Plusieurs élus français escortent un convoi humanitaire pour le Haut-Karabakh toujours sous blocus de l’Azerbaïdjan
Un convoi subventionné par de nombreuses collectivités françaises doit arriver mercredi 30 août au corridor de Latchine qui relie le Haut-Karabakh à l’Arménie, mais qui est bloqué depuis le 12 décembre par l’Azerbaïdjan. Des sénateurs français dénoncent un « génocide » et une « épuration ethnique » de l’Azerbaïdjan sur les Arméniens de cette région.
Plusieurs élus locaux français sont partis en Arménie mardi 29 août pour aider à l’acheminement d’un convoi humanitaire de dix camions à destination du Haut-Karabakh, territoire peuplé en grande majorité par les Arméniens et théâtre d’un conflit meurtrier entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan depuis les années 1990. Ces élus ont répondu à l’appel du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF), relayé par la mairie de Paris.
Situation humanitaire catastrophique
Cette aide d’urgence est subventionnée entre autres par la ville de Paris, les régions Ile-de-France, Hauts-de-France, Pays de la Loire. Anne Hidalgo, la maire socialiste de la capitale, se rend vers le corridor de Latchine au sud-est de l’Arménie avec Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France, la maire écologiste de Strasbourg Jeanne Barseghian, le vice-président de la région Ile-de-France Patrick Karam, la première adjointe à la mairie de Marseille Michèle Rubirola, le sénateur socialiste de Paris Rémi Féraud, le patron des sénateurs Les Républicains (LR) Bruno Retailleau ainsi que huit autres élus selon Franceinfo.
« L’Azerbaïdjan a transformé le Haut-Karabakh en un camp de concentration, la famine s’installe et plus 120 000 personnes dont 30 000 enfants sont prises au piège », s’alarme le sénateur de la Vendée joint par Public Sénat. Il fait référence au blocus azerbaïdjanais du corridor de Latchine, seul lien entre l’enclave du Haut-Karabakh et l’Arménie, en place depuis le 12 décembre 2022. Le pays dirigé par le très autoritaire Ilham Aliev y a même érigé un checkpoint depuis avril dernier, empêchant toute circulation sans autorisation azerbaïdjanaise.
Cette installation s’est faite en dépit du cessez-le-feu signé le 10 novembre 2020 entre la Russie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan pour mettre fin à un mois d’une guerre qui a fait au moins 8 000 morts. Le document prévoyait que le couloir soit sous surveillance des forces russes de maintien de la paix et que l’Azerbaïdjan devait y garantir la circulation des citoyens et de marchandises, ce qui n’est pas le cas.
L’ancien Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Luis Moreno Ocampo dénonce même un « génocide » par la faim dans un rapport publié le 7 août dernier. « Une catastrophe se déroule sous les yeux de l’occident qui ne fait rien, abonde Bruno Retailleau. L’objectif de l’Azerbaïdjan, c’est bien l’épuration ethnique ! » Même consternation chez son collègue communiste Pierre Ouzoulias qui a publié un communiqué avec le secrétaire national du Parti Communiste Français Fabien Roussel pour appeler la France à « reconnaître la République de l’Artsakh », le nom arménien cette région. « Un génocide est en cours ! Aliev a dit aux Arméniens soit vous partez soit vous devenez citoyens azéris. Mais comment le croire ? Il n’y aura pas de reconnaissance de la culture arménienne », prévient le sénateur des Hauts-de-Seine.
Le convoi subventionné et accompagné par les élus locaux français contient des biens de première nécessité comme « du matériel pour nouveau-né, des couveuses ou de la poudre de lait maternelle », énumère Bruno Retailleau. Si aucun camion de marchandises n’est rentré dans le Haut-Karabakh depuis le 12 décembre, le chef des LR au Sénat espère que la pression médiatique permettra aux 10 camions du CCAF de franchir le corridor de Latchine mercredi 30 août. « Sinon ce sera la preuve que les Azerbaïdjanais assument leur politique d’épuration ethnique. »
« Ça m’étonnerait qu’il puisse arriver à destination tant que l’Azerbaïdjan bloque le corridor de Latchine. Un convoi humanitaire de la Croix Rouge a été empêché de traverser il y a trois semaines », rappelle Taline Ter Minassian, professeure d’histoire contemporaine de la Russie et du Caucase et directrice de l’observatoire des Etats post-soviétiques à l’Inalco. Si Bruno Retailleau espère que la pression internationale permettra de passer outre le blocus, Taline Ter Minassian juge l’option peu probable tant « la France et l’Europe sont affaiblis ».
