« Pédagogue », « rassurant » : au Sénat, le discours d’Emmanuel Macron sur la guerre en Ukraine fait l’unanimité, ou presque
Même si elle comportait peu d’annonces, l’allocution du président de la République a largement convaincu les sénateurs. À gauche, un point de vigilance demeure : Emmanuel Macron souhaite investir dans la défense, « sans augmenter les impôts ». Une annonce qui fait craindre de nouvelles coupes budgétaires.
Face à la menace russe et au désengagement américain, « rester spectateurs serait une folie ». Ce 5 mars, Emmanuel Macron s’est adressé aux Français dans une allocution d’une quinzaine de minutes, pour résumer les défis qui attendent le pays dans ce moment de bascule géopolitique.
La prise de parole ne comportait que peu d’annonces, renvoyées au sommet extraordinaire des chefs d’Etats européens, prévu ce 6 mars à Bruxelles. Au Sénat, le discours du chef de l’Etat a tout de même été largement salué.
Un discours pour rassurer les Français
Sur la forme, d’abord, Emmanuel Macron a choisi d’accompagner son propos de cartes et d’infographies. « Je l’ai trouvé pédagogue », observe la sénatrice socialiste Hélène Conway-Mouret, « c’est un point important parce qu’à force de vocabulaire guerrier et face aux annonces quotidiennes de Donald Trump, les Français ont de quoi être bouleversés ».
Sur plusieurs points, le président de la République a semblé en effet vouloir expliciter les annonces faites ces derniers jours. Les pays européens vont-ils envoyer des troupes au sol en Ukraine ? « Les forces européennes n’iraient pas se battre aujourd’hui sur la ligne de front, elles seraient là une fois la paix signée, pour en garantir le plein respect », a assuré Emmanuel Macron. Une réunion des chefs d’États-majors des pays européens qui souhaitent s’engager militairement en Ukraine doit être organisée à Paris « la semaine prochaine », a annoncé le président. « Cette rencontre sera décisive. Elle doit marquer un tournant des Européens sur le chemin de l’indépendance », réagit le sénateur Les Républicains Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères.
La France va-t-elle partager sa force de dissuasion nucléaire avec ses voisins ? « Quoi qu’il arrive, la décision restera entre les mains du président de la République, chef des armées », a indiqué Emmanuel Macron. « Je crois que le président de la République a rassuré : c’est lui qui garde la main sur le bouton nucléaire », résume le chef de file du camp présidentiel au Sénat, François Patriat. « En même temps, il a montré une voix de fermeté, il a fait prendre conscience aux Français des dangers qui menacent l’Europe », observe le sénateur.
« Le président de la République a répondu à Donald Trump avec finesse »
Ce discours de fermeté, le président de la République l’a notamment tenu à l’égard de son homologue américain. « Je veux croire que les Etats-Unis resteront à nos côtés, mais il nous faut être prêts si tel n’est pas le cas », a-t-il souligné. Emmanuel Macron s’est notamment attardé sur les droits de douane de 25 % que Donald Trump veut appliquer aux produits européens.
« Cette décision est incompréhensible, tant pour l’économie américaine que pour la nôtre », a-t-il dénoncé, « nous continuerons à tout tenter pour convaincre que cette décision nous ferait du mal à tous, j’espère convaincre et dissuader le président des Etats-Unis. »
Une riposte à Donald Trump que le sénateur centriste Loïc Hervé juge habile : « Je ne fais pas partie de ceux qui disent qu’il faut rompre avec les Etats-Unis, mais cela ne veut pas non plus dire qu’il faut tout laisser passer. Le président de la République a répondu à Donald Trump avec finesse, en ménageant sa susceptibilité. »
« Le président va dans le sens de ce que nous demandons au Sénat depuis plusieurs années »
Avec la suspension des aides américaines en Ukraine et le désengagement du pays dans la défense européenne, Emmanuel Macron a enfin martelé la nécessité d’investir plus pour la sécurité de la France et de l’Europe. « Nous restons attachés à l’OTAN et à notre partenariat avec les Etats-Unis, mais il nous faut faire plus. L’avenir de l’Europe n’a pas à être tranché à Washington ou à Moscou », a-t-il souligné.
