Une annonce encore floue
Le retour de la guerre froide ? L’annonce de Donald Trump de reprendre les essais nucléaires est en tout cas symbolique, puisqu’en 1992 les Etats-Unis avaient décidé unilatéralement un moratoire sur leurs tests nucléaires.
« Les essais ont été arrêtés parce que les puissances ont estimé pouvoir maintenir leurs arsenaux par d’autres méthodes : modélisation informatique, essais non-explosifs (lasers, bancs d’essais, etc.) et coopération technologique (la France et le Royaume-Uni travaillent ensemble sur certains aspects) », précise le général Dominique Trinquant, ancien chef de la mission militaire française auprès de l’ONU. « Ces approches permettent de s’affranchir d’essais nucléaires réels tout en garantissant la fiabilité des têtes et des systèmes. »
L’application concrète de la décision de Donald Trump reste néanmoins très incertaine. Ni calendrier, ni site d’essai n’ont été précisés.
« L’annonce de Trump fait la une de la presse américaine », observe le politologue André Kaspi. C’est un événement important, mais aussi révélateur d’un réflexe désormais bien connu : tout ce qui touche à Trump provoque une réaction immédiate. Cette décision s’inscrit avant tout comme une réponse directe aux déclarations de Vladimir Poutine sur le nouvel armement nucléaire russe. »
Une réponse à Vladimir Poutine
Quelques heures avant l’annonce américaine, Vladimir Poutine avait en effet vanté les mérites du Burevestnik, un missile de croisière à propulsion nucléaire, et du Poséidon, un drone sous-marin capable d’emporter une ogive atomique.
« Le propulseur nucléaire, c’est ça la vraie nouveauté ! », analyse Dominique Trinquant. « Au lieu d’une fusée avec un carburant classique, limitée en portée, le moteur nucléaire permettrait théoriquement un vol infini. L’engin pourrait tourner autour de la Terre et frapper n’importe où, à tout moment. »
Pour l’heure, seuls les Russes affirment avoir testé avec succès un tel système. Le Kremlin évoque un vol d’environ quinze heures, mais ces chiffres sont impossibles à vérifier de manière indépendante. Aujourd’hui, aucun pays au monde ne revendique la possession d’une telle arme.
La semaine dernière, Donald Trump a reporté sine die un projet de rencontre avec Vladimir Poutine, en expliquant ne pas souhaiter de discussions « pour rien » sur le dossier ukrainien. Dans la foulée, Washington a imposé de nouvelles sanctions sur les hydrocarbures russes. « Le dialogue entre les Etats-Unis et la Russie est au plus bas, on est dans l’escalade verbale et la tension ne cesse de monter » ajoute André Kaspi.
Des traités fragilisés
La rivalité entre Washington et Moscou intervient dans un contexte où les grands accords de désarmement vacillent. « Le seul traité encore actif, c’est le New START, qui limite le nombre de têtes nucléaires américaines et russes. Il court jusqu’en février 2026, mais la Russie en a suspendu les inspections », rappelle Dominique Trinquant. « Si aucun nouvel accord n’est trouvé d’ici là, il tombera, et il n’y aura plus ni limitation, ni contrôle. »
Selon le dernier rapport annuel de l’Institut de recherche international pour la paix de Stockholm (Sipri), les Russes disposeraient de 5 489 ogives nucléaires contre 5 177 pour les Américains. La France en aurait, elle, 300. Mais derrière le duel de postures entre Washington et Moscou, l’ombre de Pékin plane également. « Il s’agit d’éviter qu’un troisième partenaire entre dans la danse nucléaire, en l’occurrence la Chine, qui a considérablement modernisé son arsenal ces derniers mois » précise André Kaspi. Le régime chinois disposerait actuellement de 600 ogives nucléaires.