Depuis deux semaines, et le plan de paix en Ukraine proposé par Donald Trump avec l’aval de Moscou, qui prévoit notamment l’abandon des territoires ukrainiens occupés à la Russie, les capitales européennes sont en alerte. Un plan de paix, remanié par les diplomates ukrainiens et européens, mais qui ne met personne d’accord alors que les discussions entre les émissaires américains et le Kremlin patinent.
« C’est plus que l’intégrité territoriale de l’Ukraine qui se joue dans ce plan de paix, c’est l’avenir de l’Union européenne », analyse Adina Revol, docteure en sciences politiques, et ancienne porte-parole de la Commission européenne, interrogée dans l’émission Ici l’Europe, sur France 24, LCP et Public Sénat.
Malgré l’enjeu, les dirigeants de l’Union européenne semblent toujours écartés de la table des négociations entre Russes et Américains, et Vladimir Poutine n’hésite pas à durcir son discours vis-à-vis de l’Europe ces derniers jours : « si l’Europe veut la guerre, nous sommes prêts », a-t-il affirmé devant des médias, mardi dernier.
« Le problème de l’Europe, c’est qu’on attend trop de Donald Trump », juge Tobias Cremer, eurodéputé allemand social-démocrate et diplomate de profession. « On espère que Donald Trump va résoudre le problème mais il ne le fera pas. Si on veut une paix durable, nous devons mettre les Ukrainiens en position de force avant de s’asseoir à la table des négociations avec Vladimir Poutine. Nous devons obtenir une paix qui garantit la sécurité de l’Ukraine et du territoire européen, pas une capitulation… »
Le cavalier seul de Viktor Orban
Il y a au moins un dirigeant de l’Union européenne qui semble se réjouir de ces négociations exclusives entre Donald Trump et Vladimir Poutine, il s’agit du Premier ministre hongrois Viktor Orban, proche des deux hommes, opposé à une aide à l’Ukraine et toujours prompt à critiquer la politique bruxelloise. « L’Europe dépend de ce que vont négocier les présidents américain et russe car depuis quatre ans nous n’avons pas été capables de lancer ce type de discussion » avec la Russie, estime Andras Laszlo, eurodéputé hongrois, membre du Fidesz, le parti de Viktor Orban. « L’Europe continue de rêver d’une victoire militaire de l’Ukraine alors que ce n’est pas réaliste. »
Comment financer l’Ukraine au bord de la faillite ?
Malgré le plan de paix de Donald Trump, la Russie continue à bombarder l’Ukraine et la nécessité pour l’Union européenne de financer l’effort de guerre européen est d’autant plus urgente que l’Etat ukrainien pourrait se retrouver à court de liquidités au début de l’année prochaine. Pour répondre aux besoins de financement de l’Ukraine, estimés à 135 milliards d’euros sur deux ans, la Commission européenne a proposé cette semaine un plan avec deux options. La première repose sur l’utilisation des avoirs russes gelés en Europe, pour financer un prêt à l’Ukraine qu’elle ne remboursera que si la Russie lui verse des réparations, au terme de cette guerre d’agression. La Belgique, qui héberge la majorité de ces avoirs de la Banque centrale de Russie, au sein de la société Euroclear, s’oppose à cette option, par crainte de représailles juridiques de Moscou dans les prochaines années. Mais pour Adina Revol, « l’utilisation des avoirs russes dans le cadre d’un prêt de réparation n’est pas contraire au droit international puisque l’Assemblée générale des Nations Unies a déjà adopté une résolution affirmant que la Russie a envahi l’Ukraine. »
La seconde option de financement de l’Ukraine proposée par la Commission européenne est un emprunt commun des Etats-membres, garanti par le budget communautaire. Mais la Hongrie de Viktor Orban s’y oppose et mettra son veto car elle refuse de s’endetter pour l’Ukraine. « Si une majorité d’Etats-membres pensent que c’est absolument nécessaire de dépenser des centaines de milliards d’euros dans la guerre en Ukraine plutôt que de privilégier la voie diplomatique, ils peuvent le faire chacun au niveau national », argumente Andras Laszlo.
L’Union européenne bientôt indépendante du gaz russe ?
L’un des moyens les plus sûrs d’arrêter cette guerre d’agression de la Russie réside sans doute dans l’affaiblissement du secteur des hydrocarbures, pierre angulaire du financement russe. Les 27 et le Parlement européen viennent de se mettre d’accord pour que l’UE soit totalement indépendante du gaz russe en 2027. Mais là encore, Viktor Orban bloque. Le Premier ministre hongrois est allé fin novembre au Kremlin prolonger le contrat énergétique de son pays avec la Russie, se félicitant du bon prix de l’énergie obtenu pour sa population. « Se couper de l’énergie russe ne résout pas le problème de l’énergie en Europe », justifie l’eurodéputé du Fidesz. « Par quelle énergie on va la remplacer pour avoir une économie européenne compétitive ? »
« Il faut avoir confiance en nous », lui répond Tobias Cremer. « Tous les Etats européens sont capables de ne plus être dépendants de la Russie au niveau énergétique. Il faut montrer à Poutine que s’il prolonge cette guerre, il ne va pas perdre que des soldats, dont il se moque, mais aussi de l’argent, et ça, ça lui tient à coeur. »