« 1 fille sur 5, 1 garçon sur 13, vont subir des violences sexuelles » explique Muriel Salmona
Invitée de l’émission « Allons plus loin », Muriel Salmona, psychiatre, spécialiste de la mémoire traumatique, demande une levée de la prescription pour « suivre les prédateurs sexuels ». Elle réclame également que les violences sexuelles soient vraiment « reconnues comme un problème de santé public majeur ».

« 1 fille sur 5, 1 garçon sur 13, vont subir des violences sexuelles » explique Muriel Salmona

Invitée de l’émission « Allons plus loin », Muriel Salmona, psychiatre, spécialiste de la mémoire traumatique, demande une levée de la prescription pour « suivre les prédateurs sexuels ». Elle réclame également que les violences sexuelles soient vraiment « reconnues comme un problème de santé public majeur ».
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Les révélations de l’ancienne championne de patinage artistique Sarah Abitbol, sur les violences sexuelles dont elle aurait été victime adolescente, ont déclenché un tremblement de terre dans le milieu sportif.

Muriel Salmona, psychiatre, spécialiste de la mémoire traumatique n’a « pas été surprise » par ces révélations : « On savait que (…) les violences sexuelles sur les enfants, on les trouve dans tous les milieux. En sachant que majoritairement, c’est dans la famille (…) Dans 94%, ce sont des proches qui commettent les violences sexuelles sur les enfants. » Et de rappeler qu’« il y a une fille sur 5, 1 garçon sur 13, qui vont subir des violences sexuelles ».

La formatrice en psychotraumatologie et en victimologie explique que dans le sport il y a « un facteur d’emprise très important », évoquant « l’ascendance des adultes sur les enfants » et les enjeux. Et qu’on peut retrouver ce système « dans les arts, la musique… »

Si les parents de victimes sont parfois incapables de se rendre compte de la situation c’est qu’ « ils sont un peu aveuglés » : « D’abord par le déni de la société, qui est en train d’être levé. Et aussi [par] la valeur que transmet le sport ou l’art, où l’on se dit que c’est un milieu sécurisé, un milieu où il y a un certain huis clos. Or, c’est d’autant plus une situation qui peut être à risque. »

Interrogée pour savoir si le système actuel est suffisamment efficace pour repérer les prédateurs sexuels, la psychiatre répond sans surprise que non : « Il n’est pas encore suffisant même s’il s’améliore (…) C’est sûr qu’il y a un vrai problème de suivi pour les bénévoles. Il faut qu’il y ait la possibilité d’accéder aux fichiers des auteurs de violences sexuelles. On a amélioré les choses puisqu’on a augmenté la peine pour ceux qui téléchargent des photos et des vidéos pédocriminelles (…) mais il faut aussi pouvoir accéder au casier judiciaire. C’est un vrai problème, qui passe aussi par la levée de la prescription pour qu’on puisse suivre ces prédateurs sexuels. »

Muriel Salmona insiste aussi sur le fait d’aller vers les enfants avant qu’ils ne dénoncent les violences qu’ils ont subies : « Il faut que tous les professionnels qui s’occupent des enfants dépistent et posent systématiquement la question. »

L’amnésie traumatique

La patineuse Sarah Abitbol a raconté dans un livre comment elle a été frappée d’amnésie traumatique. Muriel Salmona, explique pourquoi des victimes peuvent ainsi « occulter » des violences sexuelles dont elles sont les victimes : « Ce phénomène d’amnésie traumatique (…) on l’a observé dans tous les traumas graves, pas seulement sexuels. On sait que pour les enfants victimes de violences sexuelles c’est au moins 40% qui vont avoir une amnésie traumatique complète et plus ils sont jeunes, plus le risque est grand. Plus les faits sont commis par un proche, plus le risque est grand aussi (…) C’est lié à des mécanismes de sauvegarde que le cerveau met en place pour éviter un stress extrême qui représenterait un risque vital. L’état de choc fait que le cerveau disjoncte et déconnecte le circuit émotionnel et la mémoire ».

Et d’ajouter : « Les faits ne sont pas oubliés, ils sont là, présents. Mais ils ne sont pas accessibles parce qu’ils sont dans un brouillard total. »

La formatrice en psychotraumatologie et en victimologie, présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie demande à ce que les violences sexuelles soient vraiment « reconnues comme un problème de santé publique majeur » et que « les médecins soient formés dès le début de leurs études médicales ».

Mais pas seulement : « Je voudrais que l’on remette en place l’amendement qui avait été voté au Sénat, qui était proposé par le gouvernement, où pour un même crime, avec un même agresseur, qu’il y ait une levée de la prescription. Je veux aussi que pour tout ce qui est amnésie traumatique, troubles psychotraumatiques, il puisse y avoir une levée de prescription comme obstacle majeur (…) On veut aussi une imprescriptibilité et on veut qu’il y ait un meilleur dépistage, une meilleure écoute des victimes. Qu’il y ait des commissions pour vérifier que toutes les procédures sont faites de façon correcte et qu’il y ait une offre de soins (…) [pour] les victimes. »

Dans un autre registre, Muriel Salmona souhaite également que l’on utilise le mot de « pédocriminalité » plutôt que celui de « pédophilie » : « La pédophilie n’est pas un terme juridique. C’est un terme médical que l’on utilise même plus (…) C’est présenté comme une orientation sexuelle ce que les viols et les agressions sexuelles commis sur les enfants ne sont pas. Donc on préfère vraiment parler de « pédocriminalité » sinon cela minimise les faits ».

Entretien avec la psychiatre Muriel Salmona, spécialiste de la mémoire traumatique (en intégralité)
21:05

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