Viande de bœuf, poulet, fromage, automobiles…. Quels sont les produits concernés par l’accord UE-Mercosur

Viande de bœuf, poulet, fromage, automobiles…. Quels sont les produits concernés par l’accord UE-Mercosur ?

Le texte de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, finalisé le 6 décembre, a été dévoilé cette semaine par la Commission européenne. Il prévoit une réduction drastique, voire la suppression des droits de douanes sur des quotas de produits fabriqués de part et d’autre de l’Atlantique. La France continue de s’opposer à ce texte, alors que les volumes de denrées agricoles concernés soulèvent l’inquiétude de nombreuses filières.
Romain David

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Avec 700 millions de personnes concernées, l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur s’apprête à créer le plus grand marché de libre-échange de la planète. La suppression d’environ 90 % des droits de douane sur une liste de produits échangés entre les deux blocs devrait notamment bénéficier aux biens manufacturés ou à forte valeur ajoutée fabriqués en Europe, tout en offrant de nouveaux débouchés aux denrées alimentaires produites en Amérique du Sud. Mais plusieurs pays européens, la France en tête, s’opposent fermement à cet accord, redoutant notamment une concurrence déloyale pour leurs productions agricoles en raison des écarts de normes environnementales et sanitaires entre les pays sud-africains et ceux du continent européen.

« Très clairement, nos agricultures ne seront pas les sacrifiées au fond d’un mercantilisme du siècle d’avant », a encore martelé Emmanuel Macron ce jeudi 12 décembre, en marge d’un déplacement éclair en Pologne, où le Premier ministre Donald Tusk s’oppose lui aussi à cet accord.

Le 6 décembre 2024, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a annoncé la fin des pourparlers entre Bruxelles et les représentants du Mercosur. Dans la foulée, le 10 décembre, la Commission européenne a dévoilé le contenu de l’accord mis à jour par rapport à une première mouture qui avait été présentée en 2019. Ce texte pourrait encore être modifié à la marge, dans la mesure où il doit désormais subir une analyse juridique, puis être traduit dans toutes les langues de l’Union avant que le Parlement européen et les pays membre ne se prononcent sur son contenu.

Viande bovine

L’accord prévoit l’exportation vers l’Europe par les pays du Mercosur d’un volume de 99 000 tonnes de bœuf avec un droit de douane réduit à 7,5 % contre 40 % environ actuellement. Ce volume sera atteint par paliers répartis sur six ans. Aujourd’hui, l’Union européenne importe déjà entre 100 et 120 000 tonnes de viande en provenance du Mercosur, principalement des aloyaux – pièces à partir desquelles sont découpés filets, rumstecks et contre-filets -, soit 25 % du marché européen. « Ce nouveau contingent doublerait presque les importations, atteignant jusqu’à 50 % du marché, alors que la production européenne d’aloyaux issus du cheptel allaitant est de seulement 400 000 tonnes », alerte Interbev, qui rassemble les principaux acteurs de la filière bovine française, dans un communiqué.

La production de viande bovine en UE pourrait diminuer de 0,7 % à 1,2 % selon les scenarii de l’étude d’impact qu’avait publié en 2021 la Commission européenne.

Viande de porc

Ce sont au total 25 000 tonnes de viande porcine qui pourront être envoyées vers l’UE, taxée 83 euros la tonne. Mais là aussi, ce volume global d’exportation ne pourra être mis en œuvre qu’au bout d’un délai de six ans. La dernière version de l’accord prévoit pour le Paraguay un quota supplémentaire à l’export de 1 500 tonnes de porc par rapport à ce qui avait été prévu en 2019. Cet ajout est destiné à compenser l’enclavement du pays qui ne dispose d’aucune façade maritime.

Poulet

L’accord permet aux pays du Mercosur de faire entrer jusqu’à 180 000 tonnes de poulet sur le marché européen sans aucun droit de douane, reparties pour moitié entre carcasses et viande désossée. Selon l’interprofessionnelle avicole, 500 000 tonnes de filets de poulet arrivent déjà chaque année du Brésil, principal producteur d’Amérique du Sud, dans l’UE, pour une consommation globale estimé à 900 000 tonnes.

