PSE : Ramallah : Rencontre Emmanuel MACRON et Mahmoud ABBAS
Entretien du Président Français, Emmanuel Macron avec Mahmoud Abbas, chef de l'Autorité palestinienne, le 24 octobre 2024.

Reconnaissance de l’Etat de Palestine par Macron : la droite fustige « la duplicité du président », la gauche salue une décision « moralement nécessaire »

Emmanuel Macron profitera de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre pour annoncer la reconnaissance d’un Etat palestinien par la France. L’aile droite du socle gouvernemental dénonce une décision précipitée qui ne respecte pas certains des engagements pris le chef de l’Etat. La gauche salue une étape décisive pour la mise en place d’une solution « à deux Etats ».
Romain David

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Le président de la République a tranché : la France va reconnaître l’Etat de Palestine. Elle le fera officiellement en septembre, à l’Assemblée générale des Nations unies, a annoncé Emmanuel Macron sur ses réseaux sociaux jeudi soir. Le chef de l’Etat appelle à un « cessez-le-feu feu » immédiat à Gaza et à la libération de tous les otages retenus par le Hamas. Il estime par ailleurs que la construction d’un Etat palestinien démilitarisé, et qui « reconnaisse pleinement » Israël, « participera à la sécurité de tous au Proche-Orient ».

« Le Hamas a toujours refusé la solution à deux Etats. En reconnaissant la Palestine, la France donne tort à ce mouvement terroriste. Elle donne raison au camp de la paix contre celui de la guerre », a souligné sur X le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot.

La France coprésidera en septembre, avec l’Arabie saoudite, une conférence internationale réunissant différents chefs d’Etat et de gouvernement autour de la solution « à deux Etats », notamment soutenue par Paris depuis la résolution du 29 novembre 1947. Cette réunion devait initialement se tenir en juin, avant d’être reportée.

Ce vendredi, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a vivement condamné la position française, estimant qu’« elle récompense la terreur ». De vives critiques se sont également fait entendre du côté des Etats-Unis, alliés historiques de Tel-Aviv. « C’est un camouflet pour les victimes du 7 octobre », a déclaré le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio.

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« C’est trahir les Juifs de France »

La reconnaissance annoncée de l’Etat de Palestine a également suscité de nombreuses réactions sur la scène politique intérieure, et parfois très vives du côté du socle gouvernemental. Sur son compte X, le maire de Nice Christian Estrosi, ex-LR désormais membre d’Horizons, le parti d’Edouard Philippe, estime que « le Président se trompe d’approche et de stratégie ». « Reconnaître un État palestinien aujourd’hui, c’est offrir au Hamas la victoire qu’il espérait le 7 octobre. C’est trahir les Juifs de France, la démocratie israélienne et les civils palestiniens, otages et victimes de l’islamo-terrorisme », écrit l’édile.

« Je me souviens d’un Emmanuel Macron qui voulait organiser une coalition internationale anti-Hamas. Aujourd’hui, Emmanuel Macron est félicité par le Hamas », a raillé le vice-président des Républicains, François-Xavier Bellamy au micro de RTL. Sur son compte X, Laurent Wauquiez, le président du groupe LR à l’Assemblée nationale, estime « qu’il n’y aura pas de paix au Proche-Orient avec les terroristes islamistes du Hamas ».

« Sur place, cette décision n’aura aucun effet »

Auprès de Public Sénat, le sénateur LR Roger Karoutchi, président du groupe France-Israël au Palais du Luxembourg, fustige « un échec moral, politique et intellectuel ». « Ma première réaction, c’est l’exaspération par rapport à la duplicité du président de la République et du Premier ministre », explique l’élu. « Ils avaient fixé quatre conditions à la reconnaissance d’un Etat palestinien : la libération de tous les otages ; l’éviction totale du Hamas ; le renouvellement de l’Autorité palestinienne et la reconnaissance d’Israël par l’ensemble des Etats arabes voisins. Aujourd’hui, aucune de ces quatre conditions n’est remplie », cingle-t-il. « Ces conditions nous semblaient tout à fait équilibrées, aujourd’hui elles ont manifestement été oubliées », soupire son collègue Christian Cambon, représentant spécial du président du Sénat pour les Relations internationales.

« Je ne me fais aucune illusion. Sur place, cette décision n’aura aucun effet si ce n’est celui de tendre encore un peu plus les relations franco-israéliennes », poursuit Roger Karoutchi, alors que la France pourrait miser sur un effet d’entraînement diplomatique pour contraindre le gouvernement israélien à infléchir sa politique.

