NY: New York City Mayoral Candidate Mamdani Votes On Election Day.
New York City mayoral candidate Zohran Mamdani holds a press conference in a park near the poll site he and his wife voted at on Election Day, in New York City borough of Queens, NY, November 4, 2025. (Photo by Anthony Behar/Sipa USA)/65272696//2511041643

Zohran Mamdani  candidat à la mairie de New York : « C’est un peu comme si Besancenot se présentait face à Cahuzac ou Georges Tron »

Ce mardi, New York élit son nouveau maire. A 34 ans, Zohran Mamdani, issu de la gauche du Parti démocrate, opposant « farouche » à Donald Trump, musulman d'origine indienne, est le grand favori, d’autant que ses adversaires sont accusés de corruption ou d’harcèlement sexuel. Pour Public Sénat, Elisa Chelle, professeure de science politique à l'Université Paris Nanterre, auteure de La démocratie à l’épreuve du populisme. Les Leçons du Trumpisme (Odile Jacob) revient sur son profil atypique.
Steve Jourdin

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Qui est Zohran Mamdani ?

Mamdani vient d’un milieu privilégié : son père est universitaire, sa mère réalisatrice. Il a grandi en Ouganda, puis a déménagé aux États-Unis dans sa jeunesse. Il a étudié dans une université prestigieuse du Maine, où il a obtenu une licence d’études africaines.

Le pivot vers la politique se fait en 2016, lorsqu’il s’engage dans la campagne de Bernie Sanders, candidat démocrate se revendiquant socialiste. C’est une étape décisive : Sanders appartient à la mouvance des Democratic Socialists of America (DSA), devenue un mouvement de soutien à des candidats dans les élections locales et nationales. Zohran Mamdani va être soutenu par cette organisation pour accéder à l’Assemblée de l’État de New York, et le même réseau le soutient aujourd’hui dans la conquête de la mairie de New York.

 

Comment expliquer son ascension au sein de l’establishment démocrate ?

Il bénéficie de plusieurs choses, et notamment de la structure très décentralisée des démocrates à New York. Il existe un parti démocrate du Bronx, de Manhattan, etc., et une centaine de clubs démocrates qui animent la vie politique locale. Cette organisation très lâche du parti permet à des mouvements militants comme les DSA de soutenir et placer leurs candidats.

Mamdani bénéficie en outre d’un contexte politique favorable : le maire sortant Eric Adams est accusé de corruption ; l’ancien gouverneur Andrew Cuomo, son rival démocrate, est accusé de parjure et de harcèlement sexuel. Cette disqualification de l’establishment démocrate ouvre un espace à Mamdani. C’est un peu comme si Besancenot se présentait face à Cahuzac ou Georges Tron. Il faut de plus rappeler que New-York est aujourd’hui une ville très démocrate : on compte environ sept démocrates pour un républicain.

 

 

Zohran Mamdani se revendique socialiste. Quelle place occupe son organisation, les Democratic Socialists of America, dans le paysage politique américain ?

Les DSA ne sont pas un parti, mais un mouvement : c’est la principale organisation de la gauche radicale américaine, qui fédère différents courants (anticapitalistes, marxistes, défenseurs des services publics). Au départ, c’est une organisation d’intellectuels et de syndicalistes âgés. Mais avec l’élection de Donald Trump en 2016, elle s’est régénérée, attirant une génération plus jeune et passant de quelques milliers à près de 90 000 adhérents. C’est considérable pour la gauche de la gauche. Les DSA sont devenus une machine à produire des candidats, comme Alexandria Ocasio-Cortez, autre figure emblématique de cette gauche radicale.

 

Que propose Zohran Mamdani aux New-Yorkais ?

Ses thématiques phares sont le coût de la vie (logement, crèches, alimentation) et une stratégie efficace de communication numérique, très présente sur les réseaux sociaux. À seulement 34 ans, il a développé un vrai savoir-faire pour toucher les jeunes électeurs urbains. Mais certaines des mesures qu’il propose dépassent les compétences municipales : augmenter la fiscalité sur les ménages et les entreprises les plus riches, ou doubler le salaire minimum (de 16 à 30 dollars/heure), relèvent de la compétence de l’État et non de la ville.

D’autres propositions sont plus crédibles : la gratuité des crèches de 6 semaines à 5 ans, par exemple, est en partie faisable (Bill De Blasio, maire de la ville entre 2014 et 2021 avait déjà rendu la maternelle gratuite), mais le financement reste un défi, car une crèche coûtant environ 20 000 dollars par an. La création de supermarchés publics, autre proposition, est une vieille idée socialiste : Mamdani souhaite en ouvrir un par arrondissement. Mais le commerce de détail est un métier, il ne suffit pas de mettre des fonctionnaires à disposition. New York dispose déjà de coopératives, dans lesquels les clients donnent de leur temps contre certains avantages. Quant au gel des loyers, il est possible mais temporaire : De Blasio l’avait instauré deux ans, Mamdani promet quatre ans. Une telle mesure pourrait être contestée juridiquement.

 

Il est aussi question de ses prises de position sur le conflit israélo-palestinien…

Il faut replacer Mamdani dans le contexte interne du Parti démocrate. La gauche du parti se divise entre une tendance intersectionnelle (antiracisme, défense des minorités, écologie) et une tendance anticapitaliste, incarnée par les DSA, centrée sur les questions matérielles : coût de la vie, logement, etc.

Mamdani appartient à cette seconde tendance. Mais les DSA ont un talon d’Achille : pour obtenir leur appui, un candidat doit souscrire à certains principes, dont le soutien au mouvement BDS (qui appelle au boycott d’Israël), l’interdiction de voyager en Israël, la reconnaissance du droit au retour des réfugiés palestiniens et le droit à la « résistance ».

Depuis le 7 octobre, cette ligne crée de fortes tensions dans le Parti démocrate, historiquement pro-israélien. Mamdani parle d’ « apartheid » et de « génocide » à propos d’Israël. Ce n’est pas un antisémitisme ouvert, mais un antisionisme radical qui trouble une partie de l’électorat juif new-yorkais. Aussi, environ 60 % des électeurs juifs de New York pencheraient aujourd’hui pour le rival Andrew Cuomo, malgré ses casseroles et le côté antipathique du personnage. Trump tente de diviser les démocrates sur cette question, espérant récupérer aux mid-terms de l’année prochaine une partie du vote juif historiquement acquis aux démocrates.

 

Quelles conséquences une victoire de Mamdani pourrait avoir sur la politique américaine ?

Une victoire de Mamdani diviserait encore davantage le Parti démocrate. Et Trump s’en frotterait les mains : il exploiterait la peur du « communisme », l’image d’une gauche « contre les juifs, contre les entreprises, contre la richesse ».

Il faut bien voir aussi que Mamdani reste très inexpérimenté : il s’apprête à diriger une ville de 8 millions d’habitants, avec un budget de 109 milliards de dollars et 300 000 employés, alors que son expérience se limite jusque-là à la gestion d’un bureau de cinq personnes. Le saut qualitatif à franchir est immense, et le moindre faux pas sera exploité par ses adversaires politiques.

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