Soutien financier à l’Ukraine : qui des Européens ou des Américains a fourni l’aide la plus importante ?
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Soutien financier à l’Ukraine : qui des Européens ou des Américains a fourni l’aide la plus importante ?

La rencontre entre Emmanuel Macron et Donald Trump a été marquée par une divergence sur la nature et le montant de l’aide européenne apportée à l’Ukraine. Le point sur les dernières données relatives au soutien à l’Ukraine.
Guillaume Jacquot

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La séquence a fait le tour des réseaux sociaux, et de nombreux médias internationaux, en particulier américains ou britanniques. Sur ces images tournées durant une conférence de presse dans le Bureau ovale de la Maison Blanche, on voit le président français reprendre son homologue américain, qui souhaitait relativiser l’ampleur du soutien européen aux Ukrainiens. La question d’une journaliste portait sur la volonté des États-Unis d’être indemnisés, Washington lorgnant ouvertement sur les ressources du sous-sol ukrainien. « Juste pour que vous compreniez, l’Europe prête de l’argent à l’Ukraine. Ils récupèrent leur argent », a affirmé Donald Trump, avant d’être corrigé par Emmanuel Macron.

« Nous avons fourni de l’argent réel », rappelle Emmanuel Macron

« Non, en fait, pour être franc, nous avons payé 60 % de l’effort total. Et c’était, comme les États-Unis, à travers des prêts, des garanties, des subventions, et nous avons fourni de l’argent réel, pour être clair », a rétorqué le président français, en plaçant sa main sur le bras de son allié. L’assertion ne convainc pas le chef de l’État américain, qui oscille de la main gauche en signe de perplexité.

Donald Trump n’en est pas à sa première contre-vérité sur le sujet de l’aide internationale à l’Ukraine. Déjà le 19 février, le président américain clamait sur le réseau Truth Social que l’Amérique avait engagé « 350 milliards de dollars » pour entrer dans cette guerre, soit « 200 de plus que l’Europe ». « L’argent de l’Europe est garanti, tandis que les États-Unis ne récupéreront rien », a-t-il ajouté dans un long message destiné en partie au président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Un soutien américain plus faible par rapport au total des fonds versés par tous les Européens

Les éléments brandis par l’hôte de la Maison Blanche sont en réalité contredits par des rapports réalisés aussi bien par les Américains que les Européens. Selon l’Institut Kiel, les Européens avaient déboursé pour l’Ukraine 132,3 milliards d’euros au 31 décembre. Ce groupe de réflexion allemand agrège tout le soutien continental, c’est-à-dire l’Union européenne, ses États membres dans leur assistance individuelle, et quatre pays extérieurs (Royaume-Uni, Suisse, Norvège et Islande).

Le Conseil de l’Union européenne parvient, quant à lui, à un total de 135 milliards d’euros fournis par l’Union européenne et ses États membres, décomposés de la manière suivante : 67,7 milliards d’euros en soutien financier, économique et humanitaire ; 48,7 milliards d’euros pour le soutien militaire et 17 milliards pour le soutien aux réfugiés au sein de l’Union européenne ; ainsi que 1,5 milliard d’euros au titre des revenus des actifs russes immobilisés.

De leur côté, les États-Unis avaient versé pour l’équivalent de 114,2 milliards d’euros à la même date, selon l’institut Kiel. Le total américain s’est largement accéléré à la fin de l’année dernière, puisque près d’un quart de cette somme a été débloqué au cours du dernier trimestre. C’est notamment la conséquence d’un blocage au Congrès pendant plusieurs mois en 2023. La somme reste cependant sensiblement inférieure, en valeur, à l’assistance versée par les États européens.

Un document plus récent, provenant du Service de recherche du Congrès américain, aboutit à un total plus élevé. En janvier 2025, le Congrès américain avait affecté 174,2 milliards d’euros, en réponse à la guerre en Ukraine. Concernant l’aide et le matériel militaire, qui représente l’essentiel du soutien américain (70 milliards de dollars), il est à noter que tout le paquet de l’aide n’est pas adressé directement à Kiev. Comme le relève le Center for Strategic and International Studies (CSIS), basé à Washington, 7 milliards de dollars ont servi par exemple à relever les capacités de production de munitions sur le sol américain. Volodymyr Zelensky a d’ailleurs affirmé que l’Ukraine n’avait reçu que 75 milliards de dollars jusqu’à présent.

Les Américains, comme les Européens, ont accordé du soutien sous forme de prêts ou de garanties

Il est important de noter que, selon les données compilées par le Kiel Institute, près de 50 milliards de dollars sont accordés sous forme de garanties ou de prêts, soit 44 % des aides accordées jusqu’à présent. Il ne s’agit donc pas de pertes sèches pour les États-Unis. En octobre, Washington s’était engagé, comme d’autres États du G7, à prêter 20 milliards de dollars à Kiev, gagés sur les intérêts générés par les avoirs russes gelés. Les États-Unis ont également engagé 30 milliards de dollars par l’intermédiaire de la Banque mondiale.

Comme l’a souligné à juste titre Emmanuel Macron, les Européens n’ont pas seulement agi via des dons de matériel ou des subventions. Selon les données compilées par l’Institut Kiel, les aides accordées sous forme de prêts ou de garanties – soit 48 milliards d’euros – représentent un peu plus de 36 % du total de l’assistance à ce jour (Union européenne et principaux voisins), et cet argent reviendra un jour aux États européens.

Concernant les dons, Kiel Institute totalise par exemple près de 10 milliards d’euros engagés par les Européens, sous forme de contributions directes ou de subventions. Cette somme ne comprend ni les équipements, ni les livraisons d’armes, ni fournitures de matériel miliaire, dont le total s’élève à un peu moins de 50 milliards d’euros.

La question des terres rares d’Ukraine

Le continent européen n’a donc pas seulement engagé des fonds remboursables, comme l’a prétendu Donald Trump à la Maison Blanche. Le président américain demeure en tout cas fermement partisan de ce qui semble être un « retour sur investissement ». Donald Trump aimerait obtenir l’équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares en dédommagement du soutien de son pays à l’Ukraine. Au vu du prix à payer, cet accès préférentiel aux ressources minières en échange du soutien américain s’oppose pour le moment à une fin de non-recevoir de la part de la présidence ukrainienne, qui assure que le pays n’est « pas à vendre ». Mais les négociations se poursuivent.

Face à Donald Trump, Emmanuel Macron a mis le doigt sur une autre solution : la mobilisation des actifs russes immobilisés. « Nous avons 230 milliards d’actifs russes gelés en Europe. Mais ce n’est pas une garantie pour un prêt, car ces actifs ne nous appartiennent pas. Ils sont donc gelés. Si, finalement, lors des négociations avec la Russie, elle est prête à nous les donner, tant mieux, cela deviendra un prêt et, en fin de compte, ce sera la Russie qui aura payé », a-t-il déclaré.

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