« Nous avons des contacts prévus dans les jours à venir avec les Américains, et nous comptons là-dessus pour obtenir une information complète », a expliqué le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov lors d’un point presse ce mercredi 12 mars. Après la réunion entre représentants américains et ukrainiens en Arabie saoudite et l’accord autour d’une proposition de cessez-le-feu de 30 jours, les dirigeants occidentaux attendent la réponse de la Russie. Concrètement, Kiev a approuvé la proposition américaine de trêve et a indiqué être prête à signer l’accord sur l’exploitation des minerais ukrainiens. En contrepartie, la déclaration finale de la réunion précise que les Etats-Unis rétablissent leur aide militaire à l’Ukraine. Un changement de position radical de l’administration Trump après la réception glaciale et mouvementée de Volodymyr Zelensky à la Maison blanche le 28 février.
Alors que les responsables russes affirment attendre une proposition détaillée et envisagent un contact téléphonique entre Vladimir Poutine et Donald Trump, les chances de conclusion d’une trêve restent indécises. Décryptage des principaux enjeux de la négociation avec Lukas Aubin, docteur en géopolitique et spécialiste de la Russie.
Alors que la Russie n’a pas encore exprimé de réponse claire à la proposition américaine d’un cessez-le-feu en Ukraine, est-il crédible de croire à la conclusion d’une trêve permettant d’entamer un processus de règlement du conflit ?
La réponse russe va être une indication très importante, mais il est certain que l’on n’a jamais été aussi proche d’un cessez-le-feu depuis le début de la guerre en Ukraine. Pour l’instant, ce que l’on sait sur la position russe c’est que le mois de cessez-le-feu est perçu de manière négative. Le gouvernement russe y voit un moyen pour les Ukrainiens de renforcer leurs lignes de défense et de réorganiser leurs effectifs militaires pour préparer une contre-offensive. Cependant, les Ukrainiens pensent peu ou prou la même chose et ne font pas confiance à la Russie pour le respect d’une trêve. Néanmoins, une trêve d’un mois permettrait également à la Russie de restructurer ses forces alors que la reprise de la région de Koursk mobilise des forces importantes. Par ailleurs, cela leur permettrait de renforcer la ligne de front puisque l’accord ne prévoit rien sur un retrait des troupes russes des territoires occupés.
Quels éléments pourraient convaincre la Russie d’accepter une trêve et d’aller vers une fin du conflit ?
Pour l’instant, les Russes sont sur une bonne dynamique militaire avec la reprise de la région de Koursk dont l’occupation était un levier pour les Ukrainiens dans d’éventuelles négociations sur la fin du conflit. A partir de là, la Russie va continuer, officiellement, de rechercher des objectifs maximalistes, c’est-à-dire la garantie que l’Ukraine n’adhère pas à l’Otan, la conservation des territoires occupés ou encore le départ de Volodymyr Zelensky. Ce sont toujours des conditions sine qua non pour la Russie. Néanmoins, Moscou n’est pas naïf et sait que ses objectifs peuvent difficilement être atteints.
Le maintien de cette position maximaliste peut-il être un frein au rapprochement diplomatique avec les Américains ? Accepter une trêve peut-il aussi être un moyen de conserver des bonnes relations avec Donald Trump qui a souvent repris la rhétorique russe sur le conflit en Ukraine ?
C’est effectivement la question la plus difficile pour Moscou. Le Kremlin a tout intérêt à entretenir son image, auprès de Donald Trump, d’un acteur favorable à la paix. C’est tout l’équilibre recherché par Vladimir Poutine. Tout l’enjeu pour Moscou, c’est de réussir à conserver son homme de Washington et de faire en sorte que Donald Trump reste favorable à leurs attentes. Pour l’instant, Donald Trump épouse le narratif russe au-delà des attentes de Moscou, mais on connaît les changements de position rapide du président américain. La balle est dans le camp de la Russie, mais en cas de refus de la proposition américaine on ne sait pas encore comment Washington pourrait répondre.