90 départements placés en état d’alerte sécheresse : « L’eau devient une denrée de luxe »

90 départements placés en état d’alerte sécheresse : « L’eau devient une denrée de luxe »

90 sur 96. La liste des départements placés en état d’alerte sécheresse s’allonge. Seuls l’Aisne, l’Ariège, la Corrèze, les Hauts-de-Seine, Paris et la Seine-Saint-Denis échappent à un arrêté préfectoral limitant certains usages de l’eau. Alors que les épisodes de sécheresse se multiplient, les principaux syndicats agricoles et le gouvernement défendent la mise en place de retenues d’eau pour irriguer les cultures en été.
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Par Flora Sauvage

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Selon le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le risque d’extrême sécheresse va augmenter dans les prochaines années. La situation du lac de Serre-Ponçon, la plus grande retenue d’eau de France, située à la lisière des Hautes Alpes et des Alpes de Haute Provence est emblématique. Son niveau n’a jamais été aussi bas, six mètres en dessous de son niveau optimal.

« Alerte maximale »

Président du Comité national d’orientation de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC), Ronan Dantec estime qu’il faut comprendre que « ces évènements de sécheresse extrême vont devenir systématiques ».

« Nous connaissons actuellement une hausse de la température mondiale par rapport à l’ère préindustrielle d’environ 1.2° Celsius sur la planète, soit entre 1.7°et 1.8° en France », rappelle le sénateur de la Loire-Atlantique. Devant l’état de sécheresse, son département est passé « en alerte eau potable », depuis un arrêté préfectoral du 20 juillet.

Réduire la consommation d’eau potable

Avec un débit de 121 mètres cubes seulement par seconde, contre 475 mètres cubes début juillet, le niveau de la Loire est en forte baisse. Ainsi, l’arrosage des pelouses et jardins entre 8h et 20h, le remplissage des piscines privées, le nettoyage des bateaux et des façades de maison sont interdits jusqu’à nouvel ordre pour les particuliers en Loire-Atlantique. Pour réduire la consommation d’eau potable, la préfecture a fait une série de recommandations : prendre des douches moins longues, arroser son potager le soir, ne pas nettoyer sa terrasse au jet d’eau.

Pour Ronan Dantec, il est impératif de « voir le problème en face et accepter de reconnaître que le changement climatique va continuer à s’intensifier ». Le sénateur écologiste estime qu’il faut mettre tout le monde autour de la table pour trouver un compromis dans l’acceptation de la situation », car « une partie du monde agricole rêve encore de l’ancien modèle ». Or certaines cultures de céréales notamment, comme le maïs, nécessitent beaucoup d’eau.

« Il faut aller vers des variétés de maïs moins gourmandes en eau », affirme Ronan Dantec.

Difficultés pour irriguer les champs

Les sécheresses qui durent entraînent des difficultés pour irriguer les cultures. Les 100 000 réserves artificielles d’eau, ou bassines, réparties dans tout le pays pour aider à l’irrigation des récoltes font l’objet de vives critiques de la part des écologistes. Là où certains voient une manière de protéger les cultures en stockant l’eau afin de pallier toute éventuelle sécheresse, d’autres y voient un système archaïque favorisant une agriculture intensive qui provoque l’appauvrissement de nos ressources.

« L’eau, un sujet qui risque d’opposer très fortement les gens »

Selon le sénateur LR de la Vienne Bruno Belin, « dans les départements ruraux comme la Vienne, c’est un sujet qui risque d’opposer très fortement les gens, car l’eau devient une denrée de luxe ». Le 12 juillet dernier, Jean-Marc Girier, préfet de la Vienne, a présenté un projet de 30 nouvelles réserves de substitution sur le bassin du Clain. Les premiers travaux, financés à 67 % par des fonds publics, pourraient débuter dès 2023 au bénéfice de 153 exploitations agricoles.

Soutenir le monde agricole

Des exploitations qui nécessitent beaucoup d’eau. Dans la Vienne, la culture du maïs est apparue « il y a une trentaine d’années », estime Bruno Belin. L’objectif pour le sénateur est de soutenir le monde agricole afin de « nourrir toute la population à un prix abordable ». Le sénateur de la Vienne rappelle que

« nous avons besoin collectivement des agriculteurs ».

Restriction totale

Selon Météo France, le déficit pluviométrique mensuel moyen dans les Deux-Sèvres était de 46,6 % de janvier à mai. « La situation n’est pas bonne », affirme le sénateur LR Philippe Mouiller, « on n’est pas très loin de la sécheresse de 1973 ». Dans ce département en « restriction d’eau totale » depuis la mi-mai le problème du stockage de l’eau se pose aussi.

» Lire aussi : Sécheresse : « Plus le réchauffement global sera important, plus la fréquence des événements de ce type augmentera »

Réservoirs

Retenir l’eau en hiver pour irriguer en été les cultures du département et notamment le maïs c’est le principe de l’immense réservoir situé à Mauzé-sur-Mignon. Quinze autres bassines sont prévues dans le département pour faire face aux futurs épisodes de sécheresse. L’eau est pompée dans la nappe phréatique de novembre à mars, quand elle est alimentée par la pluie l’hiver afin de diminuer les prélèvements dans la nappe l’été.

Bataille de l’eau

Ces retenues d’eau sont-elles compatibles avec le réchauffement climatique ? La question divise. Pour Ronan Dantec, sénateur écologiste de la Loire-Atlantique, face aux épisodes de sécheresse qui se multiplient,

« il est nécessaire de revoir notre modèle d’agriculture ».

Mais cela implique des rendements moindres. Pour Philippe Mouiller, sénateur LR des Deux-Sèvres, « le changement de modèle ne veut pas dire qu’on doit arrêter de cultiver du maïs, car tout l’enjeu dans cette bataille de l’eau c’est notre indépendance alimentaire ».

 

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