Deux plans pour une résolution du conflit en Ukraine ? Après un premier plan américain dévoilé le 20 novembre dernier et largement rejeté par les Européens et les Ukrainiens, un second plan a émergé des négociations qui ont eu lieu à Genève dans la nuit de dimanche à lundi. Le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne se sont accordés sur une contre-proposition.
Largement plus en faveur de l’Ukraine, ce nouveau plan revient sur la proposition américaine de limiter la taille de l’armée ukrainienne à 600 000 soldats et souhaite la maintenir dans sa taille actuelle (800 000 soldats). Les Européens souhaitent que les négociations territoriales se maintiennent sur la ligne de front contrairement aux Etats-Unis qui envisagent d’attribuer certaines zones à la Russie en marge des négociations. Enfin, les Européens exigent que les Etats-Unis fournissent à l’Ukraine des garanties de sécurité à la manière de l’article 5 du traité de l’OTAN qui indique que toute attaque contre un pays membre est une attaque contre tous. Les Européens ont également réaffirmé la politique d’ouverture de l’OTAN laissant planer le doute sur une possible adhésion de l’Ukraine à l’organisation.
L’Europe reprend la main
Avec ces nouvelles propositions, les Européens entendent bien peser dans les négociations après un premier plan américain ayant été perçu comme une simple reprise des demandes russes. « Certaines formules dans le plan laissent à penser qu’il a été rédigé par la Russie », avance le président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), Emmanuel Dupuy. Le 22 novembre, trois sénateurs américains ont affirmé que le document en 28 points était « une proposition » émanant directement du Kremlin. Marco Rubio a quant à lui démenti cette information indiquant que la « proposition de paix a été rédigée par les Etats-Unis ».
Quoi qu’il en soit, la contre-proposition européenne indique que le Vieux continent ne souhaite pas jouer les seconds rôles dans la résolution du conflit. « Pour l’Europe, l’enjeu de ce nouveau plan est de réaffirmer les lignes rouges en insistant tout particulièrement sur la souveraineté de l’Ukraine », indique Emmanuel Dupuy. « Ils ne souhaitent pas une forme de gel du processus de paix similaire à un Minsk III ». En 2015, les dirigeants de l’Ukraine, de la France, de la Russie et de l’Allemagne se sont accordés (Minsk II) sur des mesures concernant la guerre dans le Donbass et l’instauration d’un cessez-le-feu. Un traité très fragile qui n’a pas empêché l’invasion russe de 2022.
« Cette fois-ci, la première négociation s’est faite sous l’égide des Américains puis la contre-proposition montre une européanisation des négociations », indique Emmanuel Dupuy. « Reste à savoir ce que vont faire les Américains. Soit, ils décident de poursuivre des négociations bilatérales avec la Russie (le 15 août 2025, Donald Trump et Vladimir Poutine se sont rencontrés lors d’un sommet en Alaska), soit de manière magnanime, ils acceptent de laisser une place aux Européens comme le souhaite Marco Rubio, secrétaire d’Etat des Etats-Unis et présent lors des négociations à Genève ».
« Il se pourrait bien que quelque chose de positif soit en train de se produire »
Et semble-t-il, le président américain Donald Trump apparaît satisfait des négociations à Genève. Dans un message posté aujourd’hui sur son réseau social, il évoque une possible avancée dans la résolution du conflit : « Est-il vraiment possible que les pourparlers de paix entre la Russie et l’Ukraine aient fait d’énormes progrès ??? N’y croyez pas tant que vous ne l’avez pas vu, mais il se pourrait bien que quelque chose de positif soit en train de se produire ».
Moins énigmatiques que le président américain, les dirigeants européens se sont montrés optimistes sur le nouveau plan tout en restant prudent. Pour le Premier ministre britannique Keir Stramer, des « progrès significatifs » sont à l’œuvre tandis que Jean-Noël Barrot, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères français, a évoqué des discussions « constructives et utiles ». Le chancelier allemand Friedrich Merz a lui temporisé indiquant ne pas s’attendre à un accord cette semaine. Invité demain de la matinale de RTL, Emmanuel Macron sera interrogé sur cette nouvelle étape du conflit en Ukraine.
« La situation économique de la Russie est dramatique »
Selon Emmanuel Dupuy, les négociations à l’œuvre sont une manière pour la Russie de gagner du temps et de reprendre la main. « Vladimir Poutine négocie, car il est en position de faiblesse », indique le chercheur. « Pour la Russie, la guerre en Ukraine c’est plus de 2 300 véhicules blindés de perdus soit plus que la bataille de Stalingrad lors de la Seconde Guerre mondiale. C’est plus d’un million de morts et aucune prise de territoire ces six derniers mois. Son pétrole se vend à moitié prix désormais et ses exportations ne cessent de diminuer ».
Et les données macroéconomiques russes l’indiquent. Son déficit budgétaire a explosé cette année dépassant de 30 % l’objectif annuel que le gouvernement s’est fixé. Avec un budget de la défense et de la sécurité qui représente un peu plus de 40 % des dépenses, l’effort de guerre assèche ses finances publiques longtemps alimentées par ses importantes exportations de gaz et de pétrole. « Sa situation économique est dramatique avec un risque pour sa cohésion sociale », indique Emmanuel Dupuy.
Mais pour le chercheur, la fin du conflit est encore loin : « Nous sommes actuellement dans un statu quo. Ce processus de négociation est un moment charnière, mais ne correspond pas à un événement conclusif », prévient-il. « Dans des négociations, il y a cette fâcheuse tendance à penser que c’est la fin d’un processus alors que ce n’est que le début ».