Trump Inauguration
President Donald Trump, left, holds a sabre after using it to cut a cake, as Vice President JD Vance looks on, at the Commander in Chief Ball, part of the 60th Presidential Inauguration, Monday, Jan. 20, 2025, in Washington. (AP Photo/Ben Curtis)/DCSS404/25021157036745//2501210524

Trump président : « Les contre-pouvoirs sont aujourd’hui très affaiblis aux Etats-Unis », affirme André Kaspi

Ce lundi, Donald Trump est devenu, à 78 ans, le plus vieux président de l'histoire des Etats-Unis à être investi. Dans un discours revanchard, le républicain a promis de s'attaquer à une « élite corrompue et radicale », sous le regard de son successeur et désormais prédécesseur Joe Biden. Il a aussi annoncé entre autres les premiers actes de son offensive anti-immigration. Pour Public Sénat, André Kaspi, historien et spécialiste de la politique américaine, revient sur cette investiture inédite.
Steve Jourdin

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Le discours d’investiture de Donald Trump détonne-t-il par rapport à la tradition américaine ?

C’était un discours long. Le premier discours d’investiture remonte à 1789 : George Washington n’avait utilisé que 135 mots. Celui de Donald Trump a dépassé les 8 000 mots ! Le record n’a certes pas été battu, il est toujours détenu par William Harrison (1841), mais le nouveau président a choisi de ne pas faire court. Il a par ailleurs opté pour la stratégie de la brutalité et de la violence, en prenant pour cible son prédécesseur, Joe Biden, assis à quelques mètres de lui pendant le discours.

 

Sur le fond, Donald Trump a fait plusieurs promesses et signé un déluge de décrets dans les premières heures de son mandat. Après avoir prêté serment sous la coupole du Capitole, il a juré de s’attaquer à une « élite corrompue et radicale ». Selon lui, « l’âge d’or de l’Amérique commence ». Sur le fond, que faut-il retenir de ce discours ?

Pour Trump, le plus important était de montrer qu’il tient ses promesses de campagne. C’est la raison pour laquelle il a signé autant de décrets et martelé avec autant de force ses engagements passés. Il veut faire de l’immigration une priorité en s’attaquant aux clandestins, mettre fin au « wokisme » ou encore gracier les manifestants du 6 janvier. Il n’y a rien de neuf dans tout cela, mais il s’agissait surtout d’apparaître comme un homme qui tient parole.

Le plus frappant est selon moi sa volonté de supprimer le droit du sol. Aux Etats-Unis, une personne née sur le sol américain est automatiquement américaine. Trump veut mettre fin à des décennies d’histoire politique du pays. Il n’a certes pas le pouvoir constitutionnel de concrétiser cette promesse, mais il a la capacité de l’annoncer haut et fort, et de faire ainsi entrer cette idée dans les têtes.

 

Donald Trump a annoncé la mise en place de plusieurs séries de taxes douanières. L’une des principales propositions économiques du président concerne la mise en place de 10 à 20 % de droits de douane sur l’ensemble des produits entrant aux Etats-Unis. Il a même évoqué la possibilité qu’ils atteignent 60 % pour ceux venant de Chine. Faut-il toujours considérer les Etats-Unis comme un pays ami ?

Pour Trump, l’Europe n’est pas un ennemi, elle est une concurrence. Par le passé, le président américain avait eu cette phrase : « J’aime les voitures allemandes… à condition qu’elles soient fabriquées aux Etats-Unis ». Cela résume bien sa doctrine. Il s’inscrit dans le cadre d’une compétition acharnée entre les espaces économiques. Ce qui est certain, c’est que les relations entre les Européens et les Américains vont devoir prendre une nouvelle direction. Encore faut-il que les Européens parlent d’une même voix, alors que certains dirigeants comme Giorgia Meloni ou Viktor Orban semblent vouloir faire cavaliers seuls.

 

Avec un Congrès à majorité républicaine, Trump a-t-il les mains libres pour traduire ses promesses en loi ?

Trump n’a pas les mains complètement libres. Il existe certes une courte majorité républicaine à la Chambre des représentants. Mais si une poignée d’élus républicains venaient à aller à l’encontre du président, les mesures pourraient être bloquées. Au Sénat, c’est la même chose, la courte majorité républicaine pourrait ne pas être suffisante pour faire appliquer l’ensemble de son programme de campagne. Par ailleurs, le système politique américain est bien fait et prévoit de nouvelles élections législatives dans deux ans, ce qui pourrait complètement rebattre les cartes.

 

Quelle est la vigueur des contre-pouvoirs aujourd’hui aux Etats-Unis ?

Le parti démocrate reste un pôle d’opposition vigoureux. Mais il est actuellement divisé entre une aile gauche très vindicative, et une aile droite plus traditionnelle. Il faudra qu’il retrouve le chemin de l’unité s’il souhaite constituer une opposition forte au pouvoir de Donald Trump. La presse est aussi censée représenter un contre-pouvoir, mais les réseaux sociaux sont en train de changer la donne. Mark Zuckerberg et Jeff Bezos ont rejoint Elon Musk dans son allégeance au nouveau président. Par conséquent, les contre-pouvoirs sont aujourd’hui très affaiblis aux Etats-Unis. Mais il me semble qu’ils reprendront de leur vigueur au fur et à mesure de la présidence Trump 2.

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