Madama: Patrouille Franco-Nigerienne

Retrait des troupes françaises : « Le Mali, le Burkina et le Niger s’exposent à un risque croissant de victoire des djihadistes »

Dimanche 24 septembre, Emmanuel Macron annonçait, suite à la prise de pouvoir de la junte militaire, le retrait des 1 500 soldats français présents au Niger. Un départ historique après l’intervention de l’armée française au Mali en 2013. Explications des enjeux avec François-Xavier Freland, ancien correspondant de France 24 au Mali, reporter en Afrique pour Jeune Afrique et auteur de « Mali, au-delà du jihad » aux éditions Anamosa en 2017.
Henri Clavier

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Quelles sont les conséquences directes du retrait des troupes françaises au Niger ?

Pour la France, quitter le Niger sera aussi difficile que l’évacuation des troupes au Mali où cela avait mis plusieurs mois. Néanmoins, d’ici là il peut encore se passer beaucoup de choses dans un pays où la junte n’est pas tout à fait stabilisée. La situation au Niger n’est pas forcément définitive, il y a effectivement un sentiment anti-français, principalement à Niamey mais plus faible qu’il ne l’était au Mali ou au Burkina Faso au moment des coups d’Etat. La propagande russe fait effet, mais une grande partie de la population, qu’il est difficile d’entendre dans les médias, ne partage pas le sentiment anti-français.

Ou seront évacuées les centaines de soldats français présents ?

Le lieu de repli des troupes reste à déterminer. La France dispose de plusieurs bases dans la région, notamment à N’Djaména au Tchad. La probabilité de voir le contingent français présent au Niger rejoindre le Tchad est faible. Le départ du Mali et l’installation des forces françaises de Barkhane vers le Niger ont largement affaibli le pouvoir du président Mohamed Bazoum et suscité une montée du rejet de la France. Si on exclut le Tchad donc, il ne reste plus beaucoup de possibilités de retrait pour l’armée française, à part le Sénégal ou la Côte d’Ivoire. On peut aussi tabler sur une dispersion des effectifs entre les différentes bases françaises et une remise en question de la stratégie militaire française dans la région.

Quelles vont être les conséquences sur le terrain, en particulier par rapport à la menace djihadiste ?

Le Mali connaît déjà de grosses difficultés pour contenir la menace terroriste qui monte fortement au nord. La zone est totalement déstabilisée et le Mali, le Burkina et le Niger s’exposent à un risque croissant de victoire des djihadistes. Partout au Sahel, les forces islamistes connaissent une progression fulgurante et, surtout, se retrouvent face à des armées en perdition qui ne sont pas du tout en mesure d’endiguer cette avancée. C’est tout particulièrement vrai pour le Niger qui est cerné par la menace terroriste avec Boko Haram au sud, l’Etat islamique dans le grand Sahara à l’ouest (EIGS) et Al-Qaïda au nord. Le président Bazoum assumait d’ailleurs le soutien de la France et rappelait qu’il s’agissait du meilleur moyen de lutter contre le djihadisme. Le retrait de l’armée française a probablement été accepté en échange de la libération du président Bazoum.

Une aubaine pour la diplomatie russe et l’implantation du groupe Wagner dans la région ?

La junte collabore déjà avec la Russie et ses mercenaires. Même si la Russie n’a plus les moyens d’il y a 3 ou 4 ans, elle peut s’appuyer sur une capacité de propagande importante, même si elle est parfois grossière. Un avantage est que le message s’adresse à des populations parfois versatiles au sein desquelles le rejet de la France est important. La France a elle-même fragilisé sa position au Sahel. En ce sens, les médias français, surtout ceux dont la diffusion est internationale, ont un peu contribué à ce désamour en évoquant continuellement depuis 2013, la présence de la France au Mali comme celle d’une armée néo-coloniale. A mon avis c’est une erreur, au vu du recul de nos intérêts économiques dans la zone et du peu d’écho que trouve notre diplomatie dans la zone, la Françafrique n’existe plus depuis un certain temps.

Quelles sont les conséquences pour les Etats-Unis qui disposent d’une base militaire à Agadez dans le centre du pays ?

Les Etats-Unis pourraient également finir par se retirer. Les opérations américaines dans la zone ne sont pas de la même nature que celles de la France. Les Etats-Unis effectuent principalement des missions de renseignements dans la zone et certaines actions très ciblées contre les leaders des groupes terroristes. Cependant si les différents États du Sahel tombent aux mains des islamistes, les Etats-Unis quitteront la région, un peu comme en Afghanistan.

 

 

 

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