si les autorités continuent de rechigner à récupérer les ressortissants expulsés de Mayotte.
Romain David

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Les relations entre la France et les Comores en voie d’apaisement. Les rapports entre Paris et cet archipel situé entre Madagascar et la côte du Mozambique se sont dégradés ces dernières semaines dans le cadre de l’opération « Wuambushu » lancée à Mayotte, et visant notamment à expulser le grand nombre de ressortissants comoriens installés de manière irrégulière sur ce territoire français. Réunis mardi 9 mai à Paris, la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, et son homologue comorien, Dhoihir Dhoulkamal, ont réaffirmé dans un communiqué commun leur volonté de lutter contre les trafics et les passeurs.

« Je pense que les Comores vont accepter de reprendre leurs ressortissants, cela va se faire doucement. Le bon sens va l’emporter. Le bon sens, c’est que la France coopère avec les Comores et que les Comores coopèrent avec la France », a commenté ce mercredi Jean-François Carenco, le ministre délégué chargé des Outre-mer, qui était l’invité de « Bonjour chez vous », la matinale de Public Sénat.

« Quelle est cette histoire de rejet de ses propres ressortissants ? », s’étrangle le ministre, alors que les rotations entre les Comores et Mayotte ont été suspendues fin avril. En contrepartie de la lutte contre les départs illégaux de ses habitants vers l’île française, Moroni reçoit de Paris une aide financière définie par un accord-cadre, et chiffrée à 150 millions d’euros entre 2019 et 2022. Le gouvernement pourrait-il suspendre ce soutien si les Comores refusent de reprendre leurs ressortissants ? « Je n’aime pas que l’on fasse chanter ma République, donc oui ! », avertit Jean-François Carenco.

« Le premier sujet c’est d’arrêter les vrais voyous »

Selon ce responsable gouvernemental, l’opération « Wuambushu » – ce qui signifie « reprise » en mahorais – « se déroule pas mal ». Jean-François Carenco rappelle que les expulsions de ressortissants étrangers ne sont que l’un des trois volets de ce vaste déploiement sécuritaire qui mobilise 1 800 policiers et gendarmes. « Le premier sujet c’est d’arrêter quelques délinquants, les vrais voyous qui coupent des mains et attaquent des enfants. Le vrai sujet est là », martèle le ministre. « À tous ceux qui critiquent, je dis : allez voir le banditisme absolu ! On nous reprocherait de ne pas le faire. Il fallait le faire, et Gérald Darmanin a eu le courage de le faire ».

« Deuxième sujet, le decasage », ajoute le ministre, c’est-à-dire la lutte contre les constructions illégales, habitées par des migrants. « Accepteriez-vous, là où vous habitez, que partout des bidonvilles s’installent ? », interroge Jean-François Carenco. « Je rappelle que nous avons réouvert une société HLM avec Action Logement, cela va être un progrès énorme. »

L’opération « Wuambushu » pourrait encore durer « deux ou trois mois », ajoute Jean-François Carenco, « le temps d’arrêter un certain nombre de voyous ».

Durcir le droit du sol à Mayotte

Alors que le gouvernement a repoussé l’examen parlementaire de sa réforme « asile et immigration » à l’automne 2023, la Première ministre Élisabeth Borne aurait finalement l’intention de relancer les consultations sur ce texte, annonce Le Figaro, un nouveau projet de loi devant être présenté en Conseil des ministres en juillet. Refusant de s’exprimer sur un sujet qui « n’est pas de sa compétence », Jean-François Carenco estime toutefois « qu’il faut durcir le droit du sol à Mayotte ». Depuis 2018, l’île déroge déjà aux règles en vigueur dans le reste de la République, et ce afin de dissuader les mères comoriennes de traverser le détroit pour venir donner naissance à Mayotte. Selon les chiffres de l’Insee, en 2021, sur 10 600 naissances, seuls 17 % des enfants étaient nés de deux parents français, et 46,5 % d’une mère et d’un père étrangers.

Partager cet article

Dans la même thématique

Palestiniens bande de Gaza
9min

International

Offensive israélienne à Gaza : « Benyamin Netanyahou met en œuvre le projet qui le guide depuis quasiment le départ »

L’armée israélienne a lancé ce mardi 16 septembre une grande offensive à Gaza-ville. Des milliers d’habitants fuient les lieux et se dirigent désormais vers le sud de l’enclave palestinienne, rendue exsangue par des mois de bombardements. Soutenu par Washington, que vise Benyamin Netanyahou avec cette nouvelle opération militaire ? Décryptage avec Laure Foucher, maîtresse de recherche sur le Moyen-Orient à la Fondation pour la recherche stratégique.

Le

Opération « Wuambushu » à Mayotte : « On nous aurait reproché de ne pas le faire », défend Jean-François Carenco
5min

International

Reconnaissance de l’Etat de Palestine : « Tant que les conditions ne sont pas réunies, c’est une aberration », estime Roger Karoutchi

Invité de la matinale de Public Sénat ce mardi, Roger Karoutchi, sénateur LR des Hauts-de-Seine a pris position contre la reconnaissance de l’Etat de Palestine par la France la semaine prochaine. Il a également débattu avec le maire communiste de Gennevilliers Patrice Leclerc sur l’attitude que doit avoir la France face à l’intensification des attaques israéliennes sur la bande de Gaza.

Le

6min

International

Turquie : Erdogan mène « une politique de bâillonnement de l’opposition »

Très attendue, la décision du tribunal d’Ankara sur une possible destitution de la direction du principal parti politique d’opposition, a finalement été reportée au 24 octobre, à l’issue d’une audience qui s’est tenue ce lundi 15 septembre. Mais « ce n’est pas du tout un temps de répit », prévient la chercheuse Nora Seni.

Le