Kiev et les Washington se sont entendus sur le principe d’un cessez-le-feu temporaire immédiat de 30 jours en Ukraine. La balle est désormais dans le camp du Kremlin, alors que les Etats-Unis ont accepté de mettre fin au gel du soutien accordé aux Ukrainiens. « Cet accord est une bonne nouvelle s’il permet à chacun de retrouver une forme d’espoir sur le terrain. Je n’oublie pas que ce conflit a provoqué un million de morts, des destructions massives, notamment en Ukraine, notamment sur le plan énergétique », salue au micro de Public Sénat Patrick Kanner, le président du groupe socialiste au Sénat.
« Cette trêve doit être le début d’un accord de paix. Simplement, j’espère qu’elle n’a pas été négociée avec un fusil sur la tempe des Ukrainiens », ajoute l’élu, alors que les deux dernières semaines ont été marquées par la vive altercation du président ukrainien Volodymyr Zelensky avec Donald Trump, lors d’une entrevue à la Maison Blanche.
« Si les Etats-Unis s’étaient obstinés à arrêter leur aide d’information, mais aussi leur aide militaire tout court, l’Ukraine ne tenait que trois ou quatre mois et c’était le collapse derrière, avec une victoire de la Russie et l’arrivée des chars russes à Kiev », estime Patrick Kanner. « Il fallait absolument que nous trouvions un accord qui permette de respecter les engagements qui avaient été pris par le président Biden. »
Financer la protection de l’Europe et l’aide à l’Ukraine
Pour autant, la volatilité des positions américaines a agi comme un électrochoc sur les Européens, désormais mobilisés pour réarmer le continent face au risque de désengagement des Etats-Unis. Mais où trouver les fonds nécessaires ? En France, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, souhaite porter le budget de la défense nationale à 100 milliards d’euros par an lorsqu’il est d’un peu plus de 50 milliards actuellement. Alors que le président de la République s’est engagé à ne pas augmenter les impôts, de nombreux responsables politiques redoutent des coups de rabot sur les politiques sociales, dont le poids financier est régulièrement pointé du doigt, notamment par la droite.
« Je suis très opposé à l’idée que nous puissions remplacer les politiques sociales par des munitions. On ne sacrifie pas les pensions des Français pour des munitions ! », a averti Patrick Kanner, le président du groupe socialiste au Sénat, ce mercredi 12 mars au micro de Public Sénat. Pour cet ancien ministre de François Hollande plusieurs pistes sont actuellement sur la table pour dégager des fonds. « Première hypothèse, c’est le devenir des avoirs russes, 132-135 milliards d’euros qui sont gelés pour l’heure. Les bénéfices ramènent 3 milliards d’euros, ce n’est pas suffisant », pointe l’élu.
Le droit international interdit d’utiliser ces actifs – dont le montant est plutôt estimé à 190 milliards d’euros -, mais ces derniers mois Bruxelles s’est autorisée à en ponctionner les dividendes, qui ne tombent pas sous les mêmes règles, afin de financer le soutien à l’Ukraine. « Est-ce que l’on va plus loin parce que l’URSS [sic] a trahi ses engagements internationaux, ne les respecte pas ? », interroge Patrick Kanner qui estime que, dans ce contexte, le droit international ne peut plus « s’imposer à ceux qui veulent financer l’effort de guerre. »
« Patriotisme fiscal »
« Deuxièmement, la fiscalité. Moi, j’appelle à un patriotisme fiscal, y compris de celles et ceux qui étaient présents lors de l’investiture de Monsieur Trump, le 20 janvier dernier », tacle Patrick Kanner. Une pique adressée à Bernard Arnault, le patron de LVMH, qui était au Capitole de Washington pour « l’Inauguration Day » avec plusieurs membres de sa famille, et qui s’est offusqué, quelques jours plus tard, de l’augmentation de la fiscalité des entreprises en France. « Il faut que les plus aisés de nos concitoyens contribuent à l’effort national dans cette situation exceptionnelle », martèle Patrick Kanner.
« Troisièmement, nous sommes favorables, via une proposition de loi qui a été portée par le sénateur PS Rachid Temal, à la création d’un livret d’épargne défense souveraineté, qui permettrait aux Français les plus volontaires de contribuer à l’effort national », indique l’élu du Nord. Ce texte, déposé sur le bureau du Sénat il y a un peu plus d’un an, n’a pas encore été inscrit à l’ordre du jour.
« Nous changeons d’ère. Notre naïveté est derrière nous et c’est tant mieux. Finalement, Monsieur Trump montre que nous ne pouvons pas dépendre du bon vouloir des Etats-Unis, qu’il s’agisse de lui ou de son successeur éventuel », conclut Patrick Kanner. L’élu sera reçu jeudi avec les autres présidents de groupes parlementaires par le ministre des Armées, les chefs d’Etat-major et les services de renseignement pour un point sur la situation militaire.