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Otages du Hamas : « La torture psychologique a lieu jusqu’au dernier moment », témoigne Sacha Ghozlan, avocat de familles d’otages libérés

Pour Sacha Ghozlan, le Hamas reste le maître du jeu dans les négociations qui l’opposent à l’Etat hébreu pour la libération des otages Israéliens.
Hugo Ruaud

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Vous êtes l’avocat de familles d’otages, dont Erez et Sahar, frère et sœur de 12 et 16 ans, retenus en otage depuis le 7 octobre par le Hamas et libérés ce week-end. Comment vont-ils ?

Ils sont sortis de la bande de Gaza, ils ont été pris en charge par des médecins israéliens qui leur ont fait faire un certain nombre d’examens médicaux, oculaires notamment. Car les otages qui étaient retenus dans les tunnels n’ont pas vu la lumière depuis des semaines et il y a des craintes importantes que des otages perdent la vue, ou perdent une part importante de leurs capacités visuelles. Il y a une variété de situations. Nous en apprendrons plus dans les prochains jours et les prochaines semaines, étant entendu que de toute façon, il n’est pas dans l’intérêt des otages de parler de leurs conditions de détention auprès du grand public, dans la mesure où cela pourrait mettre en danger la vie d’autres otages. En ce qui concerne la fratrie dont je m’occupe, ils ont pu retrouver leur mère hier soir en Israël. Ils profitent de ce moment de retrouvailles tout en gardant la peine de ne toujours pas avoir retrouvé leur père, qui est toujours retenu par le Hamas et dont on ignore tout pour le moment des conditions de détention. Par ailleurs, leur maison a été détruite, et plusieurs de leurs proches, dont leur grand-mère, ont été assassinés le 7 octobre. Ils sont donc également pris en charge par des psychologues israéliens.

 

En quoi consiste le rôle d’avocat de familles d’otages ? Avez-vous pu suivre les négociations entre les différentes parties ?

Ces négociations se font de chef d’Etat à chef d’Etat, d’émissaire à émissaire, sous l’égide du Qatar, avec l’intervention de l’Egypte et des Etats-Unis. Le rôle des avocats, dans ce cadre-là, est d’accompagner les victimes et de mettre l’accent sur la dimension judiciaire, de rappeler à la fois qu’une enquête préliminaire a été ouverte à Paris pour des infractions en lien avec des entreprises terroristes, et que ce n’est pas parce que des otages ont été libérés que l’action publique cesse. Peu importe si les libérations interviennent aujourd’hui ou plus tard, même si on souhaite bien sûr qu’elles aient lieu le plus vite possible.

 

A quel moment avez-vous appris que vos clients allaient être libérés ?

Depuis plusieurs jours, on savait qu’il y aurait des vagues successives de libérations d’otages, d’otages qui sont des enfants ou des grands-mères. Nous espérions donc depuis plusieurs jours que les mineurs dont je m’occupe seraient libérés. Après, c’est une torture psychologique qui est mise en place par le Hamas et sur laquelle il joue, nous le savons. Chaque jour, une nouvelle liste est communiquée, et on n’a pas d’information la veille sur ces otages qui sont libérés le jour même. Tant que les otages ne sont pas entre les mains des autorités israéliennes, jusqu’au dernier moment, tout peut être annulé, il peut y avoir des imprévus. On a vu que des véhicules dans lesquels les otages étaient transportés dans la bande de Gaza avaient été caillassés par la foule. Certains otages ont signifié le fait que lorsqu’ils ont été libérés, ils pensaient qu’en réalité, ils allaient être exécutés parce que le Hamas ne leur avait pas dit qu’ils allaient être libérés. Ils sortent d’endroits clos, dans lesquels ils ont été retenus dans des conditions terribles pendant plusieurs semaines. Donc la torture psychologique a lieu jusqu’au dernier moment, tout comme l’incertitude et l’inquiétude des familles.

