PSE : Ramallah : Rencontre Emmanuel MACRON et Mahmoud ABBAS
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Reconnaissance de la Palestine par la France : un « marqueur fort » à « l’intérêt politique limité »

En annonçant que la France allait reconnaître l’État de Palestine à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre, Emmanuel Macron tente de créer une dynamique et un effet d’entraînement pour les pays occidentaux. Néanmoins, les conséquences opérationnelles de cette reconnaissance devraient être limitées.
Henri Clavier

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Ça y est, après avoir repoussé une première fois la reconnaissance de l’Etat palestinien, Emmanuel Macron a finalement adressé une lettre au président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, dans laquelle il s’engage à reconnaître l’Etat de Palestine. Le président de la République a annoncé que cette reconnaissance solennelle aurait lieu en septembre lors de l’Assemblée générale des Nations Unies. Une étape éminemment symbolique alors que la Palestine est toujours en quête d’une reconnaissance internationale de son statut d’Etat. Reconnue pour 142 Etats, la Palestine n’est cependant pas membre à part entière des Nations Unies et n’y bénéficie que du statut d’observateur permanent depuis 2012.

Avec cette reconnaissance, la France devient le premier pays membre du G7 et du Conseil de sécurité des Nations Unies à reconnaître la Palestine. Avant le président de la République, le Parlement avait adopté, en 2014 une résolution reconnaissant l’Etat de Palestine.

La France veut « créer un effet d’entraînement »

Longtemps annoncé, la France devait, dans un premier temps reconnaître l’Etat palestinien à l’occasion d’une conférence conjointe avec l’Arabie saoudite en juin. Une décision reportée après le début du conflit entre l’Iran et Israël. Emmanuel Macron avait également obtenu un engagement préalable de la part du président de l’Autorité palestinienne. « Il n’y aurait sans doute pas eu l’annonce du président Emmanuel Macron si Mahmoud Abbas n’avait pas rendu public une lettre le 10 juin dans laquelle il dénonce pour la première fois explicitement le massacre du 7 octobre perpétré par le Hamas et ouvre la voie à une « refondation » de l’Autorité palestinienne demandée par le président français via de nouvelles élections », rappelle David Rigoulet-Roze, chercheur rattaché à l’institut français d’analyse stratégique et rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques.

La déclaration française peut-elle créer une dynamique pour la reconnaissance de l’Etat palestinien ? C’est en tout cas l’un des objectifs affiché par la France alors que les pays qui ne reconnaissent pas la Palestine sont essentiellement des pays occidentaux même si l’Espagne, la Norvège et l’Irlande ont reconnu le statut d’Etat l’année dernière. « Politiquement c’est un « marqueur » fort qui tient pour partie au statut de la France qui est membre du G7 et plus encore du Conseil de sécurité des Nations unies. Il y a sans doute de la part du président français l’idée de créer un effet d’entraînement, d’initier une dynamique susceptible de favoriser une synergie collective. Une forte sollicitation serait ainsi effectuée auprès du Premier ministre britannique Keir Starmer pour qu’il reconnaisse également un Etat palestinien le plus rapidement possible », analyse David Rigoulet-Roze.

A la recherche d’une dynamique perdue

En mai, Emmanuel Macron, le premier ministre Britannique et l e premier ministre Canadien, Mark Carney, avaient formulé une déclaration commune dans laquelle ils se disaient prêts à reconnaître l’État de Palestine. Le Premier ministre canadien a rappelé, ce vendredi, son appui à une solution deux États et la contribution active de son pays à la Conférence de haut niveau des Nations Unies sur la solution à deux États qui se tiendra à partir du 28 juillet et à laquelle devraient participer les ministres des affaires étrangères de plusieurs Etats occidentaux, notamment le Canada et l’Australie.

Néanmoins, même en cas de reconnaissance par un nombre croissant de pays occidentaux la route serait encore très longue pour pouvoir obtenir le statut d’Etat membre des Nations Unies. « La France reste une grande voix au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cela va résonner haut et fort en faveur de la reconnaissance de l’État palestinien, mais je ne pense pas que cela puisse entraîner une dynamique au niveau des Nations Unies », pointe Romuald Sciora, chercheur associé à l’IRIS et spécialiste des Nations Unies.

Afin d’intégrer les Nations Unies, un Etat doit d’abord adresser une demande au Secrétariat général des Nations Unies qui, une fois validée, doit ensuite être approuvée par l’Assemblée générale le Conseil de sécurité. « En l’état actuel, la Palestine ne peut pas accéder au statut d’État membre de l’ONU. Il faudrait un changement radical de la position américaine, ce qui n’est pas envisageable avec l’administration Trump », explique Romuald Sciora.

Les déclarations de reconnaissance n’ont aucune incidence sur le terrain

La reconnaissance d’un État palestinien par l’Onu pourrait se heurter à un autre écueil avant même un éventuel véto américain au sein du Conseil de sécurité. En effet, compte tenu du conflit et de la colonisation israélienne en Cisjordanie, la Palestine remplit difficilement les critères constitutifs d’un État, c’est-à-dire l’existence d’une population, un territoire identifié et délimité ainsi qu’une autorité gouvernementale délimitée. « Il y a un décalage immense entre les déclarations d’Emmanuel Macron et la réalité. Il va reconnaître un Etat de Palestine au moment où il n’y a plus de possibilités d’administrer concrètement le territoire revendiqué par l’Etat de Palestine. Surtout qu’en parallèle, la Knesset a largement adopté, hier, une résolution, certes non contraignante mais qui prévoit l’annexion de la Cisjordanie », avance François Ceccaldi, docteur en études politiques de l’EHESS, chercheur associé à la Chaire d’Histoire contemporaine du monde arabe au Collège de France. « Factuellement la « solution à deux Etats » apparaît de plus en plus difficile à réaliser compte tenu du grignotage territorial continu de la Cisjordanie par la colonisation », abonde David Rigoulet-Roze.

Néanmoins, comme l’écrit Emmanuel Macron dans sa lettre, la reconnaissance de la France est envisagée comme un marqueur de la « mobilisation de la France en faveur d’une solution à deux Etats ». « C’est assez relatif, l’intérêt politique est limité et les déclarations de reconnaissance n’ont aucune incidence sur le terrain. Il faudrait que ce soit un mouvement massif pour produire des effets, il faudrait que cette déclaration s’accompagne d’actions plus concrètes comme la dénonciation de l’accord d’association entre l’UE et Israël par exemple », juge François Ceccaldi. A l’heure où un nombre croissant d’ONG et le président de l’Organisation mondiale de la santé alertent sur la famine en cours à Gaza « cela permet de signifier que la stratégie du fait accomplie en termes d’annexion ne saurait être validée par la France », estime David Rigoulet-Roze.

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