Initiative diplomatique d’Emmanuel Macron
Le président français Emmanuel Macron s’est exprimé dans une interview au Point au sujet du conflit dans le Haut-Karabakh. Il a estimé que la France a « toujours dit être là pour la souveraineté des peuples. La question du Haut-Karabakh est compliquée, y compris pour la légalité des peuples. Je ne peux pas suivre les propos les plus jusqu’au-boutistes sur ce sujet ». Une déclaration qui a fait « bondir » Pierre Ouzoulias : « C’est une remise en question de la revendication nationale des Arméniens de l’Artsakh. Grosso modo, le président dit qu’ils ne seraient pas un vrai peuple mais une extension artificielle de l’Arménie. »
Emmanuel Macron dit aussi « se garder d’utiliser trop vite » le terme génocide pour qualifier la situation dans le Haut-Karabakh. Le chef de l’Etat affirme enfin vouloir « prendre toutes les initiatives utiles pour que des vivres, des médicaments soient acheminés et qu’un accès libre soit maintenu vers le Haut-Karabakh ». Devant les ambassadeurs, mardi 28 août, il a aussi promis une « initiative diplomatique ». L’Elysée a fait savoir que le président français s’était entretenu avec le Premier ministre arménien Nikol Pachinian et le président azerbaïdjanais Ilham Aliev ce mercredi, sans préciser le contenu de leurs échanges.
Capture Public Sénat
Cette action diplomatique coïncide avec la préparation d’une résolution française au Conseil de sécurité de l’ONU suite à une réunion sur le sujet le 16 août. L’Arménie réclame aussi l’intervention des Nations unies, une démarche qui va à l’encontre des efforts de paix selon l’Azerbaïdjan. Au-delà de la résolution que Bruno Retailleau veut voir déposée « le plus vite possible », il demande une « force d’interposition pour mettre fin au génocide ». « Il ne faut pas une initiative en essayant de ménager l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Il n’y a pas de symétrie quand on transforme tout un territoire en prison à ciel ouvert. J’attends que l’on fasse respecter le droit international et les droits de l’Homme de la même manière qu’on le fait pour l’Ukraine », expose le sénateur LR de la Vendée.
L’Union européenne « incapable » de proposer une solution politique
Parmi les obstacles à un règlement du conflit dans le Haut-Karabakh : « C’est un petit peuple qui n’a pas de gaz, donc tout le monde s’en fout », résume Pierre Ouzoulias. Le sénateur communiste explique également le désintérêt des Etats-Unis par leur volonté de « créer un glacis autour de la Russie avec l’Azerbaïdjan. Ils pensent qu’en donnant Artsakh à l’Azerbaïdjan, ils se rangeront de leur côté, mais c’est un leurre ». Bruno Retailleau, comme son collègue communiste, dénonce la position de l’Union Européenne dans ce dossier : « En concluant un accord gazier avec l’Azerbaïdjan, Mme von der Leyen (la présidente de la Commission européenne) a commis une faute politique et une faute morale. C’est aussi une faute vis-à-vis des sanctions européennes contre le gaz russe parce que le gaz azerbaïdjanais vient pour bonne partie de Russie. »
Si on connaîtra demain le sort réservé aux dix camions escortés par les élus français, Taline Ter Minassian estime que la guerre en Ukraine et le conflit dans le Haut-Karabakh « sont corrélés » et que la résolution du premier ouvrira la possibilité de résoudre le second : « La résolution passe par la Russie parce qu’il faut que le pays ait une marge de manœuvre ». La directrice de l’observatoire des Etats post-soviétique met également en garde contre les initiatives humanitaires : « Elles sont les bienvenues, mais l’Europe a tendance à réduire le problème du Haut-Karabakh au corridor de Latchine. Il ne faut pas réduire la portée du cessez-le-feu du 10 novembre 2020 qui prévoyait bien plus que l’acheminement d’aide humanitaire. » Pour la professeure d’histoire contemporaine de la Russie et du Caucase, « cela montre l’incapacité des Européens à faire prévaloir une solution politique puisqu’en 2020 elle avait été négociée par Poutine. » Après sa discussion avec Nikol Pachinian et Ilham Aliev, Emmanuel Macron a indiqué qu’ils « restent en contact dans les prochains jours ».
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