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Reconnaissance de la Palestine : « Emmanuel Macron renoue avec la position française classique »

Après sa visite diplomatique en Egypte, Emmanuel Macron s’est dit prêt à reconnaitre l’existence d’un Etat palestinien en juin. Pour Jean-Paul Chagnollaud, professeur émérite des universités, cette annonce dépasse le symbole, elle est « éminemment politique ».
Marius Texier

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Et si la France devenait le 149e pays membres de l’ONU à reconnaître l’Etat palestinien. C’est en tout cas le chemin que semble avoir tracé le président de la République, Emmanuel Macron. De retour d’un voyage diplomatique au Caire, le président a accordé un entretien à l’émission C à Vous où il a déclaré : « On doit aller vers une reconnaissance et donc dans les prochains mois, on ira ».

Mardi dernier, lors de son voyage au Caire, Emmanuel Macron s’est rendu à Al-Arich, dans le Sinaï, à quelques kilomètres de Gaza. C’est la première fois qu’un président occidental se rendait aussi près de l’enclave depuis les attaques du 7 octobre. Le président a aussi rencontré des blessés palestiniens. Emu, il décrit « des personnes qui portaient l’au-delà de la douleur ».

« La visite mardi à proximité de Gaza a sans doute été un accélérateur dans le processus de reconnaissance », reconnaît le professeur Jean-Paul Chagnollaud. « Cette idée est dans les tuyaux depuis plusieurs mois. Il a senti que le moment était enfin venu ». L’annonce est faite dans un contexte d’intensification des frappes israéliennes à la suite du cessez-le-feu annoncé en janvier 2025, qui a permis la libération de nombreux otages israéliens et de prisonniers palestiniens. En Israël, les manifestations contre le gouvernement Netanyahu et la guerre à Gaza se poursuivent.

Reconnaissance de la Palestine en juin ?

La reconnaissance officielle pourrait survenir à l’occasion d’une conférence (sur la solution à deux États) à New York en juin, que la France coprésidera avec l’Arabie saoudite. « Il semble qu’un processus est enclenché avec l’Arabie saoudite pour sortir politiquement du conflit avec une solution à deux Etats, pointe Jean-Paul Chagnollaud. Car si on veut aller vers une solution à deux états, il faut reconnaître la Palestine ».

« Une dynamique collective »

« Mon hypothèse est qu’il y a eu des contacts avec d’autres pays pour que la France ne soit pas la seule dans ce processus de reconnaissance », suppose Jean-Paul Chagnollaud. Dans le monde, la très grande majorité des pays ont déjà reconnu l’Etat palestinien. A quelques exceptions près, la plupart des pays de l’Occident ne reconnaissent pas la Palestine. En mai 2024, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège annonçaient reconnaître l’Etat de Palestine. Quelques jours plus tard, la Slovénie suivait le mouvement.

« Cette reconnaissance est importante puisque le monde entier a déjà reconnu la Palestine sauf le cœur de l’Occident », pointe le professeur. Emmanuel Macron a déclaré vouloir participer à une « dynamique collective ». « Cette reconnaissance doit permettre aussi à tous ceux qui défendent la Palestine de reconnaître à leur tour Israël, ce que plusieurs d’entre eux ne font pas »

« Cette décision fait date »

Pour Emmanuel Macron, seule vaut la « solution politique ». « Ceux qui pensent que la réponse n’est que sécuritaire se mentent à eux-mêmes. La réponse, elle est politique », a-t-il déclaré.

Reconnaissance symbolique ou politique ? Pour Jean-Paul Chagnollaud, cela ne fait pas de doute : « Elle est éminemment politique. Cette décision fait date. Elle montre que la solution au conflit ne peut être résolue que par une décision politique. Mais pour être efficace, elle doit être accompagnée. Cela passe par un renforcement de l’autorité palestinienne qui est actuellement très fragile et par la mise en place d’élections ».

La reconnaissance de la Palestine entraîne le respect de l’intégrité territoriale d’un Etat. Or, la Cisjordanie est victime d’une annexion de son territoire par les colons israéliens. Pour l’ONU, les colonies israéliennes sont illégales au regard du droit international. Depuis 2024, elle considère même les colonies illégales comme relevant du crime de guerre. « Macron va reconnaître l’existence de la Palestine alors qu’une annexion est en cours, souligne Jean-Paul Chagnollaud. C’est un enjeu très important. Il faut rappeler que la déportation et l’annexion sont inacceptables. Nous allons assister à un véritable bras de fer politique ».

Le Sénat en faveur d’une reconnaissance de l’Etat palestinien dès 2014

Interrogé sur Europe 1, le président Gérard Larcher a rappelé son attachement à une solution à deux Etats. Il regrette cependant la décision du président de la République soulignant que les conditions d’une reconnaissance ne sont pas réunies. « Nous avons toujours des otages à Gaza, l’autorité palestinienne est extrêmement faible », pointe le président inquiet que cette décision légitime le Hamas. « J’espère que le président prendra le temps d’en débattre avec les parlementaires ».

« La reconnaissance de la Palestine est une très vieille histoire. En 2012, l’Etat palestinien était intégré à l’ONU comme Etat observateur à la suite d’un vote. Deux ans plus tard, les députés et sénateurs votaient pour également », se souvient Jean-Paul Chagnollaud. En 2014, l’Assemblée nationale et le Sénat votent en faveur d’une reconnaissance de la Palestine. A l’époque, l’exécutif n’avait pas suivi le vote.

« Reprendre l’ancrage de la position française classique »

« Macron a beaucoup évolué ces derniers mois après une position drastiquement pro israélienne, relève le professeur. Je pense que vu ce qu’il s’est passé, il a souhaité reprendre l’ancrage de la position française classique ».

Dès 1967, après la guerre des 6 jours, le général de Gaulle effectuait un revirement d’alliance en se rapprochant des pays arabes rompant ainsi son alliance avec Israël. La singularité de la politique étrangère française avec les pays arabes s’est poursuivie jusqu’à Jacques Chirac. En 1996, le président français s’était rendu en Cisjordanie pour prononcer un discours de paix. Il autorise également, en 2004, le président de l’Etat Palestinien, Yasser Arafat, à se rendre en France pour se faire soigner. Il décédera peu de temps après à Clamart.

« La France a toujours eu une relation particulière avec le monde arabe, mais cette ligne a été remise en question sous Nicolas Sarkozy et François Hollande. Là, on revient à quelque chose de plus classique. A une position française en surplomb, non-alignée avec les Etats-Unis. Une position basée sur le droit international », analyse Jean-Paul Chagnollaud.

« Un rétropédalage serait dramatique pour la crédibilité de la parole française »

Les réactions à l’annonce d’Emmanuel Macron n’ont pas tardé. Côté Rassemblement national, le député Sébastien Chenu trouve qu’Emmanuel Macron « manque de hauteur » en reconnaissant un « Etat palestinien adossé au Hamas ». Sur France Info, l’ambassadeur israélien en France, Joshua Zarka parle d’une décision « totalement irresponsable ».

A gauche, on salue la décision du président en espérant que l’annonce aboutisse. « J’attends de voir parce qu’il y a eu beaucoup de tergiversations, beaucoup d’hésitations […] J’espère que le président de la République ira jusqu’au bout », a déclaré Fabien Roussel.

« Si Emmanuel Macron effectue un rétropédalage, ce serait dramatique pour la crédibilité de la parole française. Il faut absolument qu’il aille jusqu’au bout du processus », conclut Jean-Paul Chagnollaud.

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