Une quête d’indépendance qui nécessite des investissements massifs, d’abord à l’échelle nationale. « Nous aurons à faire de nouveaux choix budgétaires et des investissements supplémentaires. Ce seront de nouveaux investissements qui exigent de mobiliser des financements privés, mais aussi publics, sans que les impôts ne soient augmentés », a précisé Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat a souhaité que le gouvernement travaille « le plus vite possible » sur des propositions budgétaires, il réunira également les industriels du secteur « dans les prochains jours ».
Une stratégie saluée par les partis du socle commun au Sénat. « Le président va dans le sens de ce que nous demandons au Sénat depuis plusieurs années : des instruments efficaces et des cadres nouveaux », salue Cédric Perrin. « Il y a des choix à faire, pour augmenter le budget des armées il faudra bien faire des économies ailleurs », tranche de son côté François Patriat.
« Une course effrénée au surarmement ne réglera en rien la guerre »
Une perspective qui alarme une partie de la gauche sénatoriale, notamment le groupe communiste. « Emmanuel Macron annonce des difficultés sociales supplémentaires pour nos concitoyens », dénonce sa cheffe de file Cécile Cukierman. « Ne mentons pas aux Français, la hausse des dépenses d’armement ne servira pas à faire la paix en Ukraine. Une course effrénée au surarmement ne réglera en rien la guerre. La paix en Ukraine se joue maintenant, mais on ne produit pas des armes, des chars et des avions en deux jours », souligne la sénatrice.
Sans être opposés à une hausse des dépenses militaires, les socialistes n’en restent pas moins prudents. « Je crois qu’il y a une large prise de conscience de la nécessité d’un effort budgétaire, mais il doit se faire de manière créative, en sollicitant le public comme le privé, et en s’assurant de retombées sur l’économie européenne. Nous devons être très vigilants à ce que cette hausse des dépenses n’entraîne pas un écroulement de notre modèle social », alerte Hélène Conway-Mouret.
Au niveau européen, des investissements massifs, à hauteur de 800 milliards d’euros, ont déjà été annoncés par Ursula von der Leyen en début de semaine. Mais d’autres annonces sur la défense européenne devraient rapidement suivre, a affirmé le président de la République. Lors du sommet prévu dès demain entre les dirigeants européens à Bruxelles, « nous franchirons des pas décisifs », a assuré Emmanuel Macron.
Après l’arrestation du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, principal opposant du président Recep Tayyip Erdogan, de nombreuses manifestations ont éclaté un peu partout dans le pays. Si l’ampleur de la mobilisation semble inédite, le chercheur Adel Bayawan pointe une « nécessaire radicalisation » pour la poursuite du mouvement.
La question d’un nouveau grand emprunt, comme lors du covid-19, est sur la table des 27. Si Emmanuel Macron y est favorable pour la France, d’autres Etats freinent. Les regards se tournent vers l’Allemagne, opposée jusqu’ici, mais dont le nouveau chancelier, Friedrich Merz, est plus ouvert sur l’effort de défense.
Le tribunal algérien a requis dix ans d’emprisonnement, jeudi 20 mars, à l’encontre de Boualem Sansal, détenu à Alger depuis le 16 novembre. Emmanuel Macron a appelé à la « clairvoyance » du président Tebboune pour que l’écrivain puisse être « soigné et libéré ». Pour le chercheur Brahim Oumansour, la détention de l’écrivain s’inscrit dans « la crise la plus grave entre les deux pays ».
Le Français Olivier Grondeau, détenu arbitrairement en Iran depuis octobre 2022, a été libéré. Dans un communiqué, la commission des affaires étrangères du Sénat salue cette annonce et appelle les autorités « à redoubler d’efforts » pour obtenir la libération des deux otages restants, Cécile Kohler et Jacques Paris.
Le
Le direct
Le Sénat réhabilite les femmes ayant avorté avant 1975
Le Sénat réhabilite les femmes ayant avorté avant 1975