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Taxe de Donald Trump sur l’automobile : quel impact pour les constructeurs ?

Donald Trump a annoncé une hausse des droits de douane mondiaux de 25 % sur les voitures importées aux Etats-Unis. Les constructeurs automobiles étrangers s’inquiètent des retombées économiques. Pour l’économiste David Cayla, la mesure risque d’être « préjudiciable à court terme » pour les Etats-Unis.
Marius Texier

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Nouveau coup d’accélérateur dans la politique protectionniste de Donald Trump. Après une hausse des droits de douane sur les produits canadiens, mexicains et européens ainsi qu’une taxe de 25 % sur l’acier et l’aluminium canadien et mexicain, c’est au tour du secteur automobile mondial de subir les attaques du président américain. Depuis la Maison-Blanche, il a déclaré : « Nous allons faire payer les pays qui font des affaires dans notre pays et prennent notre richesse […] Ce que nous allons faire, c’est des droits de douane de 25 % sur toutes les voitures qui ne sont pas fabriquées aux États-Unis. Si elles sont fabriquées aux États-Unis, il n’y aura absolument pas de droits de douane ».

« Est-ce un coup définitif ou alors le moyen d’ouvrir le dialogue ? », s’interroge Bernard Jullien, maître de conférences en économie à l’Université de Bordeaux et spécialiste de l’industrie automobile. Pour David Cayla, économiste à l’Université d’Angers, la mesure prise par Donald Trump n’a pas pour objectif d’entraîner des négociations : « la preuve : la taxe est mondiale et ne concerne pas un pays spécifiquement ».

Jusqu’ici, le taux appliqué sur les voitures importées était de 2,5 %. Désormais avec la nouvelle hausse de 25 %, ce sera 27,5 % de taxe pour tout véhicule arrivant sur le territoire américain. La mesure sera effective à partir du 2 avril prochain.

Dans un communiqué, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a indiqué regretter « profondément la décision américaine ». Le nouveau Premier ministre canadien, Mark Carnet a quant à lui accusé le président américain de « trahir les accords commerciaux » et d’attaquer « les travailleurs canadiens ». Emmanuel Macron a également réagi regrettant « la décision de Donald Trump » et pointant la « perte de temps » que provoque ce type de mesure. « Il y a un paradoxe à taxer ses alliés et pas les autres pays », a-t-il expliqué avant d’annoncer des mesures de rétorsion de la part des pays européens.

Faire revenir les constructeurs américains sur le territoire national

L’objectif de cette taxe ? Faire revenir aux Etats-Unis les constructeurs nationaux assemblant à l’étranger. Ford importe chaque année environ 20 % de ses véhicules vendus sur le territoire américain. Pour Général Motors, c’est 750 000 véhicules qui sont construits à l’étranger chaque année, principalement au Canada et au Mexique, ce qui fait de l’entreprise américaine le premier importateur aux Etats-Unis, tous constructeurs automobiles confondus.

« Trump a une volonté de faire revenir les assemblages vers les Etats-Unis, que les constructeurs le veuillent ou non », prévient Bernard Jullien. « Cette hausse découle d’une promesse électorale faite par Trump. Lors des dernières élections, il a réussi à saisir de nombreuses voix démocrates dans le Michigan (Etat célèbre pour son industrie automobile). C’est un juste retour d’ascenseur ».

Le Japon fortement impacté

Du côté des pays étrangers exportateurs aux États-Unis, tous ne vont pas être touchés de la même manière. Le choc va être rude en Europe ou 10 % des voitures produites sur le continent sont envoyées aux Etats-Unis ce qui fait de ce dernier le plus grand importateur de véhicules européens. « Cela va être un problème pour l’Allemagne », prévient Bernard Jullien. « Des constructeurs comme Audi ou Porsche n’ont aucune usine aux Etats-Unis ». Pour Porsche, sa part de ventes aux Etats-Unis est de 25 %. « Mais les voitures allemandes sont des véhicules qui se vendent très cher donc cette hausse restera relativement digeste », précise l’économiste.

