Le Senat, Paris.

Sahara occidental : la délégation du Sénat au Maroc se défend de toute « hostilité », vis-à-vis de l’Algérie

Après la visite d’une délégation de la chambre haute conduite par Gérard Larcher dans la ville de Laâyoune, dans le Sahara occidental où la France a reconnu la souveraineté du Maroc, le Sénat algérien a annoncé suspendre ses relations avec le Sénat français. Alors que les tensions entre les deux pays sont au plus haut, la délégation sénatoriale assure ne pas avoir voulu envenimer les relations diplomatiques.
Simon Barbarit

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C’est un « acte inacceptable » qu’a dénoncé le Conseil de la nation, équivalent du Sénat en Algérie, après la visite d’une délégation de sénateurs conduite par Gérard Larcher dans la ville de Laâyoune dans le Sahara occidental, le 25 février. Dénonçant une « visite irresponsable, provocatrice et ostentatoire, le bureau du Conseil de la Nation, sous la présidence de Salah Goudjil, a annoncé la suspension immédiate de ses relations avec le Sénat de la République française », est-il précisé dans un communiqué. « Dans une dérive d’une extrême gravité, reflétant la montée de l’extrême droite française et sa domination sur la scène politique, le président du Sénat français a effectué une visite dans la ville de Laâyoune occupée », a tancé, en outre, le Sénat algérien.

Pour mémoire, en juillet dernier, Emmanuel Macron avait acté, dans un courrier adressé au roi du Maroc Mohammed VI, un revirement majeur de la diplomatie française au Maghreb, en reconnaissant, comme une vingtaine de pays européens, la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Le Sahara occidental est une ancienne colonie espagnole, située au sud du Maroc, qui est en conflit avec le royaume depuis 1975 et revendique son droit à l’autodétermination. Si le territoire est contrôlé de facto par le Maroc, les indépendantistes du Front Polisario, soutenus par l’Algérie, réclament l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Après des combats entre 1975 et 1991, la conclusion d’un cessez-le-feu prévoyait une consultation sur l’autonomie du territoire.

« Le Sénat algérien suspend ses relations avec nous mais ne les rompt pas »

Le positionnement de la France sur ce dossier a autant réchauffé ses relations avec le Maroc qu’elle n’a refroidi celles avec l’Algérie. Et les tensions entre les deux Etats ont encore franchi un cap cette semaine avec la menace de François Bayrou de remettre en cause l’accord franco-algérien de 1968 (lire notre article). Pour autant, le timing de cette visite de la délégation du Sénat venue « incarner la position de la République française sur le dossier du Sahara occidental », comme l’a rappelé Gérard Larcher sur X, n’a pas été choisi à dessein. « Vous vous doutez bien qu’un voyage comme celui-ci ne se prépare pas en une semaine. Il était d’ailleurs prévu que nous nous rendions au Maroc cet été. La dissolution nous a amenés à décaler. Il ne s’agissait pas pour nous de faire de la surenchère. Lors de ses nombreux entretiens, Gérard Larcher n’a eu aucune parole hostile vis-à-vis de l’Algérie. Ce n’était pas l’objectif de notre visite. Mais la France est un pays souverain dont les choix doivent être respectés », précise Christian Cambon (LR), président du groupe d’amitié France-Maroc qui a fait partie de cette délégation. En ce qui concerne la réaction du Sénat algérien, Christian Cambon estime « qu’il ne pouvait pas faire moins ». « Je note, toutefois, que le Sénat algérien suspend ses relations avec nous mais ne les rompt pas. Les mots ont un sens, surtout en diplomatie. Et en réalité, les relations entre le Sénat français et le Sénat algérien sont au point mort depuis déjà un certain temps ».

On peut, en effet, dater les derniers échanges significatifs entre les deux chambres hautes au 14 juin 2019, à l’occasion de la XXe réunion des Sénats d’Europe. Salah Goudjil, le président du Conseil de la nation, avait d’ailleurs été le premier intervenant à prendre la parole à la tribune de l’hémicycle du Palais du Luxembourg.

« Je sais bien que les relations sont compliquées en ce moment entre nos deux pays. Mais je regrette cette décision », indique la sénatrice socialiste Corinne Féret, vice-présidente du groupe d’amitié France-Maroc, elle aussi membre de la délégation. « Je ne doute pas que nos relations reprennent rapidement avec l’Algérie. Les délégations parlementaires sont justement là pour dialoguer sur les sujets qui fâchent. Je ne vois pas de raison de maintenir cette situation de tension entre nos deux Parlements », ajoute-t-elle.

« Nous avons besoin d’une intervention forte d’Emmanuel Macron »

Rachid Temal, sénateur socialiste et président du groupe d’amitié France-Algérie considère lui aussi « que la démocratie parlementaire a toute sa place, surtout lorsque les relations entre les deux pays sont complexes ». Le sénateur du Val d’Oise est inquiet après avoir entendu le Premier ministre suivre la voie plébiscitée par son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, celle d’une dénonciation de l’accord migratoire de 1968. « Il faut arrêter de faire croire que nos frontières sont grandes ouvertes pour les Algériens. Il n’y a qu’à voir les queues devant les consulats. Et quelle est la prochaine étape ? Rompre nos relations avec l’Algérie ? La France n’aurait aucun intérêt à le faire. Les relations diplomatiques ne se limitent pas à des intérêts partisans. Les exportations françaises vers l’Algérie représentent 7 milliards d’euros, notamment des produits agricoles, du blé, des bovins. Les exportations algériennes vers la France représentent, elles, 7 milliards d’euros. Ce qui se passe en ce moment à un impact pour nos agriculteurs et nos entreprises, mais aussi pour nos services de renseignements », appuie-t-il avant d’ajouter. « Le Premier ministre a pointé du doigt l’accord migratoire avec l’Algérie mais aussi celui qui nous lie avec le Royaume-Uni, et pourtant il n’est pas question de rompre nos relations avec les Britanniques. Nous avons besoin d’une intervention forte d’Emmanuel Macron pour retrouver des relations normales avec l’Algérie ».

De l’autre côté de l’échiquier politique, la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio juge que la question du Sahara occidental « n’est qu’un prétexte utilisé par les Algériens pour humilier la France ». « J’entends François Bayrou mais aussi la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas indiquer que la France ne veut pas d’escalade avec l’Algérie. Mais c’est l’Algérie qui provoque cette escalade en refusant de reprendre ses ressortissants que nous voulons éloigner de notre territoire ».

La question des relations franco-algérienne sera à l’agenda du Sénat, mardi 4 mars, lors d’un débat sur l’accord migratoire de 1968.

 

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