Produits laitiers

10 000 tonnes de lait en poudre pourront être exportées des deux côtés avec une suppression progressive des droits de douane dans un délai de dix ans. Le même mécanisme sera appliqué à un contingent de 30 000 tonnes de fromage. La fourchette de progression attendue sur les exportations des pays sud-américains vers le vieux continent est particulièrement large : de 18 à 165 %, mais à partir d’un point de départ « faible », souligne l’étude d’impact présentée par Bruxelles. De son côté, l’UE pourrait tabler sur une hausse de 91 % à 121 % des exportations de produits laitiers à destination du Mercosur.

Autres produits agricoles

Parmi les autres denrées ciblées par une adaptation des droits de douane, on trouve 180 000 tonnes de sucre brésilien destinées au raffinage, et 10 000 tonnes de sucre en provenance du Paraguay. Mais aussi 8,2 millions d’hectolitres d’éthanol. « La part du marché de l’éthanol cédée au Mercosur, qui devait représenter environ 6 % d’un marché de l’éthanol équilibré et dynamique, représente désormais 12 % de la production totale de l’UE, sur un marché qui ne croît plus et qui est déjà largement ouvert », alerte le syndicat Bioéthanol France dans un communiqué.

Figurent également dans cette liste 60 000 tonnes de riz et 45 000 tonnes de miel détaxées.

Vins et alcools

En Europe, le secteur des vins et spiritueux est l’un des rares à se frotter les mains dans la perspective d’une mise en œuvre de l’accord avec le Mercosur, qui pourrait faire tomber les droits de douane sur le vin, aujourd’hui à 27 % , ainsi que les taxes sur les alcools forts qui peuvent grimper jusqu’à 35 %. Dans un premier temps, néanmoins, le vin en vrac serait exclu du dispositif et un prix minimum garanti sur les pétillants.

Automobiles

Le Mercosur s’attaque aussi aux droits de douane des voitures et pièces détachées, aujourd’hui taxées à 35 %, avec une libéralisation progressive sur quinze ans pour les véhicules équipés d’un moteur thermique. Dans la dernière version de l’accord ce délai a été porté à 18 ans pour les véhicules électriques, mais avec une baisse de 10 % dès l’entrée en vigueur de l’accord. Cette mesure devrait « améliorer immédiatement la compétitivité des exportations européennes », souligne Bruxelles.

Les bénéfices attendus pour l’industrie automobile sont eux aussi largement mis en avant par les promoteurs de l’accord. Toujours selon le rapport de la Commission européenne publié il y a trois ans, le secteur pourrait voir ses exportations augmenter de 95 % à 114 %.

Bruxelles tente de rassurer le secteur agricole avant un éventuel passage en force

Soucieuse de rassurer un secteur agricole particulièrement remonté contre les dispositions prévues par l’accord UE-Mercosur, Ursula von der Leyen a annoncé mardi, en marge des journées européennes de l’agroalimentaire, le déblocage de 3 milliards d’euros par la Banque européenne d’investissement, fléchés en priorité vers les jeunes agriculteurs. « Au cours des 100 premiers jours de la nouvelle Commission, nous présenterons une nouvelle vision pour l’agriculture et l’alimentation, dans laquelle nous examinerons des moyens de soutenir la compétitivité et la durabilité de votre secteur », a promis la présidente de la Commission européenne, qui sait qu’elle avance en terrain miné sur ce dossier.

À présent que les négociations sont bouclées, la Commission européenne doit s’assurer d’un vote favorable de la part du Parlement européen et de l’ensemble des Etats membres dont une poignée non négligeable sur les 27 – la France, la Pologne, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et l’Autriche -, ne veulent pas entendre parler de ce texte.

Pour contourner cette difficulté, la Commission envisage de scinder le texte en deux parties : un volet commercial et un autre politique. Or, la mise en œuvre du volet commercial pourrait intervenir dès lors qu’il aura été ratifié par quinze Etats membres, représentant au moins 65 % de la population de l’UE.

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