Paris: E. Macron inauguration Maison de L Elysee

Situation politique vue de l’étranger : « Donald et Mickey vont avoir des rendez-vous avec Macron à l’Elysée » 

Le chaos politique français continue d’intéresser la presse internationale, qui attend que s’échappe enfin la fumée blanche et qui voit en Emmanuel Macron le responsable de la situation d’instabilité que nous vivons actuellement.
Tâm Tran Huy

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Déjà deux mois à la recherche d’un Premier ministre, des ballons d’essais qui se succèdent, d’Éric Lombard à Bernard Cazeneuve, de Thierry Beaudet à Xavier Bertrand. Qui sera l’élu pour Matignon ? La presse internationale se fait plus ou moins largement l’écho de cette longue attente et de cette indécision dans laquelle baigne la France. Dans les rédactions étrangères, certains correspondants font état d’une lassitude face à ce feuilleton sans fin. La responsabilité d’Emmanuel Macron est aussi pointée du doigt dans cette séquence. A l’instar du quotidien britannique « The Guardian », pour qui le Président de la République « agit à l’encontre des intérêts de son pays » 

« Ça commence à être long pour vous, vous n’avez pas l’habitude de faire à la belge  »

Y a-t-il un Premier ministre pour s’installer à Matignon ? C’est l’histoire sans fin, le feuilleton de l’été qui s’étire sur la rentrée. « L’attente devrait bientôt prendre fin », veut croire le journal italien « Il manifesto », qui titre aussi sur l’hypothèse Cazeneuve, un scénario si crédible lundi matin et qui paraît déjà sur la sellette le lendemain. Il faut dire qu’entre temps, de nouveaux venus ont semblé tenir la corde : Thierry Beaudet, le président du CESE, option solide pendant quelques heures et qui paraît désormais déjà rangé au placard, Xavier Bertrand enfin, nouveau favori des pronostiqueurs. Hypothèses crédibles ou nuages de fumée ? 

Journaliste danois, correspondant européen basé à Paris pour le journal « Information », Tore Keller observe que les consultations élyséennes font désormais l’objet de blagues sur les réseaux sociaux danois. « On dit que Donald et Mickey vont avoir des rendez-vous avec Macron à l’Elysée » raconte-t-il. « Ça commence à être long pour vous, vous n’avez pas l’habitude de faire à la belge chez vous » constate celui qui écrit depuis 2022 dans son journal « qu’il est très difficile de former un gouvernement sans majorité dans ce pays où c’est la règle. » 

« J’ai du mal à expliquer qu’il y a une crise profonde en France »

« On a l’impression qu’il y des nouveaux lapins qui sortent de nulle part. Demain, on ne sait pas si quelqu’un va sortir du chapeau », explique Tore Keller qui a arrêté de faire le portrait des candidats éventuels et attend la fumée blanche pour en informer ses lecteurs. « J’ai du mal à expliquer qu’il y a une crise profonde en France », explique aussi la correspondante pour la presse portugaise Ana Navarro Pedro. Difficile d’expliquer pourquoi cette recherche de gouvernement qui s’étire pose un problème plus délicat en France qu’en Italie ou en Belgique, deux pays voisins qui ont connu ce type de flottement politique. « Il faut prendre le temps d’expliquer pourquoi, en France, c’est plus problématique : c’est un pays centralisé, le budget arrive, c’est un peuple qui n’est pas résigné. Quand la moutarde monte au nez, elle monte en France » résume la journaliste qui « pense que le pays peut entrer dans une de ces rages difficiles à contenir » si le résultat des urnes n’est pas entendu. 

Au Danemark, une coalition entre les socio-démocrates et les deux partis de droite

Comment justement interpréter le résultat des urnes, telle est la question. Certains de nos voisins européens sont coutumiers des majorités peu claires, des coalitions et des compromis. « Après les dernières élections au Danemark, il n’y avait pas de majorité ni à droite ni à gauche, les socio-démocrates sont entrés en coalition avec deux partis de droite pour former un nouveau gouvernement » explique simplement Tore Keller. Un scénario impossible à imaginer pour l’heure en France. Pour le journal britannique « The Guardian », la situation de blocage s’explique aussi par l’attitude d’Emmanuel Macron. A vouloir “contrôler d’une main de fer les événements”, le président “agit à l’encontre des intérêts de son pays” expliquait-il la semaine dernière dans ses colonnes. 

Lucie Castets au Guardian : « Emmanuel Macron essaie d’être à la fois le joueur, l’arbitre et le sélectionneur »

Le week-end dernier, le quotidien de centre-gauche un a consacré plusieurs feuillets à un entretien avec Lucie Castets, « première interview officielle à un journal non-francophone » de la candidate du Nouveau Front populaire. Sans surprise, le président de la République en prend pour son grade. « Personne ne comprend ce que fait Emmanuel Macron, même les macronistes. Il ne nous donne pas, à nous [les partis politiques], la chance de travailler ensemble. Si vous me le demandez, bien sûr, je dirai que je veux que notre programme soit la priorité, mais si vous demandez ce que nous pouvons changer, sur quoi nous pouvons faire des compromis, je dis que nous pouvons faire des compromis », assène l’énarque de 37 ans. « Il essaie d’être à la fois le joueur, l’arbitre et le sélectionneur et cela ne déçoit pas seulement les gens, cela crée du ressentiment. C’est incroyable de voir à quel point le président agit comme s’il n’y avait pas eu d’élections. » 

La place centrale du président de la République dans la séquence, voilà qui fait aussi l’objet de l’incompréhension des Danois. « Chez nous, on a un roi qui n’a aucun pouvoir et le rôle du président français est donc difficile à expliquer aux lecteurs, c’est à la fois quelqu’un qui a un rôle cérémoniel, comme notre roi, et un acteur politique. Chez nous, les négociations auraient lieu entre les leaders des partis et pas à l’Elysée » explique Tore Keller. 

L’image d’Emmanuel Macron sort-elle écornée de cette instabilité politique ? « Ce qu’on voit depuis chez nous, c’est un président qui a eu les ailes coupées. Il n’a plus le pouvoir de 2017, il n’incarne plus cette promesse du futur. C’est une figure politique qui essaye de naviguer dans une situation politique compliquée créée par lui-même » analyse le journaliste danois. 

Entre la France et l’Allemagne, le leadership européen en difficulté

Face à cette crise politique, Ana Navarro Pedro alerte sur le problème européen qui se profile. Le sujet européen intéresse davantage les Portugais que les Français. Et c’est peut-être le moyen d’intéresser les rédactions portugaises au chaos politique que nous traversons. « L’Allemagne est aussi en situation de fragilité : les deux principales économies de l’Union européenne sont en fragilité économique et politique. C’est quelque chose quand même, surtout pour un pays comme le Portugal, où l’information européenne est très importante… Pour l’instant, les rédactions ne sont pas encore réveillées », concède toutefois la journaliste portugaise. Même analyse pour Tore Keller : « Si on regarde ce qui se passe en Allemagne, les élections dans l’Est où le gouvernement est sorti affaibli et le chaos politique en France, il y a un problème : il n’y a pas de leader dans l’Union européenne dans le contexte de la guerre en Ukraine et de la guerre au Moyen-Orient. Lors de son premier mandat, Emmanuel Macron impulsait ses idées et sa vision de l’Union européenne. Il n’y a pas trop d’idées en Europe pour le moment, on est tous suspendus. » 

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