Dans un communiqué des Républicains, la droite rappelle qu’elle « a toujours été favorable à la reconnaissance d’un Etat israélien », suivant la tradition gaulliste, mais regrette le tempo présidentiel. « La France doit renouer avec sa capacité à être une puissance d’équilibre : si la sécurité d’Israël n’est pas négociable, la reconnaissance de l’Etat palestinien en peut se faire à n’importe quel prix », écrit le parti de Bruno Retailleau.

« Cette décision légitime les massacreurs du 7 octobre et leur cortège de souffrances, alors même que des otages sont toujours détenus », s’indigne Marine Le Pen sur les réseaux sociaux. « Elle constitue donc une faute politique et morale, y compris à l’égard des Palestiniens qui subissent le joug du Hamas. » Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, brocarde « une décision précipitée, davantage motivée par des considérations politiques personnelles que par une sincère recherche de justice et de paix. »

« La voix de la France pèse encore »

Actuellement, douze pays sur les 27 que compte l’Union européenne reconnaissent la Palestine comme un État souverain : la Hongrie, la Pologne, la Bulgarie, la Roumanie, la Tchécoslovaquie, Chypre et Malte l’on fait il y a une trentaine d’années. Et plus récemment : l’Espagne, l’Irlande et la Slovénie. À cette liste, on pourrait ajouter la Norvège qui n’appartient pas à l’UE. Au total, 148 pays sur les 193 membres de l’Organisation des nations unies reconnaissent l’Etat palestinien.

« La France sera le seul membre du Conseil de sécurité de l’ONU à appuyer cette reconnaissance, c’est quelque chose qui compte », salue Cécile Cukierman, la présidente du groupe communiste au Sénat. Son homologue écologiste, Guillaume Gontard, abonde : « Le mot que j’ai envie de dire c’est : enfin ! Cette décision va envoyer un signal que l’on sous-estime. Même si notre influence diplomatique a beaucoup reculé, la voix de la France pèse encore ! »

En 2014, le Parlement français avait déjà adopté une résolution socialiste reconnaissant l’Etat de Palestine, un vote permis au Sénat grâce à l’éphémère basculement de la Haute Assemblée à gauche. « La reconnaissance du peuple palestinien dans ses frontières de 1967 est indispensable et logique par rapport à la position française. Comment voulez-vous défendre une solution à deux Etats si vous ne reconnaissez pas l’un de ces deux Etats ? », explique encore Guillaume Gontard, co-auteur d’un rapport du Sénat sur « le processus de paix » au Moyen-Orient. « La reconnaissance de l’Etat palestinien ne doit pas être une fin en soi. La suite, c’est ce qu’on met en place pour régler la situation. On est face à un Etat génocidaire qui ne respecte pas le droit international. Pour nous, écologistes, cela doit passer par des sanctions vis-à-vis du gouvernement israélien et un travail sur la question démocratique en Palestine. On a une génération entière qui n’a jamais voté », explique-t-il.

« Pourquoi en septembre et pas maintenant ? »

« Cette décision moralement et juridiquement nécessaire représente une nouvelle étape vers le chemin d’une solution à deux Etats vivant durablement en paix et en sécurité, condition sine qua non à la stabilité du Proche et du Moyen-Orient », salue le groupe socialiste de l’Assemblée nationale dans un communiqué de presse.

« La solution a deux Etats, c’est beau sur le papier, mais sur place la situation est bien plus compliquée », nuance toutefois la sénatrice PS Gisèle Jourda, présidente du groupe France-Palestine. Cette élue « attend de voir ce que donnera le sommet de septembre ». « Je suis comme Saint Thomas, je ne crois que ce que je vois », explique-t-elle. Avant d’ajouter : « J’espère qu’au moment où cette reconnaissance sera officialisée, il restera encore des Gazaouis dans la bande de Gaza… »

Du côté de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon fait montre, lui aussi, d’une certaine réserve : « Pourquoi en septembre et pas maintenant ? Et l’embargo sur les armes ? Et la rupture de l’accord de coopération ? », interroge le tribun sur le réseau social X. « La France souhaite avec cette reconnaissance imposer des conditions de démilitarisation à un peuple qui subit colonisation et occupation depuis des décennies tout en continuant à armer l’Etat qui colonise, occupe et qui désormais génocide en toute impunité », dénonce pour sa part l’eurodéputée insoumise Rima Hassan.

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