Réélection de Poutine : « C’est un simulacre », dénonce l’historien Antoine Arjakovsky

Réélu ce week-end pour un cinquième mandat à la tête du Kremlin, Vladimir Poutine est à la tête d’un Etat de plus en plus fragile, raison pour laquelle il accélère son tournant autoritaire, selon Antoine Arjakovsky
Rédaction Public Sénat

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Au pouvoir depuis un quart de siècle, Vladimir Poutine a été reconduit à la tête de l’Etat russe pour un cinquième mandat, réélu au premier tour via un score pharaonique – 87%, selon les premiers résultats officiels. Un leurre, selon l’historien Antoine Arjakovsky : “Ce ne sont pas des élections, c’est un plébiscite. C’est la plus grande opération de propagande de la présidence russe depuis l’élection de Poutine en 2000”. Et l’historien de déplorer la crédulité des médias occidentaux : “C’est la règle numéro un de la propagande : plus c’est gros, plus ça marche. Ce qui est terrible c’est qu’en Occident, on prend, ça marche. Hier j’étais sur les plateaux de télévision, on parlait du “sacre” de Vladimir Poutine”.

« Dernières heures »

 

Agé de 71 ans, Vladimir Poutine faisait face à trois candidats triés sur le volet et sans envergure. L’opposition a été décimée par des années d’une répression qui s’est encore accélérée avec le conflit en Ukraine et la mort, dans des circonstances troublantes, d’Alexeï Navalny dans une prison de l’Arctique en février. Pour Antoine Arjaskovsky, la question ne fait aucun doute. La Russe s’est au fil des années transformée en un régime « totalitaire », et les dernières élections n’apportent aucune légitimité à Vladimir Poutine : « Il n’y a pas de médias indépendants en Russie, il n’y a pas d’observateurs, les opposants sont mis en prison, voire assassinés ». L’historien considère que prendre au pied de la lettre les résultats communiqués par Moscou revient à faire le jeu de Poutine : « On ne peut pas reconnaître ce simulacre parce que sinon on rentre dans le jeu de la propagande ». Mais face à toute la propagande de Moscou, Antoine Arjaskovsky perçoit des failles. « Est-ce que vous avez vu des images de liesse hier soir ? », demande l’historien, pour qui le Kremlin échoue désormais à mobiliser le peuple. « Ils ont cherché à organiser un rassemblement au stade Loujniki, ils n’y sont pas parvenus. Le stade fait 80 000 places. Le gouvernement qui prétend avoir plus de 80 % d’électeurs le soutenant n’est pas capable de remplir un stade de 80 000 places ». Antoine Arjaskovsky note d’ailleurs les nombreuses manifestations d’hostilités au pouvoir mises en place par les opposants de Vladimir Poutine, à commencer par le fait de venir en masse voter à midi pile. Pour l’historien, la propagande du Kremlin et la communication maximaliste concernant la victoire de Poutine à la présidentielle russe sont justement le signe de sa fébrilité. « C’est pour en rajouter. Cela fait penser aux dernières heures de Ceausescu, aux dernières heures des régimes totalitaires ».

« Dissuasion crédible »

 

Cette élection s’est tenue tandis que la Russie poursuit sa guerre contre l’Ukraine et tente, via sa propagande et ses relais en Europe, de garder la face. En proie aux sanctions de l’Occident, Moscou communique régulièrement sur sa bonne santé économique, ou encore sa popularité parmi les pays du « Sud global ». Mais Vladimir Poutine demeure toujours aussi déterminé à vaincre l’Ukraine, et selon Antoine Arjaskovsky, le leader russe menace une bonne partie du reste de l’Europe. « On ne peut rien demander à la Russie aujourd’hui. Il faut adopter un discours de fermeté conséquent et durable ». Dans cette optique, l’historien salue le virage pris par le président Français : « Pour gagner la paix, il faut pouvoir être capable d’assumer un discours de dissuasion crédible, et c’est ce que fait Emmanuel Macron ».

Et Antoine Arjaskovsky de regretter la naïveté d’une bonne partie de l’opinion publique sur la menace et les attaques bien concrètes de la Russie. « Nous devons enfin prendre conscience que nous sommes nous-mêmes attaqués. 800 sites de l’Etat français ont été attaqués le week-end dernier. Des dizaines de millions de données de Français volées par des Russes. La Russie nous mène une guerre hybride qui ne s’arrête pas à la cyberguerre. C’est aussi une guerre de propagande, explique l’historien, regrettant l’absence de véritable « contre-attaque ».

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