Russia Ukraine War
A couple sit in front of their house destroyed by a Russian strike in Zaporizhzhia, Ukraine, Tuesday, Aug. 27, 2024. (AP Photo/Andriy Andriyenko)/MAL101/24240573661385//2408271802

Russie : « La percée ukrainienne est une humiliation pour Vladimir Poutine»

Ce mercredi, le Conseil Otan-Ukraine se réunit à la suite des frappes russes massives lancées lundi et mardi sur les villes et infrastructures ukrainiennes. Dans la foulée de ces dernières, Volodymyr Zelensky a réclamé l'aide des voisins européens pour détruire les vagues de drones russes, alors que dans le même temps Kiev perd du terrain à l’est du pays. Le Général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale, estime que le temps presse pour les belligérants, car l’hiver va bientôt venir « geler » les positions sur le front.
Steve Jourdin

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Lundi, la Russie a mené l’attaque la plus massive depuis le début du conflit. 15 régions d’Ukraine ont été ciblées par un total de 236 missiles et drones selon Kiev. Est-on en train de passer un pallier dans l’offensive russe ?

Vladimir Poutine veut punir l’Ukraine ! Il n’y a aucune ouverture au dialogue de la part de Moscou, aucun compromis ne semble possible. Les conditions que posent Poutine à l’Ukraine sont insupportables : il demande la neutralisation, la démilitarisation et la confiscation de territoires ukrainiens, ce qui signifierait tout simplement la capitulation de Kiev. La Russie ne parvient pas à gagner sur le champ de bataille, donc il s’agit aujourd’hui de punir les Ukrainiens en menant des frappes sur l’ensemble du territoire. Les infrastructures énergétiques sont particulièrement visées, avec pour objectif de briser l’effort de guerre ukrainien.

L’Ukraine dit avoir abattu 201 des 236 engins aériens lancés par la Russie. Est-ce que cela signifie que la défense ukrainienne est en train de monter en puissance ? 

Les installations électriques ukrainiennes ont été délibérément visées. L’idée est évidemment de porter un coup à la production d’électricité et de perturber la vie des civils, mais derrière cela il y a surtout la volonté de frapper l’économie ukrainienne. En revanche, la Russie sait qu’il ne faut pas aller trop loin : si elle venait à s’en prendre à des centrales nucléaires, l’Occident ne pourrait pas l’accepter.

D’un point de vue militaire, les installations électriques ukrainiennes sont aujourd’hui défendues par un système sophistiqué, par des missiles sol-air et des canons anti-aérien. Le problème est que les Ukrainiens n’ont pas suffisamment de moyens pour couvrir l’ensemble du territoire, qui s’étend sur plus de 600 000 km2 ! Il y a donc des choix à faire et des priorités à établir. Il est impossible de défendre la totalité de l’espace aérien et certaines zones sont donc laissées à découvert.

Volodymyr Zelensky a appelé les Occidentaux à autoriser son pays à utiliser leurs armes à longue portée contre la Russie. Pourquoi s’agit-il d’une ligne rouge pour les pays occidentaux ?

Il y a la crainte d’une escalade. Si une munition occidentale venait à frapper la Russie et faisait des victimes civiles, Moscou en profiterait pour alimenter sa machine à propagande, en faisant croire que l’Otan attaque effectivement la Russie. Cela pourrait servir à manipuler les opinions publiques. Mais la réalité est que ces armes à longue portée pourraient permettre à l’Ukraine de frapper des cibles militaires russes en profondeur, par exemple des lieux d’où partent aujourd’hui les bombardiers russes en direction du territoire ukrainien.

Aujourd’hui, Kiev n’a par exemple pas les moyens de détruire une piste de décollage de base aérienne, car la charge d’un drone n’est pas suffisamment puissante. Elle permet simplement d’endommager certaines infrastructures qui sont rapidement réparées. Les Ukrainiens demandent donc de pouvoir frapper plus loin et plus fort sur le territoire russe, afin de disposer d’un moyen de pression supplémentaire dans la guerre.

Où en est-on dans le rapport de force entre les deux belligérants, est-ce que la Russie progresse toujours dans l’est de l’Ukraine ?

L’armée russe avance, grignote toujours du territoire dans le Donbass et se rapproche désormais de Kramatorsk, la grande ville de 100 000 habitants. L’objectif aujourd’hui est de gagner un maximum de terrain avant l’hiver. Il reste deux mois « utiles » avant les pluies de l’automne qui vont figer les manœuvres militaires, d’un côté comme de l’autre. Chaque camp essaye donc de marquer des points le plus rapidement possible. Il y a aussi un calendrier politique et géopolitique, avec les élections américaines du 5 novembre. L’offensive ukrainienne du début du mois d’août sur le territoire russe a ainsi été préparée et lancée à un moment où Kamala Harris n’était pas encore candidate et où Zelensky craignait un retour de Trump à la Maison Blanche, ce qui aurait pour conséquences d’affaiblir la voix de l’Occident face à la Russie. Il s’agissait pour Kiev de prendre des territoires en gage en attendant l’ouverture d’éventuelles négociations avec Moscou.

Précisément, quel est l’objectif ultime de la percée ukrainienne surprise lancée le 6 août sur cette région frontalière russe de Koursk, voisine de celle de Belgorod ?

Les Ukrainiens ne souhaitent pas aller jusqu’à Moscou, ils sont réalistes dans leurs objectifs militaires. Ils contrôlent désormais 100 localités sur une superficie de 1 200 km2. L’idée est d’avoir le plus d’atouts en main pour arriver en position de force le jour où des négociations seront enclenchées entre les parties. Toute la difficulté est de savoir jusqu’où l’armée ukrainienne peut s’installer dans la profondeur. Un trop long étirement logistique peut fragiliser le dispositif militaire. Il faut aussi s’occuper de la population russe qui est désormais sous contrôle ukrainien, en montrant par exemple que contrairement à la propagande du Kremlin, les troupes de Kiev ne sont pas de « néo-nazis ». D’un point de vue général, cette percée ukrainienne est une humiliation pour Vladimir Poutine, dont « l’opération spéciale » enclenchée en février 2022 ne s’est jamais déroulée comme prévu.

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