Au Japon, l’heure n’est pas non plus aux réjouissances. Avec des parts de marché importantes aux Etats-Unis, le pays nippon risque d’être le pays le plus impacté avec son voisin sud-coréen. Bernard Jullien précise que, généralement, les pays produisent aux alentours de 80 ou 60 % de leurs véhicules aux Etats-Unis. « Le Japon lui, c’est 60 %, ce qui veut dire que l’on produit beaucoup sur le territoire national », renchérit l’économiste. Environ 57 % des ventes américaines de Toyota sont produites sur le sol américain tandis que Honda en produit 68 %. L’industrie automobile représente 5,5 millions d’emplois soit 8 % de la main-d’œuvre totale du pays.

La France reste assez peu vulnérable face aux droits de douane de Trump. En 2023, les véhicules tricolores représentaient seulement 0,1 % des importations automobiles américaines en valeur.

Chute boursière

Après l’annonce du président Trump, les entreprises automobiles japonaises et sud-coréennes ont vu leur indice boursier reculer. On constate une baisse similaire aux Etats-Unis. Général Motors enregistre un recul de 6,4 % et Ford de 2,6 %. En Allemagne, Mercedes recule de 4,2 % et Porsche de 4,7 %.

Dès lors, quelle va être la réponse des pays impactés ? Des mesures de rétorsion ? Rien n’est moins sûr pour Bernard Jullien : « Je ne pense pas qu’il y aura de grandes mesures de rétorsion. Dans le cas du Japon, l’impact est tel que les Nippons ont un plus grand intérêt à entamer des négociations pour limiter la casse. Et puis les constructeurs étrangers ont énormément investi aux Etats-Unis, il y a donc fort à parier que les moyens de rétorsion vont être peu employés ».

« Le pouvoir d’achat des Américains va s’éroder »

Son confrère David Cayla abonde : « Je ne crois pas à un engrenage dans les mesures de rétorsion. Il ne faut pas oublier que lorsque l’on augmente les droits de douane, on fait porter un préjudice à ses partenaires commerciaux certes mais également à ses propres consommateurs. Je ne crois pas à l’entrée dans un monde sans poursuite du libre-échange ».

Mais cette mesure de Donald Trump est-elle si profitable pour les Etats-Unis ? Pour David Cayla, c’est un « pari » à prendre sur le « long terme » : « A court terme, ce qui est sûr, c’est que le pouvoir d’achat des Américains va être érodé. Les prix des véhicules importés vont augmenter et les consommateurs vont se tourner vers la production nationale au risque d’une pénurie. Les constructeurs nationaux augmenteront alors leur prix ».

Une efficacité relative

Lorsqu’une mesure protectionniste n’est pas couplée à une politique industrielle importante, elle risque de s’avérer inefficace. « L’important est de savoir comment Trump va réussir à intégrer le rythme de l’industrie, précise Bernard Jullien. « Cela risque de faire défaut car on ne déplace pas aussi rapidement des entreprises installées à l’étranger ».

David Cayla n’est pas non plus convaincu de la pertinence de la mesure : « Si ça se trouve, cela ne ramènera pas les constructeurs américains puisque se sera peut-être toujours plus avantageux de produire à l’étranger malgré des droits de douane supérieurs ».

« Nous sommes dans un changement global de système avec des droits de douane qui augmentent partout. Avec son « Inflation Reduction Act » en 2022, Joe Biden faisait également du protectionnisme. Une hausse de 25 %, ça a un impact pour les fabricants certes, ça fait mal, mais ce n’est pas non plus prohibitif. Les constructeurs peuvent toujours continuer à importer ».

Pourtant dans le camp du président américain, le milliardaire Elon Musk a réagi sur son réseau social X indiquant que la hausse des droits de douane aura un « effet non négligeable » sur le coût de fabrication de ses véhicules notamment à cause des pièces détachées. Donald Trump a-t-il oublié, qu’il y a encore quelques semaines, il jouait le concessionnaire, pour le compte de son ami, sur le parvis de la Maison-Blanche ?

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