Germany Munich Security Conference

Sécurité : « Munich 2025 peut être un moment historique pour la future paix du monde… ou son futur chaos »

La conférence de Munich sur la sécurité prend cette année un enjeu particulier, au moment où Donald Trump entend obtenir la paix en Ukraine avec Vladimir Poutine. « Il est vraiment temps que la guerre s’arrête, mais pas à n’importe quel prix », avertit la sénatrice PS Hélène Conway-Mouret, présente à Munich. Elle s’étonne que le président américain « donne des billes à ses interlocuteurs avant la négociation », en acceptant les demandes russes.
François Vignal

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C’est le rendez-vous annuel sur la sécurité dans le monde. La conférence de Munich sur la sécurité (MSC, pour Munich Security Conférence) s’est ouverte ce vendredi, jusqu’à dimanche. Organisée chaque année dans la capitale bavaroise, il s’agit de la 61e édition. Ce sommet international est un peu le Davos de la sécurité où tous les pays se retrouvent pour parler des grands enjeux de sécurité, de manière officielle ou plus discrète.

« L’ensemble du monde converge à Munich », raconte Hélène Conway-Mouret

Présente sur place depuis plusieurs années, la sénatrice PS Hélène Conway-Mouret, vice-présidente de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, y est invitée. « Il y a les plénières où la parole est publique, et des tables rondes, qui elles sont à huis clos. Les gens s’y parlent librement, honnêtement. J’en ai cinq aujourd’hui », explique la sénatrice représentant les Français établis hors de France, qui suit notamment de près les questions liées à la défense européenne. Des rencontres qui prennent aussi la forme d’un « speed dating d’un quart d’heure », raconte la socialiste, avec « énormément de rencontres informelles organisées en parallèle ».

Bref, « ça discute beaucoup ». Et cette année est particulière. « Munich 2025 peut être un moment historique pour la future paix du monde… ou le futur chaos du monde », lance la socialiste, qui parle de « réunion historique, dans le sens où l’ensemble du monde converge à Munich. Il y a des délégations qui viennent de tous les pays ».

Dans cet événement couru, sans surprise, « il y a toujours une très forte participation américaine, car ça a été conçu pour renforcer la relation transatlantique. Et au vu de ce qu’il se passe depuis l’élection de Donald Trump, ce genre de réunion est absolument essentielle. D’abord pour que les Américains comprennent comment nous fonctionnons. Je pense que la nouvelle administration n’a peut-être pas une connaissance de l’Europe aussi forte. C’est très important qu’ils nous entendent », souligne Hélène Conway-Mouret, qui est par ailleurs rapporteur des crédits « équipement des forces armées françaises », lors du budget.

« Il y a 20 ans, on estimait qu’il y avait 30 conflits dans le monde. Aujourd’hui, il y en a 120 », souligne Cédric Perrin

Le monde n’est plus celui qu’on a connu. L’état des relations internationales est marqué aujourd’hui par l’incertitude. La guerre ne semble plus être l’exception. « Il y a 20 ans, on estimait qu’il y avait 30 conflits dans le monde. Aujourd’hui, il y en a 120. Ça démontre qu’on est dans un monde de plus en plus dangereux et il faut que tout le monde soit informé de la situation et prêt à y répondre », prévient Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. « D’où l’importance de mettre en place des moyens importants, et notamment de se battre sur les sujets régaliens, ce que j’ai essayé de faire lors du vote du budget », ajoute le sénateur LR du Territoire de Belfort.

« C’est un monde vraiment multipolaire. La sécurité du monde, c’est la question au Proche et au Moyen Orient, qui passe par Israël et l’Iran, c’est l’Asie, avec la Chine et la Corée du Nord. C’est l’Amérique Latine, avec des pays pas très stables, comme le Venezuela », énumère Hélène Conway Mouret, « et on l’oublie, mais il y a une guerre au Soudan très meurtrière. La Libye ne va pas très bien. La Syrie s’en sort, mais plus personne ne parle de l’action des Turcs en Syrie du Nord ».

Dans ce monde où l’insécurité prend le pas, Cédric Perrin s’inquiète de « la baisse » de certains crédits liés au ministère des affaires étrangères ou encore ceux de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). « Le dernier pas avant la guerre, c’est la diplomatie. Si on veut préserver la capacité à dialoguer avec nos potentiels adversaires, il faut donner les moyens à la diplomatie de le faire », rappelle le président de la commission.

« Trump pense que finalement, sceller la paix de l’Ukraine, c’est un peu comme une transaction immobilière : je donne ci, tu me donnes ça »

La guerre en Ukraine est évidemment au cœur des enjeux de la conférence de Munich sur la sécurité. Elle intervient au moment où Donald Trump, dont l’arrivée bouscule les relations internationales, veut discuter avec Vladimir Poutine dans le but d’obtenir la paix. Le président américain a même annoncé jeudi la tenue d’une « réunion à Munich demain » (vendredi) entre « de hauts responsables de Russie, d’Ukraine et des Etats-Unis ». Mais Kiev a très vite annoncé ne pas y participer…

« Le sort de l’Ukraine va être scellé bientôt. Mais c’est le sort de l’Europe qui va être scellé dans cet accord de paix qui va être signé rapidement, j’espère, pour mettre fin à la mort de ces milliers de soldats. Il est vraiment temps que la guerre s’arrête, mais elle ne peut pas s’arrêter à n’importe quel prix, et surtout pas au prix d’une paix qui ne serait pas durable », avertit Hélène Conway-Mouret. Elle continue : « Il est question que l’Ukraine cède des territoires. Mais ce qui m’inquiète, c’est que Trump pense que finalement, sceller la paix de l’Ukraine, c’est un peu comme une transaction immobilière : je donne ci, tu me donnes ça, on trouve un accord et on passe à autre chose. C’est quand même beaucoup plus complexe ».

« Quand des territoires sont pris par un autre pays, quelques années plus tard, généralement, une guerre se déclenche »

La sénatrice PS prend un exemple du passé, avec l’« Alsace-Lorraine. Quand des territoires sont pris par un autre pays, quelques années plus tard, généralement, une guerre se déclenche ». Elle s’étonne, comme beaucoup d’observateurs, que Donald Trump accède tout de suite aux revendications russes. « C’est assez étonnant, dans une négociation, on ne donne pas des billes à ses interlocuteurs avant la négociation », pointe Hélène Conway-Mouret, avant d’ajouter :

 Poutine veut quoi ? Il veut une liste de choses : que l’Ukraine ne soit ni dans l’Otan, ni dans l’Europe, qu’il puisse conserver les territoires conquis. Ça veut dire que Poutine aura gagné sur toute la ligne. Ça, c’est très dangereux. Toute l’Europe de l’Est est très inquiète en se disant que ça risque d’inciter Poutine à aller plus loin. 

Hélène Conway-Mouret, sénatrice PS.

La sénatrice représentant les Français établis hors de France reprend au passage une idée qu’elle a formulée, ce matin, lors d’une table ronde : « Ce qui compte, ce n’est pas d’être dans l’Otan ou en dehors de l’Otan. C’est la garantie de la sécurité américaine que vous cherchez. Donc si vous avez la garantie de la sécurité, ce n’est pas important d’être dans l’Otan. Par contre, est-ce qu’on fait confiance aux Etats-Unis ? Je n’en sais rien ». Un exemple qui illustre les multiples facettes de ce monde incertain.

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