Elysee Palace : Welcome of Xi Jinping and Ursula Von Der Leyen
Welcome of Mr Xi Jinping, President of the Popular Republic of China a by Emmanuel Macron the President of the Republic. Elysee Palace, Paris, France. Monday 6 may 2024.//ACCORSINIJEANNE_XI.0030/Credit:JEANNE ACCORSINI/SIPA/2405061312

Visite de Xi Jinping en France : « C’est désolant que la France et l’Allemagne ne parviennent pas à répondre ensemble au défi chinois »

Ce lundi en fin de matinée, le président chinois Xi Jinping est arrivé à l'Elysée pour le début officiel de sa visite d'Etat de deux jours en France, à l'occasion des 60 ans des relations diplomatiques entre les deux pays. Alors que beaucoup de dossiers sensibles sont sur la table, et notamment la question du soutien militaire chinois au régime russe, Jean-François Huchet, président de l’INALCO et professeur d’économie spécialiste de l’Asie, fait le point sur les particularités de la relation sino-française.
Steve Jourdin

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Pourquoi Xi Jinping a choisi la France pour effectuer son retour en Europe après les années Covid ?

La France représente du point de vue chinois un pays censé avoir une distance stratégique vis-à-vis des Etats-Unis, un Etat qui conserve une certaine autonomie et avec lequel on peut discuter. Après Paris, Xi Jinping poursuivra son périple en Europe par la Serbie et la Hongrie pour des raisons différentes. L’idée est de reprendre pied en Europe centrale, alors que des pays comme la Lituanie ont récemment tourné le dos à Pékin en reconnaissant Taïwan.

Par ailleurs, à Belgrade, il y a aussi une dimension de politique intérieure, car Xi Jinping s’y rendra le jour du 25e anniversaire du bombardement de l’ambassade chinoise par Washington pendant la campagne de l’Otan en Yougoslavie. Cet épisode a été traumatique pour beaucoup de Chinois, malgré le fait que les Américains se soient déjà excusés platement. Cela sera l’occasion pour Xi Jinping de rappeler l’agressivité de l’Occident à l’égard de la Chine.

 

Emmanuel Macron revendique une position d’équilibre entre les Etats-Unis et la Chine. Cette politique est-elle efficace au moment où Pékin assume clairement son soutien à la Russie et à l’Iran ?

Quand il y a soixante ans le Général de Gaulle a décidé de reconnaitre diplomatiquement la Chine communiste, cela avait incité les Etats-Unis à en faire de même quelques années plus tard, en 1972. Nous avons été précurseurs et Emmanuel Macron tente de s’inscrire dans cette lignée. Mais aujourd’hui, l’équilibre s’est complétement renversé. C’est une Chine beaucoup plus puissante d’un point de vue économique et technologique.

Sur le dossier ukrainien, il ne faut pas espérer beaucoup de choses de cette visite d’Etat. La rencontre entre Emmanuel Macron et Xi Jinping pourra simplement servir plus tard, à un stade ultérieur, lorsque des négociations de paix seront entamées entre Moscou et Kiev. L’idée est d’ouvrir des canaux diplomatiques avec la Chine afin de permettre des inflexions au moment des tractations. C’est un pari que fait Emmanuel Macron.

 

En dehors du dossier ukrainien, quels sont les gros points de tension entre les deux pays ?

Sur les questions géopolitiques, il y a le sujet de la zone Pacifique, qui est un lieu de rencontre entre la France et la Chine, car nous y avons des intérêts. L’Afrique est aussi un sujet de crispations, notamment au Sahel où nous avons été évincés par un certain nombre de pays qui se tournent à présent vers la Chine. Il y a aussi des points de discorde en matière de ressources, par exemple la pêche dans l’Océan Indien.

Nous avons aussi des différents commerciaux. C’est un dossier géré par Bruxelles, mais les déséquilibres structurels sont devenus très importants entre nos pays. La question de la réciprocité de l’accès au marché est un enjeu crucial, car pendant longtemps la Chine se contentait d’assembler des produits pour le compte de l’Europe et sa croissance était tirée par la consommation intérieure. Aujourd’hui, ses produits entrent en concurrence directe avec les produits européens, c’est une rupture majeure. La concurrence frontale est en train de s’accentuer.

 

Une collision entre l’UE et la Chine en matière économique peut-elle encore être évitée ?

C’est le pari que fait l’Europe, et notamment l’Allemagne qui parle de « de-risking », de réduction des risques en matière géopolitique. Mais combien de temps cette position sera tenable ? A partir du moment où la relation entre la Chine et les USA domine celle qui existe entre la Chine et l’UE, et à mesure que la fracture entre Washington et Pékin s’approfondit, notre position va devenir intenable. La Chine en a conscience et tente de jouer sur nos divisions.

 

Olaf Scholz a été invité à participer à la rencontre entre Emmanuel Macron et Xi Jinping mais a décliné l’invitation. Est-ce que Berlin a peur de froisser la Chine qui représente un débouché pour ses constructeurs automobiles ?

Il y a des intérêts contradictoires à l’intérieur de l’UE. La Chine a toujours joué sur cette fibre pour diviser l’Europe. Avec Emmanuel Macron, on assiste néanmoins à un changement de discours, car le chef de l’Etat a toujours tenté d’associer nos alliés européens aux échanges avec Pékin. Il faut regretter qu’il existe aujourd’hui des intérêts divergents, et il y a lieu de se désoler du fait que la France et l’Allemagne ne parviennent pas à répondre ensemble au défi chinois qui occupe de plus en plus de place sur la scène géopolitique.

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