Le ministre de l’Intérieur réfléchit à « une nouvelle incrimination pénale » visant l’islam politique. « L’islam politique est le principal obstacle à la cohésion de notre pays », soutient la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio. La centriste Nathalie Goulet conseille d’appliquer déjà le droit existant et de contrôler le financement des associations. A gauche, l’écologiste Guy Benarroche pointe l’absence de données chiffrées sur le sujet et la socialiste Corinne Narassiguin dénonce « une vision à géométrie variable de la laïcité ».
À Brionne, une communauté partagée entre incompréhension et espoir
Par Pierre-Henri Gergonne
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Sous les voûtes du monument, le cercueil est passé, suivi d'une dizaine de personnes recueillies. À quelques pas, derrière le pauvre cortège - pas plus de 20 personnes disent les directives -, le curé de la paroisse. Seul son regard émerge du masque chirurgical qui ne l'a pas quitté pendant la messe des morts. Dehors, c'est le temps des dernières prières et des derniers saluts avant le départ du corbillard. Alors le prêtre tourne les talons et revient sur pas. Pour refermer, de sa lourde clé, l'église à double tours.
« Une grande douleur pour la communauté »
L'église Saint-Martin de la Risle vit recluse depuis le confinement. Elle et ses fidèles privés depuis le 10 mars de messes, de baptêmes, comme du catéchisme pour les petits.
Une épreuve pour la communauté catholique de l'endroit, qui outre Brionne rassemble 25 villages des alentours. « C'est une grande tristesse, confie le prêtre de Brionne. Une grande douleur que je n'ai jamais vécue ni comme chrétien ni comme prêtre ». Avant le confinement, les cérémonies étaient régulières, les mercredis, les samedis et dimanches. Des moments de joie et parfois de tristesse mais toujours partagées. « Depuis le 16 mars, plus rien » souffle le curé, qui par humilité ne désire même pas citer son nom.
« Les gens sont très touchés et l'on sent un grand vide et un fort désir, une soif des fidèles de retrouver leur vie d'Église » poursuit le prêtre. Il faut alors garder les liens avec la communauté. Les réseaux sociaux sont un moyen, le téléphone aussi et la messe du diocèse retransmise sur YouTube. Mais n'attendez pas de lui un quelconque commentaire des déclarations polémiques du ministre de l'Intérieur voire de celle du Premier ministre laissant entendre un déconfinement possible à la fin du mois. À Brionne, la séparation de l'Église et de l'État est une réalité silencieuse.
Plus libres sans doute sont les propos de Brigitte Vannier. Les sentiments de cette paroissienne brionnaise, responsable du catéchisme, balancent entre incompréhension et désarroi. « Cette décision de confinement qui perdure est regrettable. Nous avons été privés des fêtes pascales, l'accès au presbytère nous est interdit nous privant des activités de catéchèse ». « Et pourtant, poursuit-elle, nous avions les solutions comme le respect de la distanciation, le placement des fidèles en quinconces par exemple ».
L'amertume est au bord des lèvres à la veille d'un déconfinement qui verra les coiffeurs, les magasins de toutes sortes rouvrir leurs portes sous conditions. L'église de Brionne, comme les autres, devra attendre le bon vouloir des autorités publiques. Une réouverture pour les fêtes de Pentecôte, prévues fin mai, comme l'a laissé entendre le Premier ministre Édouard Philippe ? « Oui, ce serait une bonne chose » glisse Brigitte Vannier.
De lourdes conséquences financières
Un espoir partagé au diocèse dont dépend la paroisse de Brionne. « Oui, on l'espère » indique Mgr Christian Nourrichard, évêque d'Évreux suspendu lui aussi aux décisions gouvernementales.
« Nous ne sommes pas plus stupides que les autres, dit-il. À partir du moment où les écoles et les magasins vont rouvrir le 11 mai, nous serions nous aussi en mesure de réussir un déconfinement respectant strictement les mesures sanitaires indispensables.
Et l'évêque d'Évreux de souhaiter une « évolution » du gouvernement lui rappelant presque ironiquement qu’« en même temps, la foi se conjugue aussi par la joie du rassemblement des fidèles ». « L'Église se veut en dialogue, pas en opposition » tempère Mgr Nourrichard qui reste en contact régulier avec le préfet du département tout en regrettant plus généralement « un manque de considération important » des autorités publiques. « Faites-nous confiance, insiste Christian Nourrichard. Ouvrons les églises aux cultes et vous verrez ce sera différent ».
Mais au-delà de ces sujets, il en est un autre qui affectera durablement l'église de Brionne comme les autres églises de France : l'effondrement, du fait du confinement, du « denier du culte », seule source de financement des paroisses. « Nous n'avons pas encore de chiffre, indique l'évêque d'Évreux, mais pour un diocèse comme le nôtre, un diocèse parmi les plus pauvres, ce sera terrible pour les églises comme pour les lieux de sanctuaires ». À Brionne, comme partout en France, une relance du denier du culte est déjà prévue dès le mois de juin.