65th Separate Mechanized brigade in Orikhiv, Ukraine – 20 May 2024

Utilisation d’armes occidentales sur le territoire russe : « Il était urgent de donner aux Ukrainiens la possibilité de se défendre », juge le général Trinquand

Le président américain Joe Biden a finalement autorisé l’Ukraine à recourir aux armes américaines pour frapper des cibles sur le sol russe. Une décision qui devrait permettre à Kiev de riposter aux frappes russes dans la région de Kharkiv, cible d’une offensive depuis plusieurs semaines. Pour le général Dominique Trinquand, il était « paradoxal de donner des armes à l’Ukraine sans lui permettre de les utiliser » sur le sol russe. Interview.
Flora Sauvage

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Après un long débat au sein de son administration, et plusieurs semaines de tractations, le président américain Joe Biden a donné à l’Ukraine la permission d’utiliser des armes américaines pour frapper des cibles en territoire russe, à proximité de la région frontalière de Kharkiv, comment expliquez ce revirement ?

C’est la conséquence d’un processus assez long. L’Ukraine réclame de pouvoir utiliser sur le sol russe les armes américaines qu’elle reçoit depuis un certain temps déjà. Joe Biden s’y est toujours refusé jusqu’à présent. Finalement il y consent pour faire en sorte que l’Ukraine puisse contre-attaquer dans la région frontalière de Kharkiv. Car cette région subit une offensive depuis le début du mois de mai. L’Ukraine est en difficulté et la Russie gagne du terrain grâce à des bombardements quotidiens menés depuis le territoire russe. Le chef de la diplomatie américaine Anthony Blinken avait laissé entendre cette semaine que les Etats-Unis avaient infléchi leur position à ce sujet. Désormais les Ukrainiens vont pouvoir utiliser les armes à longue portée, les HIMARS et les lance-roquettes multiples pour cibler le territoire russe à proximité de Kharkiv. Ce sont des armes qui permettent de tirer à plus de 150km.

Plusieurs pays dont la France et la Grande Bretagne ont décidé d’autoriser l’Ukraine à utiliser les armes occidentales pour cibler le territoire russe, pourquoi l’Otan pousse-t-elle les capitales occidentales à lever les restrictions qui « lient les mains dans le dos des Ukrainiens », selon les termes de son secrétaire général Jens Stoltenberg ?

En réalité, depuis le début de la guerre on a fait entrer l’Ukraine sur un ring avec un bras dans le dos. Il était urgent de donner aux Ukrainiens la possibilité de se défendre. Les Britanniques et les Français avaient déjà donné leur accord aux Ukrainiens. L’Allemagne était sur la même ligne. Les Américains ont finalement rallié la position des Européens pour ne pas rester les derniers. En revanche les Etats-Unis ont mis des restrictions sur l’utilisation de ces armes de longue portée, ce que ne fait pas la France ou la Grande Bretagne. En limitant l’utilisation de ces armes au territoire frontalier, et en rendant cela public, les Etats-Unis donnent des indications aux Russes, ce qui n’est pas très malin selon moi. Ainsi, les Russes savent où ils peuvent être susceptibles d’être frappés, et contre attaquer.

Le Kremlin reproche déjà à l’Alliance atlantique de lancer « un nouveau cycle d’escalade ». Quelles conséquences la décision américaine pourrait-elle avoir sur la façon dont la Russie mène ses opérations en Ukraine ?

Il est compliqué de prédire les conséquences que cette décision va avoir. En faisant cela, on contribue à la puissance de feu des Ukrainiens mais est-ce que cela va avoir un effet décisif ? Difficile à dire… La Russie a déjà répondu qu’elle allait lancer des attaques asymétriques contre les alliés de l’Ukraine : des attaques par sabotage sur l’acheminement et l’approvisionnement des armes et des munitions comme cela a eu déjà eu lieu en Pologne ou en République tchèque par exemple. Des attaques asymétriques qui pourraient avoir lieu très loin du théâtre des opérations comme en Afrique ou dans le Pacifique. Ou encore des cyberattaques.

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