France Iran
Photos de Cécile Kohler et Jacques Paris devant l'Assemblée nationale (AP Photo/Aurelien Morissard)/MEU102/25184381128062//2507031248

Otages en Iran : Emmanuel Macron évoque une « perspective solide » de libération, pour l’avocate de la famille Kohler « tout ce scénario diplomatique n’est qu’une fable »

Détenus depuis plus de trois ans en Iran, Cécile Kohler et Jacques Paris sont accusés par Téhéran « d’espionnage pour le Mossad ». Mercredi, à l’issue d’un entretien avec le président iranien Massoud Pezeshkian, Emmanuel Macron a affirmé entrevoir une « perspective solide » en vue de leur libération.
Emma Bador-Fritche

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1 237 jours que les deux ressortissants français sont derrière les barreaux. Arrêtés en mai 2022 lors de vacances en Iran, Cécile Kohler, 41 ans, et son compagnon Jacques Paris, 72 ans, sont accusés par Téhéran d’espionnage pour les autorités israéliennes, accusation que Paris juge totalement infondée. En marge de l’Assemblée générale des Nations unies, Emmanuel Macron s’est entretenu mercredi à New York avec le président iranien Massoud Pezeshkian. Au cours de l’entretien, il a évoqué la libération des citoyens français que la France considère être des « otages d’État » détenus par Téhéran. « On a une perspective solide, donc on y travaille. On aura dans les prochaines semaines des clarifications », a-t-il affirmé à France 24 et Radio France Internationale, tout en restant prudent. « Mais je ne veux pas ici être définitif parce que malheureusement, ça ne dépend pas que de nous », a-t-il ajouté depuis New York. Sur X, le chef de l’État a redit son « exigence » : « Cécile Kohler, Jacques Paris et Lennart Monterlos, otages d’État détenus arbitrairement et dans des conditions inhumaines en Iran, doivent être libérés immédiatement. »

« Une situation de disparition forcée »

Si le président français affiche un certain optimisme, l’avocate de la famille Kohler et de la Prix Nobel de la paix, Narges Mohammadi, Maitre Chirinne Ardakani dresse un tableau beaucoup plus sombre. Selon elle, les éléments recueillis laissent craindre « une situation globale de recul plutôt que de progrès » et cela depuis le transfert de Cécile Kohler et Jacques Paris de la prison d’Evine à Téhéran vers un lieu inconnu, après des frappes israéliennes sur les lieux en juin. « En droit, c’est ce qu’on appelle une situation de disparition forcée » souligne-t-elle. Les dernières nouvelles directes du couple remontent au 13 septembre. La famille n’a eu que deux contacts brefs et contraints depuis juin, « sans possibilité de parole libre. ». « Nous savons qu’ils sont en vie, mais ni l’endroit où ils sont emprisonnés, ni leurs conditions de détention ne sont communiquées » poursuit l’avocate. Elle déplore également l’absence de transparence des autorités françaises, « Je ne dis pas que rien n’est entrepris, mais si des mesures existent, les familles n’en ont pas connaissance. »

« Tout ce scénario diplomatique n’est qu’une fable »

Le 11 septembre, le ministre iranien des affaires étrangères, Abbas Araghchi a confirmé lors d’une interview télévisée qu’un accord visant à échanger des prisonniers était en discussion. Il a évoqué la « phase finale » d’un échange impliquant Mahdieh Esfandiari, une Iranienne arrêtée en France pour apologie du terrorisme sur les réseaux sociaux.

Pour Maitre Ardakani, cette démarche n’est rien d’autre qu’une stratégie de chantage, « tout ce scénario diplomatique n’est qu’une fable destinée à obtenir des concessions françaises. C’est un aveu explicite, la République islamique reconnaît que Cécile et Jacques sont liés au bon vouloir de la France. Leur libération est conditionnée à une transaction qui s’apparente à une opération d’extorsion. »

« La République islamique d’Iran doit être condamnée comme un État bourreau »

Face à l’enlisement diplomatique, les familles et leurs avocats réclament une action plus ferme. En mai 2024, la France a saisi la Cour internationale de justice (CIJ) contre Téhéran. Mais pour Chirinne Ardakani, cette initiative est arrivée trop tard et reste insuffisante, « la République islamique d’Iran doit être condamnée comme un État bourreau. La France a attendu deux ans avant de saisir la Cour internationale de Justice, malgré la dégradation de la situation. Et aujourd’hui la CIJ, à la demande de la France, abandonne l’affaire opposant Paris à Téhéran au sujet de la détention de deux citoyens français en Iran. «Maintenant, nous demandons des mesures d’urgence et la reconnaissance de l’Iran comme État criminel. » affirme Chirinne Ardakani. Elle critique également la position du gouvernement français, qui estime que ce recours n’est « pas pertinent à activer immédiatement ». L’avocate interroge : « Mais que signifie l’urgence si ce n’est pas maintenant ? Nous demandons une libération immédiate et inconditionnelle. »

 « Mais que signifie l’urgence si ce n’est pas maintenant ? Nous demandons une libération immédiate et inconditionnelle. » 

Chirinne Ardakani, avocate de la famille Kohler et du Prix Nobel de la paix, Narges Mohammadi

Elle conclut en alertant sur les conséquences pour les autres otages : « Qu’est-ce que cela veut dire pour eux ? Vous créez un précédent dangereux. » Elle fait notamment référence à Lennart Monterlos, un Franco-Allemand de 19 ans arrêté alors qu’il traversait l’Iran à vélo, durant la guerre des 12 jours, déclenchée le 13 juin 2025 entre Israël et l’Iran.

 

Ce jeudi soir, plusieurs rassemblements sont organisés à travers la France pour marquer le quatrième anniversaire de Cécile Kohler depuis la captivité. Les familles et soutiens y réitéreront leur appel à une action forte, tant diplomatique que judiciaire, afin que les otages puissent enfin rentrer en France.

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