 

Le profil des otages libérés est-il significatif quant à la suite des négociations ? Ils sont soit très jeunes, soit très vieux : les négociations vont-elles être plus difficiles pour les hommes, d’âge adulte ?

On peut le présumer. Le Hamas avait pour stratégie de kidnapper un maximum de personnes le 7 octobre : des enfants, des personnes âgées, des femmes, des hommes, mais aussi des soldats. On peut supposer que pour la suite, les négociations seront beaucoup plus ardues : en 2006, Gilad Shalit, un soldat israélien, avait été capturé par le Hamas. Il a été libéré cinq ans plus tard, à la suite de négociations aux cours desquelles Israël a libéré 1 027 prisonniers en échange. Jusqu’à présent, sur les libérations d’otages, on a un rapport de un à trois. On peut imaginer que le Hamas demande beaucoup plus de prisonniers libérés en l’échange d’un soldat. Mais de toute façon, on n’arrivera pas à retrouver le rapport de un à mille de 2006, puisqu’il n’y a pas 250 000 prisonniers Palestiniens à libérer. Mais ce qu’il faut dire, aussi, c’est que la stratégie du Hamas repose sur l’équivalence supposée entre les prisonniers palestiniens en Israël et les otages du Hamas. Il y a une distinction fondamentale entre les prisonniers et les otages : les prisonniers ne craignent pas pour leur vie, et on sait où ils sont – dans des geôles, identifiées, en Israël. Les otages, on ne sait pas où ils sont, ils sont probablement dans des tunnels, disséminés, mais on n’a aucune information sur l’endroit où ils sont ni sur leurs conditions de détention, et ils craignent pour leur vie.

 

De quoi ces négociations sont le résultat ?

A partir du 7 octobre, tout en répondant par la force, Israël a essayé de négocier la libération de ses otages, cela a pris beaucoup de temps. Maintenant, il y a plusieurs hypothèses : cela peut être dû au fait que la Hamas est affaibli, qu’il souhaite se renforcer par le retour de ses prisonniers, ou encore se réorganiser pendant la trêve, mais je ne saurai vous le dire. Il y a une multitude de facteurs qui sont entrés en jeu. A ce titre-là, le Qatar, principal bailleur de fonds du Hamas, a joué un rôle essentiel dans cette négociation. Il est aujourd’hui le seul Etat en mesure d’échanger avec les différents acteurs et de mettre la pression sur le Hamas pour qu’il respecte ses engagements, ce qui n’est jamais sûr, puisque l’on parle d’une organisation terroriste.

 

Quel rôle a joué la France dans les négociations ? La libération d’otages Franco Israéliens est-elle le fruit de la diplomatie française, ou était-ce totalement aléatoire ?

C’est probablement quelque part entre les deux. Probablement qu’on ne saura pas avant longtemps la manière dont ça s’est déroulé parce que je pense que ça relève du secret-défense ou du secret d’Etat. Ce que l’on peut supposer, c’est que la France a pesé dans ces discussions… Le président de la République s’est rendu sur place, Sébastien Lecornu, ministre des Armées, Catherine Colonna, ministre des Affaires étrangères aussi. Il y a eu un certain nombre d’échanges entre les plus hautes autorités de l’État et les autorités israéliennes, le Qatar, la Jordanie et l’Égypte pour faire en sorte que cet accord advienne. Maintenant, je n’ai pas d’information sur l’influence réelle de la France dans cet accord. Mais je sais que pour les familles d’otages, qu’elles soient françaises ou non, elles portent un espoir extrêmement fort vis-à-vis de la France. Parce que la France est membre du conseil de sécurité des Nations unies, la France a une parole forte dans le concert des nations, la France a inventé les droits de l’homme. Vous avez peut-être vu, ces dernières semaines, des familles américaines, allemandes qui se sont rendues en France, dans l’espoir que la France intercède, puisque l’objectif n’est pas la libération exclusive des otages français, mais la libération de tous les otages.

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